Synopsis: Tokyo fin du XIXe siècle. Kikunosuke jeune acteur de kabuki très populaire jouit d’un énorme succès auprès des femmes. Il est en réalité un piètre comédien, ce que personne n’a le courage de lui dire car il est le descendant d’une célèbre lignée d’acteurs. Seule Otoku, la bonne de la famille, lui parle franchement et l’incite à travailler davantage son jeu. Les deux jeunes gens se rapprochent. Otoku est alors renvoyée chez elle. Le jeune acteur décide de rejoindre sa bien-aimée à Osaka…
La fiche du film
Le film
Quelqu’un me disait l’autre jour, Orson Welles, à quoi bon ! Et Mizoguchi alors ? Je ne pense pas que mon interlocuteur apprécie ce film emblématique de l’évolution du cinéma. Des panoramiques tranquilles, balayant l’intérieur d’une maisonnée, des plans séquences évocateurs, innovants à l’époque, pour fixer les ambiances, la tonalité du récit.
Cette technique, Mizoguchi l’explore pour conter l’histoire vraie d’un célèbre comédien japonais de la fin du XIX ème. Kikunosuke jouait comme un pied, mais son appartenance à une grande lignée d’acteurs interdisait à son entourage toute critique.
Des flatteries et compliments, il n’est pourtant pas dupe. Un jour,la servante de la maison lui dira très gentiment, très sincèrement tout ce qu’elle a sur le cœur.
Cet argument dramatique, assez fort, le réalisateur japonais le transcende dans un hommage total au théâtre japonais de l’époque. L’immersion dans les coulisses révèle bien des plaisirs (le comédien vedette est entouré d’une cour, et de serviteurs plus serviles les uns que les autres) et des intrigues familiales. La liaison entre la bonne et le fils bafoue l’honneur de la maison, il faut agir.
Kikunosuke devra donc quitter le confort du cocon paternel , et le soutien jusqu’alors sans faille du grand maître, son père, pour suivre sa bien-aimée et renoncer au succès malgré tout programmé. C’est aussi pour échapper à ces flatteries trompeuses, cette bassesse quotidienne qu’il fuit son petit monde.
Le début d’une désescalade au cœur d’une troupe de théâtre ambulant dans laquelle le héros se complait et perd peu à peu sa dignité. Il en vient même à houspiller sa compagne qui se dévoue pourtant corps et âme à son service.
Ce que le cinéaste exprime par de longs travellings, des scènes en profondeur (on dit que c’était aussi pour cacher l’âge du comédien qui faisait en réalité trop vieux pour le personnage du film) et une caméra qui ne cesse de brosser les décors. Tout en explorant avec sensibilité les rapports d’un couple qui revendiquera son indépendance jusqu’au bout.
Un combat de tous les instants, épuisant pour l’un comme pour l’autre. Pour gagner la bataille, le sacrifice de la jeune femme en devient héroïque.
Larmoyant et pathétique aussi , au final, sous le regard trop attendri d’un cinéaste qui ne semble pas pouvoir retenir ses sentiments vis-à-vis d’une société nippone conservatrice. C’est dit avec doigté et délicatesse. C’est nippon, ni mauvais.
Le film
En abordant des techniques encore balbutiantes (dont les fameux plans-séquences, baptisés « one scene, one cut ») Mizoguchi inaugure un réalisme cinématographique où la poésie prime autant que la vision sociale du cinéaste. Il rend hommage au théâtre japonais, à son éclat mais aussi à sa cruauté, à travers le récit de ce jeune acteur de kabuki, Kikunosuke Onoe, inspiré d’une histoire vraie. Pour l’amour d’une femme qui n’est pas de sa lignée, le jeune homme revendique son indépendance, sa liberté au risque de perdre ses privilèges et l’héritage familial. Celle d’une caste d’acteurs célèbres, à laquelle il déroge, n’étant pas un grand comédien. Encouragé par sa belle, il va néanmoins suivre les chemins d’un théâtre ambulant, et travailler dur, comprenant que le confort qu’il a perdu au profit d’une vie plus difficile lui sert dans son activité. Il en devient plus fort.
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