L’histoire : États-Unis, 1970. Cecilia Lisbon, dernière-née d’une sororité de cinq filles, vient de faire une tentative de suicide. Pour leur changer les idées, les parents acceptent d’organiser une fête avec les garçons du quartier, fascinés par ces cinq sœurs à la beauté renversante. Au cours de cette soirée, Cecilia se jette par la fenêtre. Dès lors, les parents déjà surprotecteurs vont devenir de plus en plus stricts…
D’après le roman éponyme de Jeffrey Eugenides
Habituellement, l’adolescence emprunte à la nostalgie sa part de souvenirs consumés. Ce dont on se souvient sans réelle conscience de leurs véracité. Aujourd’hui, les copains des sœurs Lisbon, n’ont pas ce genre de préoccupations.
Mariés, pères de famille, ils reprennent le cours de leur jeunesse marquée par cet attachement à ces cinq jeunes filles qui, rayonnantes, décidèrent de mettre fin à leurs jours.
Les enfants d’autrefois ne comprennent toujours pas …
Cécilia, la plus jeune, se jette par la fenêtre un soir de fête à la maison . Moment pourtant exceptionnel chez les Lisbon à l’éducation très stricte, ce rendez-vous manqué accentue la pression sur les sœurs. La mère ne les lâche plus ( Kathleen Turner, extraordinaire), le père suit les yeux fermés ( James Woods, parfait )…
Il est professeur de math au lycée de ses enfants , là où les tentatives de conciliation entre filles et garçons prennent parfois des allures rocambolesques.
Sofia Coppola les porte au compte de l’exubérance adolescente, palier indispensable à sa mise en scène d’une extrême acuité. Du cocasse au pathétique, de la tendresse à la haine…
Elle a alors trente ans et conduit son premier film avec une maîtrise, sur le fond et la forme, de manière exemplaire. Il y est question de l’absence obstinée d’êtres chers et du vide jamais comblé par la raison. Sinon le raisonnable.
La réalisatrice porte le souvenir telle une hantise quand une fois encore aucune réponse ne confirme sa raison d’être. Du masculin au féminin, cette jeunesse a ses propres attentes, nous dit-elle, aux désirs contrariés par les conventions sociales. Ici des garçons observent des filles dans leur prison de poupées . Maman a jeté les clés, papa est atteint de cécité. Un suicide collectif, effectivement.
Le Film
On n’a peut-être pas mesuré l’importance de ce premier film d’une fille à papa . Sofia Coppola a trente ans et impose déjà un regard lucide et sans complaisance sur la société américaine de son époque. Elle le fait à travers une famille parfaitement yankee où cinq sœurs tentent de s’épanouir dans un foyer assez traditionnaliste. La mère surtout est porteuse d’une éducation stricte et rigide à l’égard de cette sororité, que les garçons remarquent immédiatement. Elles sont belles et inaccessibles. A quelques reprises , l’étau se desserre, mais très vite les conventions sociales reprennent le dessus et la mère, sa gouvernance dictatoriale. Sofia Coppola touche du doigt la souffrance intime de l’adolescente en voie de normalisation. Son questionnement autour du suicide et de son fil conducteur résulte d’un ressenti extrême, plus que d’une perception. Elle ne dit pas les choses, mais les exprime dans un langage cinématographique . Des ses classiques, elle a su composer un vocabulaire singulier. Avec la mise en scène, elle signe aussi le scénario