Synopsis: Sibel, 25 ans, vit avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes de la mer noire en Turquie. Muette elle communique grâce à la langue sifflée ancestrale de la région. Rejetée par les habitants, elle traque un loup dans la forêt voisine, objet de fantasmes des femmes du village. C’est là que sa route croise un fugitif. Blessé, menaçant et vulnérable, il pose, pour la première fois, un regard neuf sur elle.
La fiche du film
Le film
Les bonus
- Date de sortie du DVD : 02 juillet 2019 . –
- Juillet 2019 : le meilleur dvd
La langue sifflée des oiseaux. Depuis une forte fièvre à cinq ans, Sibel ne parle plus que cet idiome traditionnellement resté dans cette région de Turquie, près de la Mer Noire.
Mais son handicap l’éloigne aujourd’hui de son village où d’autres traditions évoquent son mal et sa contagion.
Même sa petite sœur ( Elit İşcan) ne lui fait pas de cadeau, tandis que le père tente d’adoucir son quotidien tout en lui demandant de pallier l’absence de la mère. Sibel fait la cuisine, la lessive et travaille aux champs, à l’écart des villageoises. Aucune tendresse de leur part, beaucoup de méchanceté affleure.
Sibel est belle, magnifique madone à la lueur de la torche qui la guide la nuit dans la montagne où elle se réfugie. Pour venir en aide à Narin (Meral Çetinkaya) qui depuis des années attend le retour de son homme oublié, disparu. Elle chasse aussi le loup qui dit-on rôde encore au sommet de la montagne.
Là où un jour elle découvre dans les fourrés, un homme blessé (Erkan Kolçak Köstendil). Les premiers échanges ne sont pas les plus tendres, ni les plus compréhensifs, mais la sauvageonne est dans son royaume.
Elle le soigne, et le ravitaille tant bien que mal, pour ne pas éveiller les soupçons de la famille.
On apprend sa fuite, on découvre son identité et le monde tout en bas commence à cancaner. Pour l’étrange conduite de Sibel et le veuvage du père qui se prolonge. L’entremetteuse qui vient de trouver un homme pour la petite sœur a maintenant son idée pour le papa ( Emin Gürsoy). Le maire du village ne peut ainsi rester seul.
Comme un diktat ,pour l’honneur du pays et de sa famille, il doit se soumettre ou alors elles sauront s’en souvenir. Les traditions sont fortes, présentes, menaçantes quand la force publique l’est tout autant devant le fuyard repéré.
Sibel dit n’en rien savoir et paie pour son silence, cette liberté assumée. Sibel n’a jamais été aussi heureuse.
Dans cet univers violent et contenu, la lumière douce et apaisante, dessine le portrait d’une jeune femme assise sur le rebord du Monde. Prête à sauter comme Ree Dolly dans « Winter’s Bone » pour l’ajuster à sa hauteur.
Un personnage entier de cinéma que Çağla Zencirci, et Guillaume Giovanetti ramènent joliment au passé d’une langue oubliée, à l’histoire d’une guerre larvée.
Une légende de la forêt dans laquelle une jeune femme presque abandonnée va se battre contre les traditions et le pouvoir ancestral. Cette fois c’est « Fish Tank » qui me vient à l’esprit, tout un cinéma de lutte et d’indépendance pour la femme à qui chaque année on accorde une journée. Et des droits ! A elle seule, Sibel en fait beaucoup plus ! et Damla Sönmez son interprète, encore plus !
LES SUPPLEMENTS
- « L’histoire de Sibel » racontée par Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti ( 27 mn ) . Une langue qui se parle encore , mais la jeune génération ne la pratique plus, en danger donc, et les villageois en ont pris conscience .
Et maintenant les visiteurs sont accueillis avec la langue sifflée …
Les deux réalisateurs sont restés longtemps sur place pour s’imprégner de cette culture et du mode parlé . Pour le choix de la jeune Sibel, « Damla Sönmez ne sifflait pas du tout, mais l’envie de jouer nous a plu et elle s’est mise à travailler ». Premier son vidéo à 3 heures du matin, et on suit au fil de ce documentaire les progrès réalisés, c’est fabuleux …
A l’image de tout ce documentaire qui nous révèle toute la fabrication du film , avec notamment l’apprentissage de la coupe du thé pour Damla Sönmez qui aura tout au long du film Orhan Civelek comme professeur de langue sifflée . Il nous fait une démonstration : pour obtenir un son de base, c’est déjà toute une aventure
On a aussi droit aux auditions des différents comédiens , aux répétitions, au travail sur les décors extérieurs , la préparation du plan-séquence du trou ( qui sera d’ailleurs en partie coupé … )
- Analyse de cinq séquences ( 12 mn ). Un chapitre également très intéressant pour mieux situer le propos du film sans en révéler la tonalité.
- Trois scènes coupées ( 7 mn ). Je vous conseille de les voir normalement, puis commentées par les réalisateurs. Instructif !
-
Un peu dans le même esprit :
» Winter’s Bone » de Debra Granik, avec Jennifer Lawrence
« Fish Tank » d’Andrea Arnold
« Sauvages » de Tom Geens
Le film
Les bonus
On imagine une ode à la nature , puis aux traditions des langages multiples ( ici celui des oiseaux) avant de plonger dans le cœur bien présent d’un petit village turque perdu dans les montagnes près de la mer noire.
Autre temps pourtant, autre mœurs où le pouvoir patriarcal est conjoint à celui des femmes dont l’autorité sur l’honneur et la moralité du village n’est pas remise en cause. C’est pour fuir cet univers que Sibel une jeune femme muette se réfugie dans la forêt, auprès d’une vieille dame qui a perdu la raison et dans sa cabane d’où elle traque le loup dont les femmes ont peur.
Sa rencontre avec un homme blessé va la ramener à des réalités plus contraignantes mais tout aussi réelles quant à la situation géopolitique de la Turquie. Ce nouveau sujet amplifie la violence contenue dans cet environnement hostile où paradoxalement la lumière douce et apaisante, dessine le portrait d’une madone. Damla Sönmez en personne, une grande personne !
AVIS BONUS
« L’histoire de Sibel » racontée par Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, c’est un entretien doublé de plusieurs séquences sur les décors, la manière de siffler, les répétitions, bref il y a quasiment tout et c’est fabuleux. L’analyse de séquences puis celles des scènes coupées complète les suppléments d’un DVD qui porte effectivement bien son nom .
5 Commentaires
Pingback: « Le Corps sauvage » de Cheyenne Carron. Critique cinéma
Pingback: Télérama, c'est un festival
Pingback: Télérama, c'est un festival
Pingback: « Les siffleurs » de Corneliu Porumbou. Critique cinéma
Pingback: César 2020 : émois, émois, émois …