« Il est tombé fou d’amour a une époque où il était interdit d’aimer » . –
Meilleur dvd Mars 2019 (8 ème)
- DVD : 28 mars 2019
- Acteurs : Alain Bashung, Ping Ru, Li Heling, Jean-François Balmer, Jean-Claude Brisson
- Réalisateur : Alain Mazars
- Studio : Blaq Out
L’histoire : 27 ans après son dernier séjour en Chine, Robert Chantegris revient, accompagné de sa fille Blanche, pour occuper un poste d’enseignant. Attiré par de mystérieux messages qui lui sont adressés, il s’engage dans un jeu de piste risqué, et fait la connaissance de la mystérieuse Lune d’automne. Entre légendes chinoises et quotidien communiste, Robert sombre alors dans une rêverie vertigineuse.
L’oubli avait enterré ce film. Le chanteur qui cultive alors son image de poète solitaire y voit son reflet. Ancien missionnaire français en Chine, Robert Chantegris y retourne trente ans plus tard pour enseigner aux enfants des coopérants .
Marqué par une personnalité assez trouble, accompagné de sa fille (Laure de Clermont-Tonnerre), l’homme porte sur son visage les stigmates d’une sombre histoire. Secrète, un peu à l’image de l’artiste coincée entre sa « Roulette Russe » et le « Chatterton », l’année du tournage ( 1994 ).
Mais de chansons ici pas question .Par une pirouette amusante, il le fait comprendre aux enfants de sa classe. Et au spectateur. Il a beau s’appeler Chantegris, l’artiste a radicalement coupé les ponts de la mélodie pour un rôle aussi abscons que cette histoire de rêveur perdu dans une aventure à laquelle il a pu participer il y a bien longtemps.
Elle lui revient par l’entremise d’une jeune femme qui lui confie des indices afin de renouer avec ce passé qui l’intrigue autant qu’il l’attire dans ce labyrinthe où une interprète et un petit garçon mêlent leur destinée.
« Il faut distinguer une vérité, de sa représentation » prévient une jeune danseuse, et le réalisateur qui nous imagine peut-être un peu perdu. C’est le cas.
Alain Mazars n’a jamais été un cinéaste facile. La manière d’évoquer sa propre histoire dans une Chine fortement marquée par la disparition de Mao n’a rien d’une promenade de santé.
Le quotidien des chinois structure son scénario de façon très marquante.
Les étrangers qui n’ont pas le droit de communiquer avec les autochtones sont réunis dans le même immeuble, étroitement surveillés, de jour comme de nuit. La vie privée n’existe pas ( les femmes de ménage entrent comme elles veulent ), la propagande vous réveille tous les matins …
La colonne vertébrale de l’édifice que le réalisateur construit sur une mise en scène qui peine à éclairer son projet. C’est pourquoi la pratique de la voix off, constante quasiment, double mais parasite la scénographie ambiante. On s’y perd un peu plus …
LES SUPPLÉMENTS
- Scènes du film commentées par le réalisateur. « Il n’était pas facile de tourner en Chine, on avait sur le dos une unité de travail pour nous accompagner… »
Comme on peut le voir dans le film « tous les matins, nous étions réveillés par la propagande ».
Pour Bashung, c’était « un contre-emploi, bien évidemment mais il souhaitait tenter l’expérience. (… ) Sur la séquence de la vitre brisée du bus, c’était un accident, mais Bashung n’a pas voulu interrompre le tournage et l’équipe chinoise a été sidérée et l’a respecté totalement à partir de ce jour-là ».
- Extrait du journal filmé en Chine par le réalisateur en 1978. Alain Mazars a été coopérant enseignant, dans le nord de la Chine à 18 h de train de Pékin. Avec une caméra super 8 il a filmé tout ce qu’il pouvait et c’est un petit documentaire très passionnant qu’il nous rapporte à travers son périple .
Pourquoi avait-on besoin d’un coopérant enseignant dans un tel endroit ? « Un complexe pétro-chimique sortait de terre, les techniciens français aidaient leurs homologues chinois , je devais enseigner aux enfant de ces coopérants. ( … ) Il y avait alors beaucoup d’interdits, ceux que l’on voit dans le film ».
- Entretien avec Olivier Cachin. Le journaliste situe le chanteur au cœur de sa carrière cinématographique en distinguant parfaitement la volonté de Bashung de ne pas mélanger ses deux activités artistiques. « On le voit dans le film, très intérieur, renfermé, dans un autre monde (… ) ce que devenait de plus en plus son répertoire, alors que le chanteur n’entendait absolument pas jouer les chanteurs au cinéma ».
Le film
Les bonus
C’est bien autour de Bashung, son mystère, son tempérament sombre et secret que s’articule ce film que le réalisateur ramène de sa propre expérience chinoise, deux ans après la mort de Mao.
Une Chine mystérieuse et envoûtante dans laquelle le héros va se perdre à force de se laisser entourer par des rêves et des cauchemars qu’alimente une jeune femme dans un labyrinthe enchanté mais piégé comme celui d’un conte.
Alain Mazars n’a jamais été un cinéaste facile et la manière d’évoquer sa propre histoire dans une Chine encore fortement marquée par la disparition de Mao n’a rien d’une promenade de santé. Le fait de doubler sa mise en scène elliptique et poétique d’une voix off quasi constante double mais parasite la scénographie ambiante. On s’y perd un peu plus …
AVIS BONUS
Le réalisateur raconte l’histoire de son projet à travers certaines scènes du film et c’est très instructif, d’autant que le documentaire qui suit est tout aussi excellent.
Le troisième bonus est un entretien avec Olivier Cachin, journaliste. Il situe le chanteur au cœur de sa carrière cinématographique, et là encore on prend bien du plaisir à l’écouter.
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