Derrière les voyeurs ou autres pervers qui peuplent les films de Brian De Palma se cache son regard sans concession sur les tares de l’Amérique. Si des réalisateurs de sa génération comme Steven Spielberg, Martin Scorsese ou Francis Ford Coppola font depuis longtemps l’unanimité, Brian De Palma continue, malgré sa filmographie consistante, à diviser les cinéphiles.
Et dans la querelle qui oppose depuis maintenant quarante ans ses admirateurs et ses détracteurs, aussi sensibles à sa virtuosité technique qu’à sa peinture au vitriol de la société américaine.
Repéré par Hollywood après avoir réalisé quelques courts et moyens métrages, il peine à s’y faire un nom avant d’émerger en 1973, avec « Sœurs de sang ». Violence, terreur, voyeurisme et dédoublement : tous les ingrédients de sa marque de fabrique sont présents dans ce film troublant et sanglant.
Il flirte avec les codes du cinéma d’horreur, et y ajoute de la profondeur. En imaginant par exemple un jeu télévisé voyeuriste qui prédit, avec une trentaine d’années d’avance, l’émergence de la téléréalité !
Dans « Sœurs de sang », Brian De Palma se pose aussi ouvertement en héritier d’Alfred Hitchcock .Il emprunte sa grammaire cinématographique à coup de plans-séquences, de flash-backs et d’effets de caméra délibérément poussés.
Et affiche un goût prononcé pour le suspense, l’humour cynique, la manipulation, la sexualité trouble et les psychismes détraqués.
Dans la foulée, « Obsession » pousse encore plus loin cette filiation spirituelle en faisant explicitement référence à « Sueurs froide » avec un héros hanté par le souvenir d’une défunte aimée. Quant à la musique du film, elle est signée par un certain Bernard Herrmann, compositeur fétiche de Hitchcock !
Avec « Pulsions », haletant thriller érotique qui met en scène la libido frustrée d’une bourgeoise américaine délaissée par son époux, De Palma creuse à nouveau ce sillon. Voir le célèbre plan séquence dans les salles d’un musée. Et la scène de douche qui frise délibérément le plagiat !
À l’évidence, ce qui passionne le cinéaste, c’est la part d’ombre d’une société moralement aseptisée. Un thème que l’on retrouve dans « Body Double », avec le voyeurisme compulsif d’un protagoniste qui espionne l’intimité de sa voisine. Un personnage qui fait évidemment référence au héros de « Fenêtre sur cour » !
Si le crime et le suspense sont aussi présents dans « Blow Out », c’est ouvertement au « Blow Up » de Michelangelo Antonioni que ce film rend hommage, mais avec une variante : ce n’est plus un détail sur le cliché d’un photographe qui est le point de départ d’une investigation criminelle, mais un cri enregistré par un ingénieur du son qu’incarne John Travolta.
Là encore, c’est l’âme de l’Amérique que le cinéaste explore en filigrane dans ce thriller étouffant, avec un regard critique qu’il posera par la suite de manière plus explicite. Notamment avec des films comme « Outrages » qui pointe le machisme et le racisme de soldats impliqués dans le viol d’une indigène au Vietnam, ou avec « Le Bûcher des Vanités », d’après le roman de Tom Wolfe, qui dénonce le cynisme d’un golden boy de Wall Street. Deux charges sans concession auxquelles Brian De Palma s’est livré avec un mépris de la nuance qui est aussi sa marque de fabrique. On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que ces brûlots ont scandalisé une bonne partie de l’Amérique, de quoi alimenter encore davantage la controverse suscitée par ce cinéaste décidément peu consensuel .
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L’interview. Brian de Palma revient sur les grands moments de sa carrière (« Scarface »)et les références qui ont façonné son approche du cinéma. Des westerns classiques à Michael Powell, avec bien sûr en toile de fond l’influence majeure de l’œuvre d’Alfred Hitchcock.
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