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« Leto » de Kirill Serebrennikov. Critique cinéma-Blu-ray

Synopsis:  Leningrad. Un été du début des années 80. En amont de la Perestroïka, les disques de Lou Reed et de David Bowie s'échangent en contrebande, et une scène rock émerge. Mike et sa femme la belle Natacha rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Entourés d’une nouvelle génération de musiciens, ils vont changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique. 

La fiche du film

Le film : "Leto"
De : Kirill Serebrennikov
Avec : Roman Bilyk, Irina Starshenbaum
Sortie le : 05/12/2018
Distribution : Kinovista / Bac Films
Durée : 126 Minutes
Genre : Drame, Biopic
Type : Long-métrage
Le film
Les bonus

DVD 19 Juin

Ce film en noir et blanc, sautillant sur des musiques barbares, a traversé des siècles et des générations. Il vient de très loin… Il va griser des nostalgies, soulever des interrogations et projeter sur l’avenir une sorte d’espoir de l’utopie. C’est déjà un grand film.

Il nous parle de l’URSS, des années quatre-vingt, et de la perestroïka qui se meurt et jette le froid sur le rock’n roll du pays. Gorbatchev est désormais dans l’ombre d’une politique d’ouverture dans laquelle la jeunesse s’engouffre encore avec passion et gourmandise.

Comme le chanteur de Kino, Viktor Tsoï et son mentor Mike Naumenko, leader de Zoopark qui sur la scène underground de Léningrad émerge au milieu d’un parterre musical soviétique muselé.

Tous ces personnages ont réellement existé !

C’est leur histoire qui prend racine dans la salle de concert où le moindre faux pas est sanctionné. Un cœur dessiné sur une pancarte, une attitude trop enthousiaste et les nervis de service entrent en action.

C’est déjà la Russie d’Eltsine qui impose à chaque nouvelle composition, un comité de lecture. Un comité de censure.

Les jeunes échevelés s’amusent et rigolent franchement devant la représentante du pouvoir qui décrypte les textes en quête de la moindre allusion sexuelle, politique ou revendicative.

« A perfect day » chante Lou Reed, référence contestée de la bande plutôt punk et Sex Pistols. « Le chant de l’ennemi » s’emporte un vieux de la vieille, médaillé à ne plus savoir qu’en faire. Sinon porter la nostalgie de « la grande Russie qu’ils ne servent pas ».

La vie familiale est étriquée, mais leur bonheur est acceptable. Si la musique prend les devants. Mike et sa femme en témoignent chaque jour, bringuebalés par les humeurs talentueuses du jeune Viktor.Un triangle amoureux inédit  se forme…

Pour une histoire en noir et blanc (belles images, beau contraste) avec de joyeuses incrustations animées, rougeoyantes, (Yelena Koreneva) dans une mise en scène tourbillonnante.

 » Ca n’a pas existé… » proclame Skeptic dont l’ironie est drôle et mordante ( Alexander Kuznetsov )

Les acteurs sont formidables (Roman Bilyk, Irina Starshenbaum, Teo Yoo…) avec une préférence pour le commentateur ironique et truculent (Alexander Gorchilin) qui s’introduit chaque fois entre deux séquences. Pour des scènes hilarantes et tragiques sur le mouvement punk soviétique imaginées dans une version anglo-saxonne. Mais « ça n’a pas existé » prévient sa pancarte…

Une idée de mise en scène remarquable, et ce n’est pas la seule de ce grand et beau film reparti bredouille de Cannes. Bizarre, vraiment bizarre.

LES SUPPLEMENTS

  • « After Leto », un documentaire inédit de Kirill Serebrennikov ( 45 mn ). Tout à fait dans l’esprit du film, il s’agit plus d’un regard sur la vie en Union Soviétique au début des années 80, et sur la musique de cette époque que sur le film lui-même. Le tout est entrecoupé de rushs, sympas, ou de scènes du film calquées sur les commentaires et interviews des intervenants, c’est habilement construit…

Natalia Naoumenko, la romancière et compagne de Mike, revient sur les lieux du tournage en compagnie de Alexander Gorchilin (Punk) qui tente de resituer la rencontre entre Mike et Viktor. «  Il était vraiment quelqu’un qui pouvait se réjouir du succès de ses amis » dit-elle en reprenant un pétard, activité semble-t-il oubliée depuis très longtemps.

Artemi Troïtski, critique musicale.  «  C’était quelqu’un de naïf, il ne comprenait pas dans quel pays il vivait. Il écrivait  des textes classiques de rock occidental, mais il était à Londres, à New-York, ailleurs et c’était notre seul rockeur qui aimait bien les punks ».

Le plus dangereux à l’époque ?  : les échanges et la vente de musique étrangère «  propagande du monde capitaliste ».

Seva Novgorodsev professionnel (  animateur-critique à BBC Russian … ) «  le rock russe porte notre matrice slave, c’est vraiment autre chose, il ne peut pas être comparé aux autres rocks ».

