- Réalisateur : Agnieszka Holland
- Durée : 2 heures et 32 minutes
- Dvd : 26 juin 2024
- Cinéma : 07 février 2024
- Acteurs : Jalal Altawil, Maja Ostaszewska, Behi Djanati Atai, Tomasz Wlosok, Al Rashi Mohamad
- Sous-titres : Français
- Studio : Condor Entertainment
L’histoire : Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède. A la frontière entre le Belarus et la Pologne, ils se retrouvent embourbés avec des dizaines d’autres familles, à la merci de militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent peu à peu qu’ils sont les otages malgré eux d’une situation qui les dépasse, où chacun – garde-frontières, activistes , population – tente de jouer sa partition.
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
C’est un film fleuve par sa longueur, mais surtout par le poids de l’Histoire contemporaine qu’il charrie d’une frontière à l’autre . De l’Est à l’Europe le migrant est devenu un argument politique à charge ou décharge .
On se le renvoie sans ménagement sous les fils barbelés des zones d’exclusion marquées tout le long des forêts que la caméra d’ Agnieszka Holland traque en quête d’une vérité dévoyée par les autorités polonaises.
La réalisatrice suit particulièrement une famille syrienne et une femme afghane, Leila (Behi Djanati Ataï) – photo- dans leur périple inhumain qui va les déchirer, les séparer, les oublier. Dans ce premier chapitre totalement angoissant, tellement réaliste, elle ne nous épargne rien, des erreurs fatales de trajectoire , de la pluie encore plus froide la nuit, des marécages ,des crocs des chiens policiers, des gamins qui n’ont pas à manger …
Son noir et blanc, extraordinaire, presque paradoxale de beauté, accentue la vision dramatique de ces hommes et femmes qui pensaient atteindre le paradis. Certains gardes-frontières paraissent plus conciliants, mais la bouteille d’eau c’est … 50 € ! Service compris de quelques coups de matraques.
Parmi eux, Kaska peut-être plus en retrait que ses collègues n’ose pas avouer à son épouse Jan ce qui se passe là-bas. « Tu n’aimerais pas savoir ce que l’on fait » . Mais les vidéos sur son téléphone répondent à ses questions.
Celles des activistes auxquelles Agnieszka Holland consacre la même attention, aussi attentive aux plaintes et souffrances des migrants qu’à l’action humanitaire de ces jeunes polonais harcelés par les forces de l’ordre.
Une géo localisation en marche, et c’est l’équipée nocturne dans les bois, la peur des gardes forestiers, celle de la prison. Pour un réfugié caché sous une couverture dans une voiture qui, à tout moment, peut tomber sur un check-point.
Ou cette ambulance qui refuse de se déplacer pour une femme enceinte . « On ne prend pas les clandestins » répond-on au médecin bénévole.
La pression des premières images s’atténue peut-être, mais le spectateur demeure sous tension permanente. C’est un film terrible qu’il faut s’autoriser à voir.
LES SUPPLEMENTS
- Rencontre avec Agnieszka Holland par Laurent Rigoulet de Télérama. La réalisatrice rappelle la situation au fil des années , après 2014, la manière radicale dont le gouvernement polonais rejetait les migrants, « il y avait alors pour moi un sentiment d’urgence de le faire savoir, j’ai aussi compris que les expériences de la seconde guerre mondiale, l’holocauste, n’étaient pas finies »
Elle évoque la situation politique de son pays, la politique de la haine « Des gens de l’opposition m’ont dit de retarder mon film, ce n’est pas le moment, mais ça me paraissait impossible , il y avait tellement de haine et de mensonges ».
- Hélène Bienvenu, correspondante de Le Monde en Pologne ( 18 mn ). « Ce film c’est ce que j’ai pu vivre en reportage sur cette crise migratoire qui se poursuit . Il est important qu’un film si proche de la vérité soit diffusé à un maximum de spectateurs ».
Le gouvernement conservateur polonais de Morawiecki a tout de suite pris en grippe le film et sa réalisatrice, il l’accuse d’être anti-polonaise, de dévoyer la réalité, en la comparant à une propagandiste nazie
Une controverse a suivi, des manifestations, alors que le film n’était pas encore sorti . Et ce fut un succès !
La journaliste,explique très bien la mécanique répressive de la Biélorussie et de son dictateur Alexandre Loukachenko à l’égard de l’union européenne en créant cette crise migratoire …
Le film
Les bonus
La crise migratoire entre l’Est et l’Europe qui dure depuis dix ans maintenant a inspiré à Agnieszka Holland ce film terrible, mais tellement vrai et si proche de nous .
Elle l’a divisé en plusieurs chapitres débutant sur le drame que vit une famille syrienne ballotée entre la Biélorussie et la Pologne, chaque pays se renvoyant brutalement ( chiens policiers, matraques, coups de pieds … ) les migrants de plus en plus apeurés, et abandonnés à la nuit froide de ces contrées.
Son noir et blanc, extraordinaire, et presque paradoxal de beauté, accentue la vision dramatique de ces hommes et femmes qui pensaient atteindre le paradis . Des activistes toujours sur le qui-vive tentent de leur venir en aise, mais là encore la police est de tous les checks-points.
Violation de l’état d’urgence, entrée clandestine dans les zones d’exclusion , ils risquent la prison à tout moment du jour et de la nuit. La nuit si propice à leurs interventions.
Si la vision angoissante des premières images s’est un peu estompée, le spectateur demeure sous tension permanente. C’est un film terrible qu’il faut s’autoriser à voir.
AVIS BONUS
Une rencontre rapide avec la réalisatrice et le point de vue journalistique d'une correspondante en Pologne