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« Une affaire de femmes » de Claude Chabrol. Critique Blu-ray

  • Réalisateur ‏ : ‎ Claude Chabrol
  • Durée ‏ : ‎ 103 minutes
  • Dvd ‏ : ‎ 22 septembre 2021
  • Cinéma : 21 septembre 1988
  • Acteurs ‏ : ‎ Isabelle Huppert, François Cluzet, Evelyne Didi, Dani, Marie Trintignant
  • Studio  ‏ : ‎ Carlotta Films

L’histoire : Pendant l’Occupation, Marie élève difficilement ses deux enfants, et attend le retour de son mari Paul prisonnier en Allemagne. Elle aide une voisine à mettre fin à une grossesse non désirée. L’engrenage. Epoux prisonniers, passades amoureuses, liaisons coupables avec l’occupant, les services de Marie se rétribuent et deviennent son gagne-pain. Le retour de Paul, aigri et affaibli, contraste avec l’aisance matérielle ainsi obtenue .

  • Film et Bonus : 
  • D’après l’œuvre éponyme de Francis Szpiner
  • Festival de Venise 1988, prix d’interprétation Isabelle Huppert

Le film date un peu, mais il a très bien vieilli . La mise en scène est gaillarde, la narration, d’une belle écriture, pour un sujet d’actualité toujours présent.

A l’époque, la seconde guerre mondiale, on ne parle pas de contraception. Le sort des femmes enceintes dont les maris sont prisonniers relève de l’affront, de la honte. Avec celles qui ont couché avec l’allemand, et puis les amours de passage…

Aussi le petit trafic de Marie prospère-t-il rapidement, elle qui à l’origine pensait rendre simplement service à sa voisine de palier. Une opération tâtonnée à la hâte, au hasard…

La réussite de l’intervention fait discrètement le tour du quartier. Puis bien au-delà. Marie a rôdé son petit manège et en vit  bien. Malgré le retour de son homme du stalag qui ne saisit pas vraiment le nouveau train de vie de son épouse.

Paul est un homme blessé, fatigué, déçu par son accueil dont les préoccupations lui semblent bien étrangères. Marie papillonne effectivement, fait des rencontres, dont celle de Lulu, la fille de joie ( Marie Trintignant, inoubliable ) . Elle accepte sa proposition d’un petit commerce à domicile.

Un peu plus d’argent, des amitiés nouvelles dont celle d’un amant Lucien ( Nils Tavernier ) que Paul découvre sans vraiment réagir.

Ce faux ménage à trois, le réalisateur le réunit dans un cadre bourgeois où le commerce de la faiseuse d’anges se poursuit, dans sa joie et sa bonne humeur. Elle se fait aider par sa bonne qui la supplée quand dans la chambre voisine Lucien s’impatiente.

La famille part à vau l’eau, et rien ne peut l’arrêter, même pas un dramatique contre-temps, le deuil de toute une famille.

«  Les fœtus ont-ils une âme ? » s’interroge-t-elle un instant.

« Trois fois que je me fais engrosser par un Bismarck … »

La question posée, Chabrol la tient de garde-fou à sa mise en scène de plus en plus serrée, oppressante, délaissant la lumière des fêtes et des folies pour l’ombre plus incertaine d’un avenir qui se dérobe.

François Cluzet excellent dans la peau du mari, lâche et veule, pointe cette France pliée sous le joug allemand, quand d’autres se gobergent au bon soin d’une princesse.

Elle s’appelle peut-être Marie, sur qui la tendresse du cinéaste ne se dément jamais, même au plus sombre de son existence . Isabelle Huppert éblouissante donne à son personnage toute la force paradoxale d’une époque où l’émancipation de la femme ne figurait pas à l’ordre du jour.

Claude Chabrol introduit des notions nouvelles dans l’art de la mise en scène : perspective déjouée, profondeur de champ accentuée…

 

Mais bien celui de la famille, au cœur du discours pétainiste et de ses valeurs morales immuables. Entre le bien et le mal Chabrol ne choisit pas, il filme et le fait avec maestria. La restauration est exceptionnelle, l’image est superbe.