Andrei Tropillo , ingénieur du son : «  nul, vous filmez dans un décor nul, c’est une honte » . Il explique alors comment ça se passait à son époque, puis sa conception du rock russe , auquel il a beaucoup contribué fait-il comprendre à plusieurs reprises

Nikolaï Mikhaïlov dans la salle de concert officiel avec ses gardes chiourmes… Il se souvient. «  Un jour  Artemi Troïtski s’est mis à danser sur «  L’étranger » du groupe Tambourine, il a été arrêté. (… ) Mais si le KGB a tardé à réagir à la création de ce club de rock, ce sont les flics qui intervenaient ».

 «  Il y avait un contraste énorme entre la misère incroyable de l’époque et  la grandeur incroyable de la création  on n’avait pas de perspectives d’avenir, mais il y avait beaucoup d’espoir dans l’avenir , on était joyeux, heureux, les secrétaires généraux du PC tombaient comme des mouches »

    • Conférence de presse du film à Cannes . Le producteur Ilya Stewart : l’assignation à résidence du réalisateur, la fin du film tourné sans lui, absent à Cannes «  il a monté le film dans son appartement pour respecter la décision de justice » L’importance de Cannes pour un tel film , les droits musicaux …
 

Ce que la justice lui reproche ? « C’est long et compliqué, mais très moche de l’avoir arrêté pendant le tournage, voyez dans la presse tous les détails concernant sa détention » . Zver et tous les autres paraissent gênés d’aborder le sujet qui fâche, la situation politique…

«  Une situation ridicule » lâche Stewart «  sans fondement, la politique n’a pas sa place ici, on vit dans un monde très complexe ». La notion de censure ? «  quand nous tournions nous pensions à faire un film historique, pas de similitude avec ce qui passe actuellement … »

  • Rencontre avec les acteurs. De quoi parle le film, c’est ce dont ils nous entretiennent . Ils évoquent bien le même film, mais avec des commentaires très personnels, soit sur la liberté individuelle, le concept musical et l’époque historique qui le sous-tend. Et au bout du compte ils ont tous raison .

Les discours de ces rencontres vont plus loin que les sempiternelles félicitations et congratulations …

  • Les triangles amoureux dans ce blog :

« Leto » de Kirill Serebrennikov-« A trois on y va » de Jérôme Bonnell-« L’homme fidèle » de Louis Garrel-« Cyrano de Bergerac » de Jean-Paul Rappeneau-« La colère d’un homme patient » de Raul Arevalo–« Le port de la drogue » de Samuel Fuller-« Rocco et ses frères » de Luchino Visconti-« Le cavalier noir » de Roy Ward Baker-« Caprice » d’Emmanuel Mouret-« Parade’s end » de Susanna White-« Le Passé » de Ashgar Farhadi-« The deep blue sea » de Terence Davies-« Contracorriente » de Javier Fuentes-León-« Tango » de Carlos Saura-« La Princesse de Montpensier » de Bertrand Tavernier-« Chloé » d’Atom Egoyan-« Brothers » de Jim Sheridan-« Les fantômes d’Ismaël » d’Arnaud Desplechin-« La Maison russie » de Fred Schepisi

DVD 19 Juin Ce film en noir et blanc, sautillant sur des musiques barbares, a traversé des siècles et des générations. Il vient de très loin... Il va griser des nostalgies, soulever des interrogations et projeter sur l’avenir une sorte d’espoir de l’utopie. C’est déjà un grand film. Il nous parle de l’URSS, des années quatre-vingt, et de la perestroïka qui se meurt et jette le froid sur le rock’n roll du pays. Gorbatchev est désormais dans l’ombre d’une politique d’ouverture dans laquelle la jeunesse s’engouffre encore avec passion et gourmandise. Comme le chanteur de Kino, Viktor Tsoï et son mentor Mike…
Le film
Les bonus

Ça pourrait être l’enfer moderne de la répression culturelle d’un mouvement toléré du bout des lèvres. Mais pour cette jeunesse encore bercée par les promesses de la perestroïka, leur musique, rock et punk mâtinée de new-wave exprime toute leur joie de vie et l’urgence d’en faire état. Sous l’œil et l’oreille plus ou moins réprobateurs des vieux de la vieille orphelins de la « grande Russie » et sceptiques sur l’avenir d’un Gorbatchev déjà bien vacillant. C’est à travers leurs propres compositions que Mike et Viktor vont alors bousculer les traditions en opposition à un pays qui recrute ses jeunes pour aller faire la guerre en Afghanistan. Ce film en noir et blanc, sautillant sur des musiques barbares, a déjà traversé des siècles et des générations. Il va griser des nostalgies, soulever des interrogations et projeter sur l’avenir une sorte d’espoir de l’utopie. C’est déjà un grand film...

AVIS BONUS Des entretiens, des vidéos, un panorama excellent de l'époque à travers des commentaires, c'est super !

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L’Amérique,  fratricide comme elle semble l’avoir toujours été … Et toujours John Ford !

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