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« La Voix d’Aïda » de Jasmila Žbanić. Critique Cinéma-Blu-ray

Synopsis:  Srebrenica, juillet 1995. professeure d'anglais, Aida vient d'être réquisitionnée comme interprète auprès des Casques Bleus. Dans leur camp débordé, des milliers d’ habitants cherchent refuge, terrorisés par l'arrivée imminente de l'armée serbe. Chargée de traduire les consignes et rassurer la foule, Aida est certaine que le pire est à venir. Elle décide de tout tenter pour sauver son mari et ses deux fils, coincés dans le camp

La fiche du film

Le film : "La Voix d'Aida"
De : Jasmila Žbanić
Avec : Jasna Đuričić, Izudin Bajrovic
Sortie le : 22/09/2021
Distribution : Condor Distribution
Durée : 104 Minutes
Genre : Drame, Guerre, Historique
Type : Long-métrage
Le film
Les bonus

Ce film ne témoigne pas de l’Histoire, il l’éclaire crument quand aujourd’hui les bottes se déplacent sur une autre frontière et sème la destruction.

25 ans auparavant, un scénario semblable, une même ignominie. Encerclée par les forces serbes, Srebrenica est une zone de sécurité, selon un code onusien qui ne tient pas un instant.

Il n’y a rien à craindre dit le colonel Karremans (Johan Heldenbergh), un ultimatum a été lancé. Lancé en l’air très certainement quand le cliquetis des chenilles des chars réveille la ville encore endormie. La panique, la fuite en avant. L’ONU ouvre les portes de son camp, mais très vite les referment. Complet.

 

Dramatique la façon dont les hommes les femmes et les enfants s’entassent contre les barrières et le grillage. Aida l’interprète désignée pour la traduction anglaise ( elle est professeure) voit ces gens s’agglutiner et parmi eux, son mari et l’un de ses fils.

Le début d’un autre combat pour cette femme (Jasna Đuričić) dont la détermination peut faire rougir de honte les soldats dits de la paix. Sans ordre, sans moyen, sans … ultimatum, ils observent le chaos s’installer,  pendant que les négociations avec le général Mlàdic ( Boris Isaković ) laissent apparaître un semblant de rémission.

Un leurre, un de plus dans ce cauchemar vécu par des milliers de personnes confrontées à la barbarie ordinaire de gens qui quelques années plus tard applaudiront leurs petits enfants à la fête de l’école. Aida le reconnait ce Joka ( Emir Hadžihafizbegović)  qui à la tête des forces serbes, menaçait, terrifiait, assassinait … (photo)

Il vit aujourd’hui à Srebrenica où après quinze années de silence, le sol bosniaque rend ces corps mutilés pendant la guerre. Des charniers, des squelettes, comme au temps d’autres guerres, d’autres déportations …

Jasmila Žbanić, la réalisatrice accompagne sans tapage toutes ces femmes à la recherche d’un homme, d’une famille. Aida au destin très personnel n’aura pas pu s’extirper de ce malheur collectif, populace trimballée d’un ordre à l’autre, faussement rassurée par des mots tout aussi faussement bienveillants.

Même à la vue d’un ancien élève, Aïda se méfiera. Courte scène, terrible comme Jasmila Žbanić en révèle de nombreuses dans ce film aux accents d’une vérité jamais éteinte …

LES SUPPLEMENTS

  • Entretien avec la réalisatrice ( 37 mn ) – Jasmila Žbanić a travaillé sur le rapport final de l’ONU sur Srebrenica, avec des survivants aussi . La lecture de «  Under The UN flag » de Hasan Nuhanovic, à l’époque traducteur pour l’ONU lui a été précieuse . Il a du traduire à sa famille «  Maintenant vous devez partir » et il ne l’a jamais revue…

La rencontre avec les femmes de Srebrenica. «  Certaines n’ont toujours pas retrouvé leurs fils ».

L’épilogue : dans un film de guerre, vient toujours la paix, dit-elle… «  Pour moi ce n’était pas aussi évident. Beaucoup de questions restaient sans réponse. Dans l’épilogue on se dit comment vivre auprès de ce voisin qui a tué votre fils et n’est pas puni pour cela. (… ) Certains diront que je suis trop optimiste dans la dernière scène . Ce n’est pas une fin heureuse hollywoodienne. C’est l’espoir que l’humain puisse changer ».

