Synopsis: Reza, installé en pleine nature avec sa femme et son fils, mène une vie retirée et se consacre à l’élevage de poissons d’eau douce. Une compagnie privée qui a des visées sur son terrain est prête à tout pour le contraindre à vendre. Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains ?
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Prix Un certain regard Festival de Cannes 2017
Si l’Iran est à ce point perverti, on comprend l’interdiction du film, et la menace d’emprisonnement de son réalisateur Mohammad Rasoulof. Son réquisitoire est implacable. Surtout que ces mesures restrictives et coercitives, n’entament en rien, bien au contraire, la force et la tonalité de ce pamphlet sur la corruption administrative iranienne.
Reza (Reza Akhlaghirad) la subit de plein fouet quand il s’oppose au projet de rachat de ses terres par une compagnie prête à tout pour le faire céder.
Tiraillé par les banques à qui il refuse de donner « un pourboire », acculé par les dettes accumulées autour de son élevage de poissons, il doit faire face aux agissements délictueux de « ses » acheteurs : eau empoisonnée, attaque de volatiles sur la pisciculture, élevage complètement détruit, pressions morales et physiques sur lui et son gamin…
Le pot de terre contre le pot de fer…
Ce qu’il entreprend pour son bon droit, et porter plainte contre le chef responsable des méfaits, se heurte à une bureaucratie décadente. Ils ont acheté tout le monde et même le juge condamne avant … de juger!
Son épouse, Hadis (Soudabeh Beizaee) directrice d’un lycée, l’épaule et le conseille, mais Reza l’écoute à peine, et de moins en moins au fil des événements qu’il provoque défavorablement. Obstiné, entêté, souvent à contre-sens, le bon droit qu’il revendique a depuis longtemps fui son paysage.
Hadis le sait si bien qu’elle va elle aussi fouler des terres instables et dangereuses, usant de son autorité directoriale pour contraindre une famille à revenir sur ses positions. Comme un coup de poker que le réalisateur Mohammad Rasoulof extirpe d’un jeu truqué jusqu’à la donne. Son coup d’œil est direct, mais sans concession pour le héros déchu et maintenant traqué.
De l’octroi social, le cinéaste glisse ainsi dans une veine politico-policière déjà entamée par Andreï Zviaguintsev pour « Léviathan ». Mais cette fois la coupe est plus franche et incisive, insistante aussi, au point d’étirer la plaie à n’en plus finir. On s’y perd un peu sur la longueur, la plainte devient rengaine et de plus en plus inaudible. Je n’ai pas forcément tout saisi de ces petits arrangements entre amis de dernières minutes : le dénouement éminemment didactique est paradoxalement très confus.
Le film
Mohammad Rasoulof réussit très bien le portrait d’un homme intègre jusqu’à la raideur du visage, dans un contexte où la distorsion politique et sociale ne laisse aucun choix : entre l’oppresseur et l’oppressé, il n’y a aucune issue possible selon lui. C’est pourtant ce que va s’employer à contredire le héros de ce film, un éleveur de poissons d’eau douce, acculé à la faillite, par entêtement, obstination et respect de sa personne. Ce qui est d’une grande valeur. Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains ? interroge Rasoulof qui à force de poser des questions sans apporter de véritables réponses (le dénouement est ambigu) embrouille son discours dans une rengaine à la longue trop plaintive.
Quand on voit ce très bon film, on se demande si la société iranienne est aussi corrompue que le dénonce Rasoulof, mais le fait qu’il soit poursuivi par la justice, que le film est interdit en Iran prouvent que c’est bien la réalité qui est dénoncée. Constat terrible donné par une actrice dans le film : en Iran, on est oppresseur ou oppressé…Film noir, intelligent, indispensable mené comme un western. Je le conseille vivement.