LES SUPPLÉMENTS

  • . Présentation du film par Joël Magny (2 mn)
  • . Commentaires de Claude Chabrol (24 mn) . Le réalisateur explique quatre scènes du film. C’est passionnant à suivre , le pourquoi du comment … le premier jour de tournage, un style qui se cherche, et puis aussi la musique du fiston composée à la lecture du scénario « contrairement à de nombreux musiciens qui le font sur les images . (… ) Il y a là un synchronisme fortuit avec la musique » relève-t-il sur la scène où le mari découvre la prostituée dans le salon, et sa femme avec son amant.
La France de Vichy n’aime pas que le bonheur individuel se déploie en marge de la morale officielle…

 

  • Entretien avec Marin Karmitz, producteur du film (4 mn). Il reprend les thèmes de l’avortement et de la peine de mort toujours aussi difficiles à aborder dans le cinéma moderne. « Je n’ai pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis, l’avortement et la peine de mort étant des thèmes interdits. Bush venait de supprimer les subventions aux associations qui prônaient le droit à l’avortement. Alors je l’ai distribué moi-même et le succès a été incroyable ».
  • Entretien avec Francis Szpiner, auteur du livre “Une affaire de femmes” (8 mn). L’avocat et homme politique revient sur les raisons qui l’ont poussé à écrire sur l’affaire Marie-Louise Giraud.  Il rappelle ce que fut vraiment cette femme et relève l’ignominie des Tribunaux d’Etat «  la plus grande monstruosité juridique (…) présidée par des magistrats à la retraite trop contents de retrouver leurs audiences. Celui qui a condamné à mort Mme Giraud a été déclaré fou à la libération ».
Réalisateur ‏ : ‎ Claude Chabrol Durée ‏ : ‎ 103 minutes Dvd ‏ : ‎ 22 septembre 2021 Cinéma : 21 septembre 1988 Acteurs ‏ : ‎ Isabelle Huppert, François Cluzet, Evelyne Didi, Dani, Marie Trintignant Studio  ‏ : ‎ Carlotta Films L'histoire : Pendant l’Occupation, Marie élève difficilement ses deux enfants, et attend le retour de son mari Paul prisonnier en Allemagne. Elle aide une voisine à mettre fin à une grossesse non désirée. L’engrenage. Epoux prisonniers, passades amoureuses, liaisons coupables avec l’occupant, les services de Marie se rétribuent et deviennent son gagne-pain. Le retour de Paul, aigri et affaibli, contraste avec…
Le film
Les bonus

Vichy sous l’occupation,  le sort des femmes restées au foyer. En s’appuyant sur les écrits de Francis Szpiner, Claude Chabrol peint une situation d’époque qui aujourd’hui encore connaît ses avatars sur la question du droit à l’avortement. Le film date un peu, mais il a bien vieilli. On le doit à la verve du réalisateur liée à l’interprétation sans faille d’Isabelle Huppert au cœur d’un drame intime qui la fait devenir faiseuse d’anges, par hasard, et puis candidate au bonheur sans fin. Le retour de son mari du stalag brouille quelque peu les pistes, mais Marie veut vivre à tout prix au bras d’un amant, et de l’argent facile. Amorale totale, l’héroïne occupe tout l’espace sous l’œil bienveillant, plein de tendresse d’un réalisateur qui  n’est jamais donneur de leçon. Le piège est pourtant toujours présent dans cette France pétainiste prompt à toutes les dérives. Celles de Marie sont illégales, cruelles et mortelles parfois. Là où la raison aurait pu l’emporter sur la passion, dans un monde en décomposition totale. Pour le remettre d’aplomb, le discours pétainiste lié à l’obligation morale rétrécit la frontière entre le bien et le mal . Ce que Chabrol filme avec maestria

AVIS BONUS Commentaires du réalisateur sur quatre scènes et deux entretiens courts, mais instructifs

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