- Ce documentaire fait partie des suppléments du dvd « Les témoins de Lendsdorf« .-
Avant le film de Amichai Greenberg, « Les témoins de Lendsdorf », Eduard Erne et Margareta Heinrich ont longuement travaillé sur le massacre perpétré dans le village de Lendsdorf en Autriche, au crépuscule de la Seconde Guerre Mondiale.
200 juif fusillés au petit matin, puis ensevelis dans un secteur largement modifié par les hommes depuis ces soixante-dix dernières années.
On n’a toujours pas retrouvé le lieu exact du drame, ni le moindre indice permettant de relever l’identité des suppliciés. La manière dont les deux documentalistes mènent leurs investigations ne laisse pas de place au doute. Mais pour beaucoup de gens, il est préférable d’oublier et de passer à autre chose .
C’est l’un des traits marquants de ce document . L’amnésie, la fuite en avant, la mauvaise conscience …
« Ceux qui savent ne diront rien » .
« On savait qu’ils avaient tué des juifs, mais où, quand, comment … on avait trop de travail pour s’en soucier réellement » dit une vieille femme dans un éclat de rire franc et brutal. « Tout est oublié, les mauvais souvenirs s’effacent vite… ».
Il n’y a pas cette fois d’historien pour mener l’enquête comme dans le film de Greenberg, mais une caméra qui explore le temps et ses souvenirs. Et le moindre sillon en compagnie de ces quelques hommes et femmes qui ne veulent pas mourir sans savoir, sans connaître la vérité.
« On honore tous les ans les soldats tombés au front, mais les 200 fusillés on les oublie , comme tous les travailleurs forcés de l’époque … »
« Nous voulons simplement les enterrer selon la coutume juive. Ce sont des collègues, des amis, peut-être de la famille. Que les habitants du coin ne veuillent rien faire ça me peine … »
Les techniques évoluant ( photos aériennes… ) on repère sous la terre des tranchées, des zones d’ombre intéressantes. Mais les recherches ne donnent rien. Alors on retourne vers des témoins possibles, des acteurs involontaires du drame. La quête est vaine et bien souvent les portes se ferment.
Le fermier qui exploite le champ est peut-être plus « pragmatique ».« Là où le blé pousse le plus haut sont enterrés les juifs ».
« Ça vous fait quoi de manger du pain avec du sang juif dedans ? ».
L’homme ne répondra pas. Des commerces du village à la maison de retraite, l’attitude ne varie guère . « A quoi ça sert de parler » ? dit une vieille pensionnaire.
Une autre femme qui petite fille se trouvait dans la cuisine du château voisin se souvient.
« Ils faisaient la fête au château ce soir-là , ils ont beaucoup bu et dansé, c’est ce que l’on apercevait depuis la cuisine , et un moment Podezin, le chef de la gestapo locale, est parti avec des hommes armés ils étaient ivres ».
« Je les entendais pleurer pendant qu’on les fusillait » raconte une autre femme, en larmes. Sa maison n’était pas très éloignée des lieux. « On entendait les cris » montre-t-elle du doigt , comme si elle revivait ce moment si cruel et douloureux à ses oreilles , « et pourtant les fenêtres étaient fermées ».
Le documentaire se termine sur l’existence de ce Podezin quelque part en Afrique du Sud ( mais injoignable lui aussi ) et le témoignage éloquent de Gavriel Livne , l’un de ces travailleurs forcés qui revient là où on l’avait obligé à creuser. C’est précis , sans discussion possible, « ils nous criaient dessus, nous frappaient, ça n’allait pas assez vite , quand nous sommes partis nous avons croisé des camions de SS, peu courants dans le secteur et peu après nous avons entendu des coups de feu, ininterrompus … ».
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