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« Ran » d’Akira Kurosawa. Critique Blu-ray

Synopsis: Dans le Japon du XVIe siècle, le seigneur Hidetora Ichimonji décide de se retirer et de partager son domaine entre ses trois fils, Taro, Jiro et Saburo. Mais la répartition de cet héritage va déchirer la famille.

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Ran [Version restaurée 4K]"
De : Akira Kurosawa
Avec : Tatsuya Nakadai, Akira Terao, Jinpachi Nezu, Daisuke Ryu, Mieko Harada
Sortie le : 12 avril 2016
Distribution : Studiocanal
Durée : 160 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 2
Le film
Les bonus

« La poule fait chanter le coq, et le coq est ravi » alerte le courtisan du prince subjugué par sa belle…

Meilleur dvd du mois d’Avril

Il y a chez Kurosawa, influencé par Shakespeare, une propension à faire de la femme maîtresse, une dominatrice indomptable. La « Lady Macbeth » dans « Le château de l’araignée » n’a rien à envier à Dame Kaede qui pour «Ran » mûrit tranquillement sa vengeance à l’égard du clan Ichimonji. Elle épousera l’un des trois fils, Taro, pour mieux les anéantir.

Je suis assez stupéfait par le portrait de ce tyran en jupon qui minaude et se terre dans l’ombre avant d’en extraire poignards et poison mortel. Elle est machiavélique, traîtresse et cruelle, au cœur de l’intrigue qui accompagne « Le roi Lear », dans une version beaucoup plus masculine. Malgré la présence de cette mante religieuse portée par la grâce d’une comédienne qui pensait alors arrêter sa carrière.

Mieko Harada rayonne à l’égal de tous ses congénères (Tatsuya Nakadai, Akira Terao, Jinpachi Nezu, Daisuke Ryu) sublimés par un maître du cinéma qui signe une fresque cinématographique à la fois sublime et modeste. Kurosawa a le don de l’alternance modulée.

D’un face à face tendu mais tenu il explose soudainement dans des paysages magnifiques, balayés par le vent et la poussière que soulèvent les chevaux. La cavalerie ici n’est pas le moindre de ses attributs artistiques et techniques, le réalisateur mêlant intiment les deux en une composante scénographique qui subjugue.

On pense à ces batailles menées avec une gestuelle chorégraphique inouïe, qu’il souligne même parfois par une absence totale de bruits, de sons, de résonance. Le silence total et le cliquetis des sabres que l’on devine dans l’âpreté des combats, la violence des affrontements. Une plastique, une esthétique qui n’entachent en rien le déroulé d’une vie forgée par un destin lui aussi incroyable.

ran

Le roi est fou, mais sa folie le rend lucide. Renoncements et trahisons jonchent maintenant son chemin de croix qu’il foule pour expier ses nombreux crimes, ses méfaits et ses abandons. Ses victimes et leurs enfants le pressent vers une damnation à laquelle ses propres enfants l’ont aussi condamné. Tatsuya Nakadai inoubliable dans le «  Hara Kiri » de Masaki Kobayashi est tout aussi transfiguré dans ce personnage de patriarche déchu. Une légende de l’Histoire, et l’histoire d’une légende du cinéma !

LES SUPPLEMENTS

  • Restauration (DVD 1). Bien qu’il soit relativement récent (1985) il a fallu soigner ce film, opération que l’on découvre avec des exemples mis en parallèle. C’est un petit peu technique parfois, mais ça se laisse regarder.
  • AK de Chris Marker (DVD 2) (70 mn). Un making of qui ne s’affiche pas ainsi et pourtant le tournage, et la manière de travailler du réalisateur sont de tous les instants. C’est grandiose . Kurosawa comme on le souligne dans plusieurs de ces chapitres répète beaucoup, toujours en costumes et maquillages.
Le roi chassé des châteaux de ses fils
Le roi chassé des châteaux de ses fils

On assiste à une préparation de bataille avec trois caméras, il faut le voir pour le croire. «  C’est peut-être dû à l’âge, mais aucun film ne m’aura jamais autant fatigué ».

