Synopsis: Pour échapper à un passé trouble, Renwei revient avec sa compagne à Zhiziluo son village natal, après 20 ans d'absence. Son oncle est le maire. Situé dans les montagnes, à la frontière de la Chine et de la Birmanie, Zhiziluo a perdu beaucoup de ses habitants qui sont partis tenter leur chance en ville. Manquant de bras, l'oncle propose à Renwei de travailler pour le planning familial...
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Le supplement
Le cinéma asiatique aborde rarement le problème du contrôle des naissances, aussi frontalement. C’est un film magnifique et douloureux. A l’origine, le réalisateur ne nous prévient guère des conséquences dramatiques sur le quotidien des familles. Bien au contraire, il nous présente un jeune couple qui s’apprête à fonder une famille.
Pour le repos de la future mère, Renwei décide de se retirer de la ville dans un village dirigé par son oncle. Ils ne se sont pas vus depuis vingt ans, mais l’édile passe rapidement sur cette parenthèse. Le pays se désertifie, une famille qui s’installe est une aubaine. Surtout que le neveu passe à son service, et à celui du planning familial…
Inquiet de la faiblesse des stérilisations, un contrôle de l’Etat est toujours possible, le maire ordonne de vérifier tous les foyers potentiellement concernés. A la tête d’une petite bande sans scrupules, Renweil se révèle terriblement efficace. Contraste saisissant avec l’attention qu’il porte à sa compagne qui peu à peu remarque son comportement de plus en plus déviant.
Les soirées avec les copains, la boisson et ses activités à l’égard des femmes qu’il arrête sans ménagement, pour les conduire à l’hôpital. Le tonton est ravi, même si dans le secret de sa carré, l’homme souffre le martyre. Un mal indéfini qu’il confie aussi bien au shaman qu’au pasteur. La religion sauvera-t-elle son pays ? interroge le réalisateur, peu enclin à choisir entre superstition et croyance.
Il envoie ainsi le représentant du pouvoir central faire ses dévotions auprès du grand timonier. Scène autant pathétique que désespérée, à l’image de ce stand prônant la stérilisation, sous une pluie battante. Le mauvais temps aura raison des propagandistes et de la détermination du héros à vouloir en être un à tout prix.
On doute pourtant encore un instant de ses intentions au cœur d’un drame qu’il n’a pas vu venir. Toute l’ambivalence du futur papa qui chasse les futures mamans, sous le regard sans tendresse cette fois d’un tonton affaibli… Vingt ans de silence déchirent maintenant l’atmosphère.
Il y a de la ruse et de l’habileté dans la manière dont Dayong Zhao tire les ficelles de son scénario porté par des comédiens exceptionnels : Liang Ming, Li Ziqian, Liu Yu. Ils m’étaient alors inconnus, mais plus maintenant. Grand bonheur.
LE SUPPLEMENT
- Entretien avec Zhao Dayong, le réalisateur.« Dans mes documentaires, j’ai amassé le matériel nécessaire pour faire cette fiction. Mon point de départ, c’est toujours l’observation de la société actuelle. J’avais environ trois ans quand j’ai vu ce camion rempli de femmes que l’on emmenait à l’hôpital pour se faire stériliser. La plupart avait l’air heureuse, ça faisait aussi partie du quotidien cette politique de l’enfant unique et ma mère a été dans ces camions. (…) C’était la propagande officielle, trop de monde en Chine, et personne n’en doutait ».
La fin de cette politique ? Plutôt pessimiste sur l’évolution de la société chinoise « qui ne va jamais questionner le passé, même si cette politique est aujourd’hui en train d’évoluer elle n’a rien à voir avec une quelconque remise en question. (… ).
« Quand les femmes se font prendre puis emmener en camion, ces scènes n’ont posé aucune question aux comédiennes amateurs, elles disaient que ça ressemblait vraiment à la réalité, mais leur réflexion n’allait pas au-delà. En vrai ce qui se passait était encore plus cruel, mon film est en dessous de la vérité ».
« Je ne me demande pas si je fais un cinéma indépendant ou « officiel » ce qui m’importe c’est la liberté dont je dispose, si je ne peux pas dire dans mon film ce que je pense, alors je ne le ferais pas ».
Zhao Dayong parle de l’état déplorable du cinéma indépendant, et de la manière dont il surnage. « Comme mes budgets sont peu élevés, je peux récupérer mon investissement avec les salles, mais quand je tourne je fais très attention ». Ceci dit une fois le tournage de « Shadow days » terminé, il n’était pas satisfait et l’a refait quelques mois plus tard « j’ai dit aux comédiens que je ne pouvais leur payer que le transport, et on a refait le film. Celui que vous venez de voir, du premier il ne reste qu’un seul plan ».
- Journal de 8 pages sur la politique de l’enfant unique, les religions en Chine et l’histoire du cinéma chinois, vus par les sinologues Marie Holzman, Emmanuel Lincot et Luisa Prudentino.
Le film
Le supplement
Pour évoquer la politique de l'enfant unique en Chine, le réalisateur Zhao Dayong puise dans son expérience personnelle. Plusieurs séquences font appel à ses souvenirs qu’il filme de manière à ne jamais tomber dans une vision manichéenne d’un système depuis longtemps braqué par tout ce que qui peut ressembler à un semblant de liberté, voire d’indépendance.
Si le contrôle de la natalité par les autorités chinoises s’est assoupli, il laisse au quotidien des séquelles inimaginables, que le cinéaste situe dans un village du Yunnan, où la menace d’une inspection conduit le maire à contrôler toutes les femmes sous son autorité. Un neveu qui vient de débarquer après vingt ans de silence se chargera de la besogne. Et l’édile saura mettre à profit cette très longue absence afin de tirer le maximum d’un héros ballotté par les événements d’une chronique rurale que le cinéaste tourne habilement en film noir politique.
Avis bonus
Un entretien très passionnant avec le réalisateur
Un commentaire
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