Synopsis: Lung et Chin se connaissent depuis de nombreuses années. Lui est un ancien joueur de base-ball sans véritable ambition professionnelle ; elle a un poste de secrétaire au sein d’un grand cabinet d’architectes. Le sentiment qu’ils éprouvent l’un pour l’autre est un mélange d’amour et d’affection profonde, jamais bien défini. Mais le licenciement brutal de Chin va bientôt fissurer leur « couple » et compromettre leur projet de vie commune…
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Le bonus
Le second film d’Edward Yang, alors réalisateur phare du Nouveau cinéma taïwanais posait la Chine des années quatre-vingt dans une sorte de no man’s land maladroit. Communiste, le pays le demeurait malgré les coups de boutoir d’une jeunesse avide d’horizons moins contraignants.
« Taipei story » révèle encore aujourd’hui toute l’acuité de Yang et de son complice et compatriote Hou Hsiao-hsien qui poursuit désormais une filmographie en phase avec l’esprit de son ami disparu. Un couple se dégrade : tout un pan de la société chinoise affiche son défaitisme, social, professionnel et surtout personnel. L’individu peine à se dégager de son désenchantement face à un univers qu’il devine meilleur.
A l’image du cambodgien Davy Chou (« Diamont Island »), c’est encore l’Amérique qui fascine le monde asiatique partagé entre son passé, ses traditions et une vision plus moderniste de l’avenir. Tous les personnages de Yang tendent vers cette utopie dont le héros Lung (Hou Hsiao-hsien en personne) qui revient des USA et n’en dit quasiment pas un mot.
Il retrouve sa compagne tout aussi déboussolée par la perte inattendue de son activité.
Le couple se délite (« je rentre tard et tu ne me demandes rien ») lui devant son poste de TV, amorphe, ailleurs revenu de son rêve yankee et pourtant près à y retourner. Edward Yang nous parle d’un monde plus interlope où les jeux de l’argent scellent une économie souterraine qu’il filme autant de l’extérieur que de l’intérieur, comme en extase.
Une sorte d’ode cinématographique, une déambulation chromatique et nocturne (sur fond de panneau publicitaire insistant Fuji), échappatoire, avant la liberté, qui sait !
Cette transgression scénique, ses plans suggestifs dans une lumière ad hoc heurtent le comportement des protagonistes qui n’échappent pas au nombrilisme de la mise en scène. A ses attentes et ses longueurs. Sans issue possible désormais pour le couple, ses envies d’ailleurs et cet amour en écharpe que Chin Tsai (Chin) porte maintenant comme un fardeau. Trente ans plus tard, la Chine s’est bien réveillée.
LE SUPPLEMENT
- « Énergie collective de la nouvelle vague taïwanaise » : entretien avec Olivier Assayas (HD – 25′). Entendre l’auteur de « Sils Maria » parler ainsi de cinéma est toujours un réel plaisir. Il évoque son amour pour celui de Hong Kong qu’il avait découvert avec Charles Tesson, rédacteurs aux Cahiers du Cinéma.
Il se souvient d’une rencontre mémorable avec Chen Kuo-fu, alors jeune journaliste, qui lui parle du nouveau cinéma de Taïwan. Olivier Assayas décide de se rendre en sa compagnie dans le « chaudron du nouveau cinéma taïwanais ».
Il découvre des premiers films extrêmement marquants. « J’avais l’impression d’une énergie collective, d’une nouvelle vague portée par la pratique d’un cinéma libre, qui n’existait pas avant, et qui participait au mouvement de démocratisation de Taiwan qui était encore sous la loi martiale ».
Le cinéaste français revient sur l’œuvre inestimable d’Edward Yang et, à travers elle, la naissance d’un cinéma moderne chinois. « Quand je découvre le premier film d’Edward Yang je suis foudroyé par l’évidence qu’il est en train de se passer quelque chose. (…) L’importance d’Edward Yang dans le cinéma chinois […] tient à cette façon qu’il a eue très tôt de comprendre et d’interroger la transformation de son pays. »
Le film
Le bonus
On ressort 30 ans après ce film qui alors était apparu comme le renouveau du cinéma asiatique. Une sorte de nouvelle vague dont l’étonnement va aujourd’hui à la modernité toujours présente de la mise en scène, de ses cadres lumineux – dans tous les sens du terme et de la scénographie-, et à la confirmation des espoirs portés par la jeunesse qu’il suggérait à l’époque. "Taipei Story" demeure pourtant un film sur l’illusion et l’incommutabilité dans cette grande ville où le réalisateur se sent comme un poisson dans l’eau, contrairement à ses personnages prisonniers de leurs rêves américains. On connait aujourd’hui la suite et le film de Edward Yang révèle ainsi dans un nombrilisme parfois lassant, la perspicacité de son propos d’alors. AVIS BONUS Le point de vue d'Assayas sur la découverte du cinéma taïwanais, il y a une vingtaine d'années, très intéressant
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