Synopsis: A travers quatre histoires qui renforcent l'idéal communiste face à la mainmise du capitalisme, Soy Cuba dépeint la lente évolution de Cuba du régime de Batista jusqu'à la révolution castriste. Maria, qui vit à La Havane, sombre dans la honte lorsque l'homme qui l'aime apprend comment elle gagne sa vie. Pedro, un vieux paysan, doit quitter ses terres, qui viennent d'être arbitrairement vendues à la firme United Fruit. Un étudiant est le témoin des brutalités de la police à l'égard des opposants. Un paysan rejoint la guérilla castriste.
La fiche du film
Le film
Les bonus
- Reprise en salle : 20 Octobre2021
- Dvd: 17 novembre 2020
Meilleur DVD Novembre 2020 (2ème)
Syndicat de la Critique de Cinéma- Prix du meilleur DVD/Blu-Ray patrimoine
Un film avec une histoire qui n’en finit pas d’alimenter l’Histoire. Fidel Castro fête ses cinq années au pouvoir quand Mikhail Kalatozov entreprend la réalisation de ce film dont l’objectif affiché est de propager les idées du mouvement révolutionnaire.
En ce sens, c’est un film de propagande comme l’explique si bien l’historien François Albera qui alimente les bonus de ce dvd d’un très grand intérêt.
Porté par cette ferveur sociale et politique, le film est aussi une recherche esthétique encouragée par le succès de « Quand passent les cigognes » du même Kalatozov.
Un jeune poète s’attèle au scénario, Enrique Pineda Barnet, le célèbre romancier qui vient de fêter ses 87 ans. Il est secondé par un autre écrivain, Evguen Evtouchenko.
A l’époque, les relations entre la Russie et Cuba se dégradent, tandis que les USA entament le blocus de l’île, toujours d’actualité. La tension internationale nuit à la sortie du film à peine projeté en URSS, et visionné une petite semaine à Cuba où la population ne comprend pas semble-t-il ce qu’a voulu faire le réalisateur soviétique.
Trente ans d’oubli jusqu’au fameux festival de de San Francisco, où il reçoit deux récompenses, et l’appui de Martin Scorsese et Francis Ford Coppola, qui décident de le distribuer.
Il ressort donc aujourd’hui en Blu-ray et on l’annonce pour la fin janvier 2020 au cinéma. Les héros ne meurent jamais.
- Ce que j’en pense.
Bien préparé à l’aventure cinématographique et à son préambule assez déstabilisant, « Soy Cuba » prend une ampleur historique considérable, , une emphase sociale et politique souvent mêlée à une poésie soudaine.
« Ce n’est pas la mer qui bouge, mais les larmes du peuple » filme le réalisateur sur des cadres très formels où l’impérialisme américain s’étale de toute sa grandeur.
Après le tirage au sort de prostituées dans une boîte de nuit par des clients yankees, c’est une jeune femme poursuivie le soir dans les rues par quelques marines avinés.
Un jeune homme vient à son secours et fait fuir la horde galonnée. On le redécouvre plus tard, opposant à Batista et chassé par la police qui ne ménage pas ses efforts pour disperser la foule de plus en plus nombreuse.
La Révolution est en marche, Castro dans le maquis se rapproche, et le ciel toujours aussi plombé et menaçant. Mikhail Kalatozov l’accentue dans une mise en scène à l’expressionisme frémissant. Des plans-séquence brillantissimes. Les marches du Capitole, la balade marine à la nuit tombée, le vieux paysan dans le champ de cannes à sucre, la procession mortuaire, des scènes demeurent inoubliables.
D’autres, tout aussi vibrantes par leur vision rétrospective manichéenne. Quand les Stones jouent à La Havane, Diaz-Canel à l’Histoire demeure Fidel.
LES SUPPLEMENTS
- Interview de Martin Scorsese (2003, 27’) . « Avec ce film j’ai eu le sentiment de pouvoir me ressaisir , de retourner sur un plateau, je préparais alors -Casino-. Il y avait là des images exceptionnelles, et cette manière qu’il choisissait « pour raconter une histoire » (*) . J’ai retrouvé la flamme de la réalisation. ( … ) Une telle détermination que ça l’emportait sur son aspect politique ».
