Synopsis: Léo est à la recherche du loup sur un grand causse de Lozère lorsqu'il rencontre une bergère, Marie. Quelques mois plus tard, ils ont un enfant. En proie au baby blues, et sans aucune confiance en Léo qui s'en va et puis revient sans prévenir, elle les abandonne tous les deux. Avec un bébé sur les bras, c'est compliqué mais il aime bien ça. Et pendant ce temps, il ne travaille pas beaucoup, il sombre peu à peu dans la misère. C'est la déchéance sociale qui le ramène vers les causses de Lozère et vers le loup.
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Le bonus
« C’est fort la musique » dit le jeune homme
« C’est Pink Floyd » répond le vieux monsieur
« Oui mais quand même, c’est fort… »
Je ne suis pas certain que Léo, le jeune père et héros de cette aventure soit aussi instable que l’on veux bien nous le dire. Je ne pense pas que sa motivation première soit la quête du loup. Si le problème du retour des meutes compose l’une des sensibilités de ce long-métrage, il s’inscrit alors dans un contexte plus général sur l’avenir de l’agriculture en France et la désertification de nos campagnes.
Ici, la Lozère et ses paysages de cow-boys dans lesquels Alain Guiraudie promène sa caméra et son alter-ego. La préoccupation à l’égard des loups n’est que passionnelle, voire passagère. Léo gambade dans sa tête et ses rêves à la recherche d’une inspiration qui lui fait défaut.
Un scénario en perspective, un producteur qui le tance, mais Léo est dans l’ailleurs que le réalisateur amalgame avec une aisance déconcertante.
De la réalité à la fiction, du rêve au fantastique, via une approche documentaire ténue, Guiraudie donne à voir tout un panorama de cinéma encore inexploré, inabouti, et si peu consensuel qu’il faut une bonne dose de confiance, de patience et d’intérêt pour suivre les traces de ce Léo sur les sentiers des causses lozériennes.
On y croise toute une galerie de personnages aussi dans la marge que lui, bien que paysans ou fille de paysan, comme Marie, mère célibataire et à nouveau maman.
Léo, papa, va très vite « adopter » son bébé au point de ne plus le lâcher. Marie s’est fait la malle, car elle tient de ce bois qui ne prend pas racine.
Tout en la recherchant Léo va poursuivre ses fréquentations du milieu, ce vieil homme assis au bord d’une route déserte, avec ce jeune homme qui pourrait être son fils, qui l’insulte et le fuit à tout va. Puis son beau-père avec qui les relations se durcissent pour ne pas avouer l’inavouable (Raphaël Thiéry, parfait).
Guiraudie cultive sa singularité. C’est un cinéma du doute et de l’attente . Le sexe est à vif, frontalement caressé, empalé, les corps sont marqués, d’un autre âge.
Léo va de l’un à l’autre et fuit en permanence, inconsciemment, le monde et ses travers, et la responsabilité de sa propre personne, bien insignifiante à ses yeux.
Damien Bonnard fait feu de tout bois pour consumer ce personnage. Il porte le film , mais son entourage, (India Hair, Raphaël Thierry, jusqu’à Christian Bouillette) rebat lui aussi les cartes de manière admirable. Claire Mathon est à la photographie .Guiraudie doit être ravi.
LES SUPPLEMENTS
- Xavier Leherpeur interviewe le réalisateur. Il y a bien longtemps que je n’avais pas apprécié autant une rencontre entre un critique et un cinéaste. Il se dit beaucoup de choses intelligentes et pertinentes sur le cinéma, le comportement artistique ou la manière de tourner un film.
Il suffit d’entendre Guiraudie nous expliquer comment il construit ses ellipses . Tout simplement en n’écrivant pas au scénario les séquences qui ne sont pas passionnantes à écrire, du genre Léo prend sa voiture et se rend à … »
Le cinéma qui l’a nourri ? Des grands westerns, jusqu’à Costa-Gavras, Buñuel, et Fassbinder pour la lutte des classes : « je suis attaché à un cinéma de la rêverie mais aussi de la complexité ».
« J’ai des scénarios assez précis car tout se met en place à l’écriture, et notamment la mise en scène. (…) Léo peut être mon alter ego, j’ai voulu mettre le cinéaste dans le bain, et ne plus avoir l’artiste qui depuis sa tour d’ivoire contemple le monde ».
« Un tournage ça sert à ramener de la matière pour le montage, c’est une lapalissade, mais avant je n’y faisais pas attention et plus je filme plus j’y pense ».
« J’ai une tendresse pour ce monde agricole, ouvrier, les corps pas bien foutus, j’invente une sexualité, et plus généralement je veux redonner le droit au chapitre à tout ce monde-là qui en est complètement exclu ».
Le film
Le bonus
Abrupt, direct, sans discipline ni orthodoxie cinématographique, Alain Guiraudie cultive sa différence qui le mène à nouveau sur le devant de la scène en compagnie de ce qui pourrait être son double, un alter-ego prénommé Léo en quête d’inspiration pour un scénario qui ne le préoccupe guère.
Léo est ailleurs dans sa tête et ses rêves, pour voir un loup, rien que pour le voir avant d’endosser une paternité à laquelle il ne s’attendait pas. Comme c’est la maman qui met les voiles, le papa adopte définitivement ce bébé au milieu d’une cour de personnages plus marginaux les uns que les autres. Pas forcément dans leur comportement, mais plutôt dans une raison d’être, une position déviante au regard d’une société qu’ils ne cherchent même pas à rencontrer.
Dans l’amalgame des sentiments, le réalisateur réussit tout aussi bien celui des thèmes abordés, de la réalité à la fiction, du rêve au fantastique, via une approche documentaire ténue.
Damien Bonnard fait feu de tout bois pour consumer son personnage avec une pertinence remarquable. A l’image de l’interprétation d’India Hair, Raphaël Thierry jusqu’à l’étonnant Christian Bouillette …
Avis bonus
Il y a bien longtemps que je n’avais apprécié autant une rencontre entre un critique et un cinéaste
4 Commentaires
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