L’histoire : En 1976, Delphine Seyrig s’entretient avec 23 actrices sur leurs conditions de femmes dans l’industrie cinématographique, leurs rapports avec les producteurs et réalisateurs, les rôles qu’on leur proposent et les liens avec d’autres comédiennes.
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
Le 4 mars dernier ce documentaire a eu 42 ans (*). Sur la forme , il y aurait aujourd’hui beaucoup à dire ( les témoignages se succèdent sans réelle concordance ) , sur le fond on s’étonne qu’il soit autant d’actualité.
Avant-gardiste, donc, Delphine Seyrig plante sa caméra devant une kyrielle d’actrices qui évoquent leur métier dans un monde d’hommes et de compromis quotidiens. « Le dernier tango à Paris » est sorti il y a trois ans. Mais pour son héroïne malgré elle, Maria Schneider, le traumatisme demeure.
Elle résume « Bertolucci et Brando ont tous les deux fait le film, je n’existais pas. Ils se parlaient entre eux et décidaient ».
Il faut être masochiste pour devenir comédienne. Le sentiment qui prédomine se heurte à la réflexion de Jane Fonda qui dénonce « la manière que les hommes ont de vous façonner. » Et de raconter comment Hollywood l’imagine pour l’avenir . Faux seins, teinture, joues pleines …« un produit du marché, on allait investir de l’argent sur mon dos ».
Louise Fletcher note les jeunes femmes, préférées à leurs aînées de cinquante ans ( ça n’a pas changé ). Elles sont forcément frivoles. Elles seront d’abord des épouses où des maîtresses qui accompagnent des messieurs beaucoup plus âgés.
La taille est importante, et la couleur de peau vous dévie de certains plateaux. Le noir leur va si bien …« On est bonne ou esclave ». Quelques années plus tard : assistance sociale, infirmière …
Ingénue, objet du désir, les clichés se déclinent à l’infini autour de ces actrices qui n’imaginent pas forcément s’opposer à cet état de fait . Leur constat vaut approbation d’un métier qu’elles ont choisi pour ne pas faire celui de femme !
Ce qui ne leur interdit par de rechercher à définir un autre profil, une personnalité à part entière.
Et c’est bien souvent par l’écriture qu’elles disent pouvoir s’émanciper de ce milieu machiste, et irrespectueux de leurs conditions. De leur corps de cinquantenaire « quand les hommes plus âgés n’ont pas ce genre de problèmes » insiste Louise Fletcher.
Ces mêmes réflexions entendues aujourd’hui ,portées par des mouvements plus radicaux qui reprennent ce combat à peine engagé à l’époque. Mais le film de Delphine Seyrig ouvre bien les portes à #MeToo.Elles ne semblent pas prêtes de se refermer.
- (*) Tourné en 1975 et 1976 et sorti le 04 mars 1981.
Le Film
Le son n’est pas toujours très bon, l’image grisaille un peu, le montage est inexistant. La forme flanche, le fond est bon, mais inquiétant… Il y a 40 ans, Delphine Seyrig plante sa caméra devant une kyrielle d’actrices qui évoquent leur métier dans un monde d’hommes et de compromis quotidiens. Elles se racontent, racontent leur vie de comédienne qu’elles sont devenues pour ne pas avoir une vie de femme. Il est question d’exploitation et de soumission. Alignées sur des stéréotypes, elles sont frivoles ou ingénues, préférables en jeune évaporée plutôt que femme mûre. Certaines tentent d’échapper à cette condition humaine en imaginant pouvoir écrire, s’approprier des personnages qui leur ressemblent, des rôles intéressants. Aujourd’hui des femmes scénaristes, réalisatrices, monteuses, productrices, illustrent des mouvements plus radicaux qui reprennent ce combat à peine engagé à l’époque. Mais le film de Delphine Seyrig ouvre bien les portes à #MeToo.Pour l’heure elles demeurent encore entrouvertes…