  • « L’épopée et l’intime » (42 mn). Comment le film a pu voir le jour, d’un point de vue technique, et via la production. C’est encore une très belle histoire à voir et à entendre. Avec le témoignage de comédiens et de sa scripte qui depuis  « Rashomon » ne l’a jamais quitté.
  • « AK » par Catherine Cadou. (14 mn). Elle aura été l’interprète attitrée de Kurosawa. Elle explique comment elle a été choisie et parle ensuite de l’homme qu’elle a donc très bien connu. «  Quelqu’un de simple, une vie très ordinaire, et il aimait beaucoup la France car la France ne pinaillait pas sur son travail contrairement aux japonais »..

ran

  • L’art des Samouraïs (41 mn). Jean-Claude Charbonneau, est un spécialiste du sabre japonais. Passionné très certainement, mais sans entrain quand il parle de cet art toujours en vogue dans les manifestations japonaises contemporaines.
  • Le directeur de la photo Shoji Ueda. (10 mn). Il témoigne également dans le chapitre sur la Restauration. Ici il évoque le travail réalisé entre le scénario et le story-board, les longues répétitions exigées par le réalisateur à l’image de la célèbre scène de la décapitation qui dit-il aura nécessité trois mois de préparation, dix minutes de tournage et deux minutes à l’écran… « Il disait aussi que la difficulté ne devait pas servir d’excuse, quand il marquait sur le story-board beau temps, il fallait attendre un ciel bleu. Pluie ? Il fallait attendre qu’il pleuve… »

  • Mieko Harada (21 mn). L’actrice évoque les répétitions exigées par Kurosawa, « toujours avec les costumes et le maquillage. Ca arrivait parfois bien avant de tourner, et la veille de tourner il fallait encore répéter. (…) Quand tout se passait bien, il se levait et applaudissait (…) Il avait une vision très concrète de ce qu’il voulait obtenir et nous laissait toujours le temps nécessaire à la réflexion, à notre préparation ».
  • Michael Brooke parle de Kurosawa (16 mn). Ecrivain et journaliste il analyse la carrière du cinéaste, et le film, à travers notamment une comparaison avec « Le roi Lear ». Il est dommage que pour les sous-titres sa chemise soit très claire.
  • Le film au festival de Tokyo en 2015. (15 mn) Ca tient le plus souvent de l’anecdote cette rencontre de l’équipe avec le public. Les comédiens racontent de belle histoire et la façon dont la costumière évoque les trois costumes qu’elle réalise chaque fois pour chaque personnage est assez amusante.
  • Les samouraïs (53 mn). Ce qu’ils ont été et ce qu’ils sont devenus, du cinéma à la réalité. Un documentaire un brin scolaire, mais pourquoi pas.

« La poule fait chanter le coq, et le coq est ravi » alerte le courtisan du prince subjugué par sa belle… Meilleur dvd du mois d'Avril Il y a chez Kurosawa, influencé par Shakespeare, une propension à faire de la femme maîtresse, une dominatrice indomptable. La "Lady Macbeth" dans « Le château de l’araignée » n’a rien à envier à Dame Kaede qui pour «Ran » mûrit tranquillement sa vengeance à l’égard du clan Ichimonji. Elle épousera l’un des trois fils, Taro, pour mieux les anéantir. Je suis assez stupéfait par le portrait de ce tyran en jupon qui minaude et se terre dans l’ombre…
Le film
Les bonus

Je ne sais trop ce qu’il faut retenir de cet embrasement cinématographique qui 30 ans plus tard flotte à nouveau comme l’étendard d’un cinéma renaissant. L’émotion qui s’empare de scènes flamboyantes, même dans l’intime et la pénombre, la maestria des séquences belliqueuses (sans bruit, c’est remarquable) et cette peinture féminine que Kurosawa morcèle avec une acuité inédite. Nos historiens du cinéma ne se sont pas encore penchés sur ce volet très particulier au réalisateur japonais. Il faut apprécier la manière dont il conduit sa lady Macbeth dans «  Le château de l’araignée » à Dame Kaede qui pour «Ran » va mûrir tranquillement sa vengeance à l’égard du clan Ichimonji. Shakespeare l’a bien aidé, mais sa perception du mal et de la cruauté prend une tournure encore plus maléfique sous l’influence de sa caméra. Le regard à l’image de l’œuvre est sombre, pessimiste, mais Kurosawa y grave une beauté secrète et elle aussi très profonde. Comme indestructible, contrairement au monde qu’il vient de nous présenter.

Avis bonus Certains chapitres figurent dans d’autres versions des films de Kurosawa, mais la somme est gigantesque et la plupart des éclairages fort intéressants. En prime un long et passionnant documentaire sur le réalisateur de la part de Chris Marker.

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