(*) Scorsese fait le signe avec les mains des guillemets.
- François Albera, historien du cinéma. Il intervient à plusieurs reprises et de manière formidable pour expliquer l’Histoire et les histoires autour du film, la nature de son réalisateur et de son chef opérateur Ouroussevski, les aléas politiques de l’époque pour une sortie de film controversée…
« Kalatozov, le cinéaste » (20’)- « Kalatozov et Ouroussevski, un duo artistique » (16’), – « Le contexte historique » (18’) et « La réception du film » (12’)
- « Révolution de sensations » Analyse de séquences par Eugénie Zvonkine, enseignante-chercheuse en cinéma (30’). Encore un beau chapitre de ce dvd , où l’universitaire évoque « l’aboutissement d’une démarche après –Quand passent les cigognes– et la révélation d’un duo – Kalatozov et Ouroussevski- dans une synergie incroyable. Tout ce qui a été esquissé auparavant se concrétise ici. Mais ce qui a plu autrefois , ne plait pas autant, peut-être parce que les mêmes procédés sont poussés à l’extrême ».
L’emprunt à Eisenstein est relevé à travers notamment l’absence de personnage principal. « Le personnage principal disait-il, c’est la foule »
- Entretien avec Claire Mathon, directrice de la photographie (20’) . Un regard toujours aussi admiratif pour un film qu’elle peut raconter par le détail. A travers le décryptage de deux séquences mythiques ( l’ouverture sur la terrasse, puis à la fin la procession mortuaire – vidéo ci-dessous ) Claire Mathon relève tout le travail sur le contre-champ, le cadre, les mouvements de caméras, ultra-libres …
« On pourrait alors parler de la vieille école, alors que c’est toujours audacieux, compliqué (… ) et on voit que les gens jouent avec cette caméra » .
- Le film vu par Hicham Lasri, cinéaste marocain (6’). « Parler de -Soy Cuba- c’est parler de l’échec du cinéma, quand aujourd’hui on a un cinéma manufacturé , sous l’emprise de la dictature du scénario avec des personnages clichés. -Soy Cuba- raconte avec énormément de force et un point de vue extrêmement beau, ce qui est la définition du cinéma, filmer des choses pas belles et les rendre fortes, belles. Le cinéma aujourd’hui est sans courage, avec des schémas rassurants et des historiettes ».
Pour le cinéma français il cite alors comme exemple de dernier geste important, la scène de Doberman de Jan Kounen où Romain Duris s’essuie avec « Les cahiers du cinéma » .
« Soy Cuba va survivre à tout le monde, c’est un film ravageur, pas là pour vendre , mais pour faire ressentir, l’écriture est très sensorielle ». Il le situe en conclusion au niveau de « Vertigo » et « Citizen Kane » .
Le film
Les bonus
C’est un film qui s’inscrit dans l’Histoire, et sur le fronton du septième art. A peine sorti en 1963 qu’il est remisé au placard, et puis oublié pendant une trentaine d’années.
Scorsese et Coppola le découvrent lors d’un festival et font le ramdam nécessaire pour le distribuer correctement.
A travers quatre histoires qui renforcent l'idéal communiste face à la mainmise du capitalisme, Soy Cuba dépeint la lente évolution de Cuba du régime de Batista jusqu'à la révolution castriste.
D’un point de vue technique et formel, il est tourné dans l’esprit de « Quand passent les cigognes », avec des cadres et des constructions scénographiques inédites à l’époque. Une caméra sans cesse en mouvement et parfois on se demande bien comment.
D’un point de vue scénaristique, prosélytisme à fond et sus aux yankees.
Fidel Castro fête ses cinq années au pouvoir quand Mikhail Kalatozov entreprend la réalisation de ce film dont l’objectif affiché est de propager les idées du mouvement révolutionnaire.
En ce sens, c’est un film de propagande comme l’explique si bien l’historien François Albera qui alimente ce dvd par des bonus extraordinaires.
AVIS BONUS
De nombreux chapitres sur le film et l'époque qui l'entoure. Tous les intervenants sont passionnants.
Un commentaire
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