- « Perfect days » concourt aux Oscars 2024 dans la catégorie Meilleur film international, aux côtés de « Moi, capitaine », « La Salle des profs», « Le Cercle des neiges » et « La Zone d’intérêt ».
L’histoire : Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Il s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il entretient une passion pour la musique, les livres, et les arbres qu’il aime photographier. Son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues.
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
Festival de Cannes 2023 . Prix du jury œcuménique. Prix d’interprétation Kōji Yakusho
Le service de l’Hygiène de la ville de Tokyo peut être tranquille. Avec un employé de la trempe de Hirayama, ses toilettes publiques seront bien entretenues. Avec conscience et entrain, notre homme assure nettoyage, récurage et désinfection sans l’ombre d’un reproche.
Chaque matin il se lève heureux en découvrant le ciel bleu et les arbres qu’il adore par-dessus-tout. Sa journée est déjà toute programmée, et de toilettes publiques en sanisettes municipales, il parcourt la ville dans sa camionnette où la musique des sixties le mène bon train.
C’est son autre passion, un bon vieux rock, du rythm’n blues, et le soir un peu de lecture. Faulkner, Highsmith … Hirayama choisit ses auteurs. Un étrange bonhomme. Qui ne parle pas, mais sourit souvent.
Il subjugue Wenders, qui nous transmet le message. Dans ce rituel bien ordonné où chaque jour ne ressemble jamais à celui de la veille. Le même pique-nique, au même endroit ( sous les frondaisons ) , le même bain public , le même petit bistrot …
Une routine décomplexée par la personnalité de son auteur qui devient très vite un proche. On l’accompagne, on l’attend, en espérant que la machine à café va toujours fonctionner, et que son collègue insaisissable, Takashi ( Tokio Emoto) ne va pas trop lui pourrir la vie.
Celle qu’il a choisie , à cent mille lieues semble-t-il de son univers d’autrefois où sa nièce fugueuse le rattrape un moment. Niko ( Arisa Nakano ) nous ouvre quelques portes de son histoire dont personnellement je me serais passé.
J’aimais le mystère sans effet qui planait au-dessus du monsieur, son étrangeté à ne pas vouloir parler. Mais avec Niko ( belle rencontre ) il est un peu plus bavard, se livre, elle se confie. Elle ne connait pas Van Morrison (« Brown Eyed Girl » pour la bande son ) , il ignore Spotify.
Niko, une passerelle avec ce monde qu’il se refuse à rejoindre ? Wenders le pense visiblement, tout aussi paisible et bienheureux dans sa déambulation urbaine et solitaire. Le réalisateur décroche des travellings, tels des flèches en plein cœur. Koji Yakusho les reçoit et en fait très bon usage. Du grand art.
A noter : Ce film aux multiples résonnances seventies propose deux reprises de « The house of the rising sun ». Dans sa version originale pénitentiaire, et un acoustique japonais interprété par la comédienne qui tient le petit resto. Une très belle version que j’aimerais retrouver… Sur une bande son où Lou Reed nous fait bien évidemment planer, très proche de l’ambiance wenderienne …
LE SUPPLEMENT
- « Autour d’un thé » avec Wim Wenders. ( 77 mn ) . Le réalisateur aborde plusieurs thèmes dont celui des origines du héros qui dans le film arrivent tardivement. Mais en réalité, il faut chercher du côté de Leonard Cohen, à l’époque de sa période monacale. « Je l’avais en face de moi quand j’ai imaginé pour la première fois, un moine nettoyant des toilettes… » L’image s’estompe mais celle d’un homme gentil qui veut rendre service s’impose.
Fiction ou réalité ? « Je n’ai jamais su si on racontait vraiment une histoire fictionnelle . Clairement on l’a tourné comme un documentaire. »
Ozu est là. « Tourner au Japon, avec des acteurs japonais, cela évoque bien évidemment la présence d’Ozu que je connaissais bien. Il m’a énormément formé. Comment allait-on gérer le fait qu’il soit là ? »
« J’aime faire des films quand je ne sais pas comment les faire.. »
En énumérant tout ce qu’il aurait aimé être ( peintre, architecte, prêtre… ) Wim Wenders dit être venu au cinéma en découvrant, étudiant, la Cinémathèque de Paris. « J’ai réalisé que le cinéma était aussi une profession, inconcevable en Allemagne dans les années 50/60. »
« Voir à travers les yeux du personnage », « Trop d’histoires c’est un désastre » …
Le film
Le bonus
Wenders n’en démord pas , l’homme est seul pour conduire sa destinée comme il l’entend. Une fois encore dans son dernier film, le réalisateur allemand suit à merveille les déambulations d’un individu , hors-système, et tellement décalé cette fois, que l’on ignore au départ ce qui peut bien le motiver.
Il nettoie les toilettes publiques de Tokyo, avec entrain et dynamisme , tout en tenant un rythme quotidien particulier. Il aime la musique des sixties, photographie les arbres et dévore des romans d’anthologie. On ne sait rien de lui et sans révéler quoi que ce soit Wenders va tout nous dire, tout aussi paisiblement et bienheureux dans sa déambulation urbaine et solitaire. Le réalisateur décroche des travellings, tels des flèches en plein cœur.
Koji Yakusho les reçoit et en fait tès bon usage, du grand art.
AVIS BONUS
Une somme de réflexions thématiques parfaitement expliquées par son auteur.