- 31 mai 2023 en salle
- Première sortie : 1964
- Studio : Carlotta
L’histoire : Après avoir purgé une peine de trois ans pour homicide, Muraki réintègre son clan de yakuzas à Tokyo. En reprenant ses activités clandestines, il fait la connaissance de Saeko, qui fréquente son cercle de jeux. Muraki est bientôt fasciné par cette énigmatique jeune femme, elle-même irrésistiblement attirée par le monde de la nuit…
Dans un coffret avec » Gonza, le lancier«
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
D’après un roman de Shintaro Ishihara
Il y a yakuza et yakuza comme ce site le rappelle. Mais il y a aussi le yakuza Muraki qui échappe à tout contrôle scénaristique, tant sa mise en demeure professionnelle brise ses codes effacés au cours d’une longue incarcération.
A sa sortie de, prison, il comprend très vite que le monde lui échappe et qu’il n’est plus forcément le bienvenu dans un clan en pleine restructuration. Fusada , le big boss s’est allié avec le gang ennemi, pour lequel il a purgé sa peine.
Muraki (Ryô Ikebe) entend maintenant parler de gestion et d’entreprise.
L’honneur n’est plus à l’ordre du jour, le respect est devenu simple protocole. Comble de ses désillusions, l’illustration de ce monde nouveau, c’est une femme étrange et attirante qui le subjugue au premier regard (Mariko Kaga).
Elle s’appelle Saeko, vit beaucoup la nuit, fréquente les tripots et les cercles interdits où les flambeurs ne sont que des hommes.
Cette intrusion féminine le fascine encore plus, elle qui pourtant le fuit et le rattrape, à sa guise, à ses envies. « Sans elle on dirait que le jeu s’étiole » reconnaît un propriétaire…
Le jeu des clandestins, celui de Saeko que le réalisateur Masahiro Shinoda associe sur cette passerelle jetée entre ces deux mondes. D’où cette mise en scène , aussi elliptique qu’évanescente, complice de ces nuits à peine éclairées où tout peut surgit, la femme comme la dague.
On dit Shinoda , membre de la Nouvelle Vague japonaise (1964) . Soixante ans plus tard, la mise en abîme de tous ses personnages , du héros au troisième couteau, participe à un cérémonial scénaristique innovant.
« Fleur pâle » perturbe fortement notre perception contemporaine d’un film de gangsters. L’importance de la musique , sans excès, ni redondance, couronne la scène finale d’une vengeance expiatoire aux échos de « Dido and Aeneas » de Purcell . C’est magnifique, la messe est dite …
LES SUPPLÉMENTS
- Esthétique de la clandestinité (16 mn) – 2006 . Le réalisateur Masahiro Shinoda évoque les raisons qui l’ont incité à adapter le roman où l’apathie politique du pays du moment se reflétait dans le personnage principal.
Ce qui entraînera la recherche d’un comédien sur le même profil , un naïf en politique, contrairement à beaucoup d’autres alors très engagés. Le réalisateur parle aussi de l’esthétique des cartes hanafuda, de l’influence des yakuzas sur la société et de la réception de Fleur pâle, jugé « immoral » par la censure.
- « Fleur du mal » (24 mn – HD)- Un entretien avec Stéphane du Mesnildot, essayiste, spécialiste du cinéma asiatique. Il définit le profil du yakuza, un perdant, comme quelqu’un de la légion étrangère, on oublie notre passé
« Je ne perds jamais, jamais vraiment » une pure phrase de yakuza dans « Le Samouraï » dite par le personnage d’Alain Delon
« Masahiro Shinoda va filmer la rencontre de ces deux personnages comme une cérémonie, comme un rituel de mort, un peu comme un film de fantômes. Ce sont des spectres. » dit-il en situant le profil des principaux personnages du film.
Le Film
Les bonus
Une femme fatale peut révolutionner le cinéma japonais. C’est l’idée de Masahiro Shinoda qui en 1964 imagine cette créature venue de nulle part franchir les codes de la société patriarcale japonaise pour montrer à un yakuza sur le déclin, la nouvelle voie de sa survie.
C’est particulièrement déstabilisant dans la manière dont le réalisateur-scénariste conduit sa mise en scène, elliptique, évanescente, complice de ces nuits à peine éclairées où tout peut surgir, la femme comme la dague.
Le noir et blanc complice des arguments du scénario plonge les personnages, du héros au troisième couteau, dans un cérémonial scénaristique innovant. Une mise en abîme royalement couronnée par les accents purcelliens de « Dido and Aeneas ». Magnifique
AVIS BONUS
Une interview du réalisateur, le point de vue d’un spécialiste , il y a de quoi en apprendre encore .