Synopsis: Un serial killer s’attaque aux cinéastes les plus adulés de Téhéran. Hasan Kasmai, un réalisateur iranien, est étrangement épargné. Censuré depuis des mois, il est lâché par son actrice fétiche. Vexé, au bord de la crise de nerfs, il veut comprendre pourquoi le tueur ne s’en prend pas à lui.
La fiche du film
Le film
- Festival International du Film Grolandais de Toulouse : Amphore d’Or ! –
- Date de sortie du DVD : 2 avril 2019 .-
« On ne peut pas traiter un sujet sérieusement, si on ne peut pas en rire ».
Je ne suis pas revenu de ce film, atypique et original, drôle et grave. Le titre mis à part, l’incertitude demeure : est-ce du lard ou du cochon ?
Un réalisateur iranien, Hasan Kasmai voit tous ses collègues décapités (dont Mani Haghighi en personne), alors que lui, demeure bien en vie, mais interdit de tourner quoi que ce soit…
« Il n’y connait rien, il tue sans discernement, il n’a aucun critère, aucun goût, aucun sens des priorités » s’énerve Kasmai à l’intention du serial killer planté comme une métaphore dans un pays toujours aussi pointilleux sur l’art et la création.
Jafar Panahi le raconte dans ses films . Depuis une dizaine d’années, le cinéaste iranien ne peut plus quitter son pays. Mani Haghighi en fait un doigt d’honneur amusé à l’intention des thuriféraires et censeurs de tout poil. C’est bien emmené, bien joué et dynamité par le personnage principal: Hasan Ma’Juni le campe à la perfection.
Mani Haghigi sait comment réunir le vrai du faux sur ce visage hirsute, métèque égaré dans un monde qui ne le comprend pas. Autour de lui, les femmes s’éloignent.
Son épouse ( Leili Rashidi), mais aussi Shiva sa fidèle comédienne ( Leila Hatami ), fatiguée de ne pouvoir tourner en sa compagnie. Elle s’affiche maintenant auprès de son rival (Ali Mosaffa), et ravive sa colère et son désespoir d’être toujours en vie.
Lorsqu’il fait une interview c’est encore en compagnie de ce réalisateur qui prend toute la place. La rencontre est hilarante, tout aussi fantaisiste que la reconnaissance du corps . Comme pour les meurtres précédents, il ne reste que la tête . La communauté culturelle du pays vient la pleurer.
Le cinéaste surligne à nouveau le grotesque de la situation, et l’ironie de cette enflure des simagrées d’un monde qui censure à tout va pour cacher ses faiblesses.
Voir alors cette séquence, épique et merveilleuse, quand Kasmai se rend sur le tournage de son ennemi pour suivre « sa » comédienne. Sur un de ses dialogues, il s’emporte, car la phrase est de lui, dit-il.
« Non c’est un proverbe chinois » répond prudemment Shiva.
« Oui, mais c’est moi qui te l’ai appris » s’emporte-t-il violemment avant de s’abattre une fois encore dans le désespoir et l’incompréhension. Bien aidé par un réalisateur qui l’enfoncera encore un peu plus jusqu’à l’acte expiatoire. Une conclusion logique et moralisatrice d’une fable irrévérencieuse à l’égard du monde entier. Seule la maman échappera à sa vindicte personnelle.
Une femme remarquable toujours au petit soin pour son petit protégé. Un bel acte d’amour qui cette fois n’a rien de métaphorique. A la patrie peu reconnaissante, Haghighi préfère sa maman exemplaire. L’amour total, l’amour familial…
LES SUPPLEMENTS
- Entretien avec le réalisateur ( 13.42 mn ). En soulignant l’humour provocateur de son titre vis-à-vis du public iranien , Mani Haghighi relève les étapes d’écriture pour un personnage black-listé et en référence aux vrais réalisateurs implicitement cités dans le film.
« Mais c’est avant tout un film existentiel, sur l’insécurité qu’un homme de cet âge peut ressentir, quand il se sait ignoré, mis à l’écart. (… ) Un film sur toutes les formes que revêt l’angoisse ou la paranoïa. (…. ) Notre cinéma dépeint toujours des femmes victimes, elles existent, je ne le nie pas, mais il existe aussi des femmes très fortes et proactives , il était temps de les montrer ».
- Avant-première du film avec Antoine Guillot ( France Culture ). On reprend un peu le fil du précédent chapitre. Le réalisateur évoque notamment son rapport avec la censure, comment il travaille avec elle « et réussit ainsi à faire des films sans censure ».
Le film
C’est l’histoire d’un réalisateur iranien qui se désespère de voir tous ses collègues décapités par un individu alors que lui demeure en vie, mais interdit de tourner quoi que ce soit par le pouvoir en place.
Entre l’allusion et la métaphore, Mani Haghighi (mort trucidé dans son film) rappelle la situation désastreuse des créateurs iraniens qui ne respectent pas la loi suprême.
Ce que Jafar Panahi raconte dans ses films, lui interdit de sortir d’Iran depuis une dizaine d’années, Mani Haghighi en fait un doigt d’honneur dynamité par le personnage principal que Hasan Ma’Juni campe à la perfection.
AVIS BONUS
Deux entretiens avec le réalisateur qui ne garde pas sa langue dans sa poche.
Un commentaire
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