Synopsis: Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi. Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne.
La fiche du film
Le film
- Date de sortie du DVD : 3 juillet 2019 . –
- Ours d’argent au Festival de Berlin 2019 .-
« Il faisait des câlins comme mon père, je trouvais ça normal » . –
En laissant passer la déferlante médiatique, autour du fait divers, et du long-métrage , je pensais que l’on avait tout dit. Ou presque. Tout vu, tout entendu. C’est en partie vrai, mais aussi contredit par ce film-somme, ce réquisitoire et ce plaidoyer au cours duquel François Ozon reprend le cours d’événements vieux de dizaines d’années, aux conséquences incalculables, encore aujourd’hui.
Parce que ce long silence, qui se voulait coupable, a forgé des consciences, concentré des rancœurs, libéré des sentiments refoulés et fortifié des hommes dans leur combat solitaire. Désormais, il éclate au grand jour.
La détermination d’Alexandre devant son bourreau d’autrefois, sévissant toujours au sein de l’église catholique et auprès d’enfants, a suffi.
Melvil Poupaud est tout aussi grand dans la peau de cet homme qui contre vents et marées ( et notamment ses parents) va soulever des interdits pour révéler aux lyonnais l’existence de la pédophilie dans leur diocèse. Sa femme le soutient franchement, et ses cinq enfants mis au courant regardent leur père comme un héros.
Un homme courageux en tout cas auprès d’une hiérarchie religieuse qui l’écoute et l’assure de sa compassion, mais ne va pas plus loin.
Alexandre attendait plus, une mise à l’écart, une auto-critique. Mgr Barbarin n’en fait rien ! ( François Marthouret le fait bien )
La prescription des faits atténue la portée de sa démarche, et c’est en dénichant péniblement d’autres victimes que le dossier va enfin pouvoir s’ouvrir à la capitale des Gaules, et à la France entière. Le pénible de la technique épistolaire retenue au début par Ozon fixe cependant bien tous les éléments d’un dossier dans lequel certaines familles n’entendent pas revivre cette période de déni.
Un sentiment de culpabilité renouvelé devant les faits et les témoignages qui s’accumulent. Alexandre a rencontré le Père Preynat ( Bernard Verley très présent lui aussi ) en présence de la psychologue du diocèse.
Une scène éprouvante au regard de cette prière qu’ils récitent, main dans la main, les yeux dans les yeux. L’intéressé a beau reconnaître tous ses torts, le cœur n’y est pas. La foi profonde d’Alexandre est ébranlée.
Celle de François ( Denis Ménochet ) et Emmanuel ( Swann Arlaud ) a depuis longtemps fait la belle, remplacée par une douleur profonde, intime, silencieuse. Une crise d’épilepsie la réveille parfois chez Emmanuel, mal dans sa vie, dans son couple, et son boulot,qui le fuit.
Un traumatisme persistant qu’adoucit la présence d’une mère aimante et compréhensive. Josiane Balasko est extraordinaire dans son rôle de confidente attentive, auprès d’autres foyers plus tendus, voire distendus.
Les dégâts moraux, physiques, provoqués par les révélations est catastrophique. Ozon en parle bien dans ces apartés où l’association » La Parole libérée » désormais créée forge ses arguments et sa défense pour un procès qui s’annonce terrible. Destructeur.
Pour l’Eglise (la hiérarchie était depuis toujours au courant ) mais aussi pour ces parties civiles confrontées publiquement à leur passé douloureux.
Les séquelles demeurent, et toute décision de justice n’arrivera pas à panser des plaies ouvertes à tout jamais. Un peu de baume avec ce film, peut-être, à l’engagement et au respect total. Un grand film qui libère plus qu’une parole . Des consciences et des hommes.
LES SUPPLEMENTS
Entretien avec les comédiens
Scènes coupées
Essais lumière et costumes
Les projets d’affiches
La musique
Le film
Le sujet est vaste ( il s’étend au moins sur une trentaine d’années ) , délicat ( la pédophilie au sein de l’Eglise ) et toujours sur la braise de la justice. François Ozon en a fait un film assez long ( 2 h 16 mn ) format parfaitement adapté aux circonstances d’éléments qu’il aura fallu réunir parfois avec difficultés. Des familles se sont à nouveaux déchirées à l’évocation des faits, et les jeunes victimes d’alors devenus des parents connaissent encore aujourd’hui une souffrance plus ou moins endémique. C’est un film tout aussi douloureux et engagé , qui entre réquisitoire et plaidoyer semble bien faire la part des choses à travers le témoignage de ces personnages qui revivent sporadiquement les faits gravissimes dont ils ont été victimes lors de camps scouts. Pour combattre le silence de l’église, le chemin sera long, au sein même de certaines familles qui muettes à l’époque n’entendent toujours pas reconnaître les faits. La mise en scène d’Ozon me parait presque anecdotique au regard des événements et pourtant elle est si prégnante qu’elle devient le garde-fou des écarts et malaises de ses protagonistes. Des acteurs hors d’atteinte, casting parfait pour un film qui l’est tout autant .
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