  •  Guillaume Ancel, ancien casque bleu  ( 33 mn )- « On croyait que l’on allait rétablir la paix ».

L’ex-soldat relate toutes ses campagnes et se dit aujourd’hui heureux qu’un film puisse relater tout ce qu’il a vécu. «  La duplicité de la France à l’époque, par exemple, dont on n’a jamais parlé ». La définition du casque bleu. « Plus de cent fois on s’est approché d’une cible serbe, et au dernier moment on a eu l’interdiction d’intervenir , sans savoir pourquoi … »

Il donne son explication de l’échec de l’ONU à Srebrenica. Edifiant !

  • « Les voix de Srebrenica » de Nedim Loncarevic ( 52 mn ) – Quelques passages significatifs de ce documentaire édifiant.

Hasan Nuhanovic, à l’époque traducteur pour l’ONU. Il relate la manière dont il a pu accéder avec sa famille à Srebrenica. Jean-René Ruez, ancien enquêteur du tribunal international , sur des images d’archive explique la situation politique entre 1992 et 1995, le nettoyage ethnique, l’exode

Le témoignage d’un résident alors enfant. «  On jouait dans la rue, et quand on entendait une bombe , on essayait de se cacher. Tant que le bombardement était en cours, tes parents ne venaient pas te chercher » .Un médecin chirurgien «  j’ai dû opérer un jeune homme touché par un obus, avec … simplement une scie à métaux »

L’aide humanitaire bloquée par les Serbes

L’absence d’aide, pourquoi se demande l’ancien maire de Srebrenica, nous n’avons pas la réponse.

Comment arrive-t-on à la partition de la Bosnie-Herzégovine ? La priorité est donnée à la défense de Sarajevo au détriment de Srebrenica. Richard Holbrook , diplomate américain «  une tragédie qui n’aurait jamais dû se produire ». Mais étrangement il poursuit «  mes instructions étaient de sacrifier Srebrenica et les autres enclaves. Et je pense que l’on avait tort »

«  Ca arrangeait beaucoup de monde, ça accélérait le règlement politique ».

Ce film ne témoigne pas de l’Histoire, il l’éclaire crument quand aujourd’hui les bottes se déplacent sur une autre frontière et sème la destruction. 25 ans auparavant, un scénario semblable, une même ignominie. Encerclée par les forces serbes, Srebrenica est une zone de sécurité, selon un code onusien qui ne tient pas un instant. Il n’y a rien à craindre dit le colonel Karremans (Johan Heldenbergh), un ultimatum a été lancé. Lancé en l’air très certainement quand le cliquetis des chenilles des chars réveille la ville encore endormie. La panique, la fuite en avant. L’ONU ouvre les portes de son…
Le film
Les bonus

Je visionnais ce dvd quand les bruits de bottes se faisaient de plus en plus insistants à la frontière entre l’Ukraine et la Russie. Aujourd’hui «  La voix d’Aida » résonne avec encore plus d’acuité , de gravité tant elle crie le désespoir de l’humanité, sa barbarie, sa lâcheté. Il y a 25 ans Srebrenica était encerclée par les forces serbes. Une zone de sécurité, assurait l’ONU qui tout au long de ce conflit montrera ses faiblesses, pendant que l’armée Serbe prenait possession des lieux, sans y mettre les formes. Ce que révèle avec une évidence désarmante la réalisatrice à travers le destin singulier d’une interprète Aida, qui face au chaos tente de sauver ce qui peut l’être encore de sa famille dispersée au milieu de milliers de gens. Ce film ne témoigne pas de l’Histoire, il l’éclaire crument 25 ans avant l’invasion de l’Ukraine, un scénario semblable, une même ignominie. Encerclée par les forces serbes, Srebrenica est une zone de sécurité, selon un code onusien qui ne tient pas un instant. « La voix d’Aida » crie toujours dans le désert…

AVIS BONUS Le commentaire de la réalisatrice, d’un ancien casque bleu et d’un documentaire sur Srebrenica à l’époque de la guerre, édifiant .

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