L’histoire : 20 janvier 1942, une quinzaine de dignitaires du IIIe Reich se retrouvent dans une villa cossue à Wannsee, conviés par Reinhard Heydrich à une mystérieuse conférence. Ils en découvrent le motif à la dernière minute : ces représentants de la Waffen SS ou du Parti, fonctionnaires des différents ministères, émissaires des provinces conquises, devront s’être mis d’accord avant midi sur un plan d’élimination du peuple juif. Se succédent débats, manœuvres et jeux de pouvoir, autour de ce qui fera basculer dans la tragédie des millions de destins.
Pouvait-on imaginer de quelle manière la mise en œuvre de la solution finale avait été planifiée ? De nombreuses réunions, certes, et l’ultime dont le compte-rendu, dûment contrôlé par Eichmann ( Johannes Allmayer) contribue aujourd’hui à une meilleure connaissance des faits.
Mais les voir s’inscrire dans une telle représentation cinématographique est un tour de force. Une mise en scène directe, sans effet particulier si ce n’est la précision apportée à la posture des intervenants.
Attentif à leur tempo, Matti Geschonneck documente chaque profil et les renvoie à leurs responsabilités.
Le plan général sur l’extermination totale des juifs est déjà inscrit dans ses grandes lignes. Manquent quelques approbations de certains ministères et points de chute afin d’établir les zones d’accès aux convois . Comprenez, lieux d’extermination et autres camps de concentration…
Les mots sont dangereux, jamais réellement prononcés, mais toujours substitués par de surprenants euphémismes, qui parfois égarent la vigilances des intéressés. Ces gratte-papiers, comme les appelle Heydrich (Philipp Hochmair) . Pour eux, la solution finale n’est pas un problème, si elle n’entrave pas le bon fonctionnement de leurs institutions. « Il ne faudrait quand même pas se priver d’ouvriers à bon compte ».
C’est l’enjeu des débats qui s’engagent sur le mode commerce et négoce à l’exportation . Des milliers de corps jetés en pâture au hasard des circonstances géo-politiques d’un territoire récemment annexé ou d’une province rebelle, difficile à mater.
Les petits dignitaires du régime nazi soupèsent le mal du mal et se renvoient la balle . Tels des propriétaires jaloux de leurs voisins et d’avantages financiers, monnayés sur le dos des victimes juives.
La discussion va bon train, et si la confiance n’est pas toujours de mise, les échanges demeurent … professionnels. La présentation d’un nouveau système d’éliminations massives rassure Kritzinger (Thomas Loibl). Le secrétaire d’état s’inquiétait du moral des troupes chargées de fusiller à la chaîne.
Sous-secrétaire d’État, Erich Neumann (Matthias Bundschuh) lève son verre à cette bonne nouvelle. Moins d’exécutions par balles, des économies réalisées.
Ils rêvent tout haut à ce cauchemar programmé . Matti Geschonneck cadre l’effroi en marche, l’individu dans sa posture, hiératique, criminelle … Jakob Diehl dans la peau d’Heinrich Müller, le chef de la Gestapo est impressionnant. Il ne dit quasiment rien. Impressionnant je vous dis.
Le Film
Il a bien fallu se réunir, planifier, harmoniser une telle entreprise criminelle, que nos livres d’Histoire rappelleraient en quelques pages. Le compte-rendu, dûment contrôlé par Eichmann peut encore aujourd’hui contribuer à une meilleure connaissance des faits. Mais les voir s’inscrire dans un tel contexte est un tour de force. Une mise en scène directe, qui par définition appelle la fiction et s’approprie les vertus du documentaire pour donner à voir une page d’Histoire en 3 D, dans toute sa vérité. De petits dignitaires nazis, tels des marchands de tapis qui s’écharpent sur le mode commerce et négoce à l’exportation . Matti Geschonneck cadre l’effroi en marche, l’individu dans sa posture, hiératique, criminelle … Les comédiens sont à la hauteur de l’effroi qu’ils suscitent. Avec peut-être une citation en particulier pour Jakob Diehl dans la peau d’Heinrich Müller, le chef de la Gestapo. Il ne dit quasiment rien. Impressionnant !...