Synopsis: Alors qu'il n'arrive toujours pas à se remettre d'un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter « Oncle Vania » dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu'on lui a assignée comme chauffeur. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.
La fiche du film
Le film
Les bonus
- Prix du scénario Cannes 2022 . –
- Oscar du Meilleur Film en langue étrangère 2022
- 16èmes Asian Film Awards Meilleur film
- Meilleur dvd Mars 2022 (5ème)
- Adaptation d’un extrait du recueil « Des hommes sans femmes » de Haruki Murakami. . –
1er Mars en DVD, BRD & VOD-Éditeur : Diaphana Édition Vidéo
Oto et Yusuke . Le couple parait s’entendre. Elle écrit des histoires, des scénarios, il joue et met en scène des pièces de théâtre. Dont « Oncle Vania » de Tchekhov qu’il accepte de créer pour un festival, alors que sa vie vient de chavirer.
Comme pour prendre le large, oublier , le voici au cœur de Tchekhov et de ses personnages enfermés dans leur petit monde où il perd peu à peu ses repères.
Le festival le prend en main, lui soumet avec autorité la distribution de la pièce et lui assigne une jeune femme, Misaki (Toko Miura ) pour le conduire le temps du festival. Peut-être le plus pénible à ses yeux, lui qui habituellement ne cède jamais son volant à quiconque.
L’écoute, le long des trajets, de la cassette d’« Oncle Vania » enregistrée par sa femme compense sa frustration . Il travaille, Misaki le guide et leur commune réserve s’estompe peu à peu autour d’échanges banals et polis, puis des dialogues de la pièce, en ricochets aux répétitions des professionnels.
Un transfert inconscient pour le metteur en scène qui tout aussi inconsciemment accepte les règles d’un jeu qui lui échappe. Pour ce jeune comédien prometteur (Masaki Okada ), dans le rôle de Vania, qu’il fut autrefois, peut-être .
Le même amant, c’est certain, de la même femme dont le souvenir les hante et les rapproche.
Fabuleuse la manière dont Ryusuke Hamaguchi cerne ainsi les rapports humains, et les implique dans une destinée commune .Du deuil à peine scellé dans une même douleur , au seuil d’une création artistique qui déjà lui renvoie l’écho de ses errements, de sa déshérence.
Yusuke (Hidetoshi Nishijima) si distant, va tendre la main, se rapprocher, écouter… Et s’ouvrir au Monde encore recroquevillé sur la scène d’un festival. L’une de ses représentantes parle la langue des signes, peut-être la plus expressive.
Plus attentive certainement, au regard, au geste .C’est la fascination qui l’emporte, et donne un sens à cette longue et lente déambulation artistique qui nous rappelle que la mort sait composer avec les vivants. Du beau cinéma !
LES SUPPLEMENTS
- Un livret de 32 pages fourmille de nombreux éclairages émanant de divers spécialistes comme Jérôme Baron le directeur artistique du Festival des 3 Continents.
Il remarque en préambule que Mai 2018 fut couronné de bonheur pour le cinéaste. « Trois ans après sa réalisation, la sortie de Senses (2015) sur les écrans français était annoncé à l’heure précise où le cinéaste découvrait la sélection en compétition à Cannes de son nouveau film Asako I & II. »
Sur sa technique, Jérôme Baron note que « la mise en scène se mobilise de manière prépondérante autour des pouvoirs dévolus à la parole : conversations ordinaires ou intimes, enregistrements, langage des signes, lecture, répétition, théâtre, sonorités des langues. »
- Babel sur le rivage. L’analyse très personnelle de Mathieu Macheret, des Cahiers du cinéma à l’été dernier.
- Entretien avec Hidetoshi Nishijima. Le comédien donne ses impressions très détaillées sur le film. Elles sont piquantes au moment d’évoquer le jeu un peu bressonien que demande Hamaguchi à ses comédiens .
« La méthode d’Hamaguchi est davantage renoirienne. Je lisais d’abord le script avec mes partenaires « à l’italienne », d’un ton neutre, puis j’augmentais ou diminuais l’intensité de ma voix sans montrer la moindre émotion. »
Ainsi travaille Hamaguchi qui ouvre cet opus en livrant ses notes d’intention , les trois raisons pour lesquelles il a voulu faire un film d’après la nouvelle d’Haruki Murakami, et la certitude que « le temps que nous avons passé à filmer cette œuvre a été joyeux. Tous les personnages expriment une douleur, mais ce que j’ai ressenti chez tous les acteurs sur le plateau, c’est le plaisir de jouer. »
- Bonus du BRD : Idem, plus un entretien avec le réalisateur (9min16).
Le film
Les bonus
Ryusuke Hamaguchi aurait pu rogner, accélérer, dévier sur des ellipses …. Bref faire un autre film pour nous rappeler comment la mort s’entretenait avec les vivants et donnait encore un sens à la vie . Mais Ryusuke Hamaguchi a fait ce film-là , écrit avec beaucoup de sensibilité, prétextes et transferts ( de rôles, de personnalités, d’amants …) autour du deuil et de la création artistique, mêlés. Un metteur en scène obsessionnel ( on ne touche pas à sa voiture ) , une jeune fille qui ne sait que conduire, un comédien de la relève, et l’univers de Tchekhov en préparation dans ce film qui parle donc aussi de théâtre. Ryusuke Hamaguchi mêle ainsi plusieurs caractères pour ne fondre qu’un seul récit, une suite d’images très prenantes, souvent entêtantes où les mots de Tchekhov résonnent encore assez bien dans le quotidien de chaque protagoniste. Chacun pourrait y retrouver alors un peu de soi confie le réalisateur dans sa réalisation sobre et efficace. Le film est long, parfois traînant, jamais ennuyeux. Le temps ne nous est plus conté. Il défile simplement, joliment …