Synopsis: Nommé directeur artistique de la maison Dior en avril 2012, le styliste belge Raf Simons ne dispose que de huit semaines pour lancer sa première collection haute couture, après le limogeage de John Galliano. Le défi se révèle une aventure collective, autour de la passion d'un métier et au service de la vision d'un créateur qui fuit les projecteurs.
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Meilleur dvd Novembre 2015 (4ème)
Le monsieur Raf m’agace un peu. Ce n’est quand même pas lui qui descend à la mine. Il picore ici et là des idées, découvre une expo dont il va s’inspirer, et s’étonne de l’absence de la première. Elle est à New-York pour une cliente qui rapporte beaucoup à la maison chaque année.
Une moyenne de 350.000 € « je ne vais pas lui refuser un essayage à domicile» concède la responsable. Raf n’est pas content, malgré tout « il faudra trouver une autre solution, envoyez la seconde par exemple ».
C’est tout le bonheur de ce documentaire. Ne pas biffer les zones d’ombres et les heurts d’une grande maison, qui en façade rayonne parfois, comme l’ordinaire l’ordonne, sombre dans la déprime et le n’importe quoi. Les clientes qu’il faut livrer avant les vacances, « on n’a pas le temps » dit la première « on aurait dû commencer deux mois plus tôt ». Quelques bonbons Haribo et le moral revient beau fixe.
Frédéric Tcheng plonge sans protection, mais insistance et connaissance dans les coulisses de la création de la première collection haute couture de Raf Simons pour Dior, huit semaines avant sa présentation. John Galliano vient d’être remercié, Simons doit faire fissa.
Un nouveau directeur artistique dans une Maison dont l’héritageest immense, ce n’est pas aisé. Dans ces conditions, encore moins. Il l’évoque dans la voiture qui le conduit à Copenhague. « C’est dur, mais c’est la première ». Raf Simons parle aussi de son style jugé minimaliste. Il conteste. « Vous verrez le défilé ». Pendant ce temps, glamour en berne, les ateliers fourmillent sans stress apparent. On est fier d’appartenir à la maison Dior. Les créateurs changent, l’atelier jamais.
« Ce que je présente là, c’est un peu de moi » dit une couturière rentrée à 18 ans chez Dior. 22 ans plus tard elle ne regrette rien. « Le premier jet c’est moi qui le fait ».
Pour sa grande première, Raf Simons ne laisse rien au hasard, l’œil un peu partout et particulièrement sur l’aménagement de l’hôtel particulier retenu pour le défilé. Il veut que tous les murs soient tapissés de fleurs. Le résultat est magnifique.
Au milieu des préparatifs, des tâtonnements, de la peur et l’anxiété (« je vais m’évanouir devant les caméras ») Tcheng se promène toujours en pleine liberté. On voit ainsi comment se négocient dix pages dans Paris Match. Incroyable.
Le rapport au travail et à la création apparaît dès lors très limpide, très honnête, là où les petites mains trouvent toutes leurs raisons d’être. Elles suivent maintenant sur leurs écrans la progression du défilé. Monsieur Raf pleure, son adjoint aussi. De bonheur, je crois.
LES SUPPLEMENTS
- « A propos de Christian Dior » (8.45 mn). L’histoire du couturier, à travers les mots de Brigitte Richart, conservatrice du Musée Christian Dior. Granville, bien entendu.
- Michel Field interview Frédéric Tcheng (8 mn). Une belle évocation du travail du réalisateur parallèlement à un créateur qui n’a que 8 semaines pour mener à bien sa première collection.
- « Christian Dior, le couturier et son double » de Philippe Lanfranchi (51.24 mn)
- « La Révolution du New-Look » (8 mn). Florence Muller, guide d’une exposition récente sur le premier défilé de Christian Dior en février 1947. En préfiguration, le style des années 50…
- Entretien avec Frédéric Tcheng (22.25 mn). Le réalisateur revient sur la genèse du film et son tournage. Il évoque aussi son propre rapport au cinéma et à la création.
- Archives de l’INA.Un document de 1956 sur le mannequinat du temps de Christian Dior, et un court extrait d’une émission télévisée en 2011 qui fait référence au départ de John Galliano.
- Les biopics sur la mode (36 mn). Frédéric Tcheng et Joseph Ghosn approfondissent les biopics sur la mode autour de la Grande Table d’Eté de Maylis Besserie. De la radio, sans images, dommage…
- « L’économie de la haute couture ». Une discussion animée par Emmanuelle Polle avec Sophie Chapdelaine, historienne de la mode et enseignante à la New York University de Paris et à Marangoni, et Franck Delpal, économiste et professeur à l’Institut Français de la Mode.
Le film
Les bonus
Libre de ses mouvements, Frédéric Tcheng se livre à cet exercice du documentaire en immersion totale dans un lieu si peu abordable. Celui de la haute-couture. Un portrait très attachant des petites mains d'une des maisons françaises les plus mythiques. On les voit participer pleinement au processus créatif d’un couturier atypique, et qui très personnellement m’a un brin agacé.
Il est vrai qu’il n’avait pas la tâche facile, une fois Galliano éjecté, d’imaginer une collection avec huit semaines seulement comme délais. Tcheng le rend très abordable, évaluant parfaitement son rapport entre travail et création dans une collectivité où chaque être demeure une pièce essentielle à la réussite.
Loin des clichés inhérents à ce monde de la mode qui ici est avant tout celui de la création.
Avis bonus
Des éclairages différents sur la maison Dior, d’hier et d’aujourd’hui, de quoi en prendre encore plein les yeux et d’en apprendre sur ce monde qui ne se dévoile pas si facilement.
Un commentaire
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