Synopsis: Grièvement défigurée, la chanteuse Nelly Lenz, seule survivante d'une famille déportée à Auschwitz, retourne à Berlin sous les décombres. Lene, sa meilleure amie, employée de l'Agence Juive est à ses côtés.Après une opération de reconstruction faciale, Nelly part à la recherche de son mari, Johnny malgré les mises en garde suspicieuses de Lene. Quand elle retrouve sa trace, il ne voit qu'une troublante ressemblance et lui propose de prendre l'identité de sa défunte épouse. Le patrimoine familial est en jeu. Mais le jeu de Nelly est ailleurs …
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Depuis douze ans et cinq films, Nina Hoss est devenue l’égérie du réalisateur berlinois. Ils ont peut-être trouvé l’aboutissement de leur collaboration dans ce nouvel et sublime opus, inspiré de l’œuvre d’Hubert Monteilhet, « Le Retour des cendres ». Dans un dédoublement de personnage factice, l’actrice possède une lumière intérieure qui de l’ombre au mystère, la guide au cœur de ce récit extraordinaire. De retour d’Auschwitz, défigurée, méconnaissable, Nelly veut à tout prix retrouver son mari qui la croit morte depuis longtemps.
Son obstination, qui fait fi de toutes les préventions de son entourage (très beau rôle pour Nina Kunzendorf, confidente et amie) l’amène auprès d’un homme qui ne la reconnait pas. Ebahi par la ressemblance avec l’épouse, l’individu profite cependant de l’aubaine pour se servir de cette « apparition » afin de récupérer le patrimoine familial. La famille de Nelly a laissé plusieurs millions derrière elle…
Ce pacte ahurissant, la jeune femme ne sait trop à l’origine quoi en faire. Reprenant force et goût à la vie, toujours amoureuse de son mari, elle accepte et devient son propre double. Si pour un scénariste le propos est ambitieux, pour un réalisateur, dangereux, il est pour la comédienne le quitte ou … double d’une aventure périlleuse. Mais le moyen aussi de renouer avec un passé occulté par des années d’enfermement. Une quête des souvenirs…
Nelly (ou Nina Hoss ?) la mène avec une circonspection remarquable qui se heurte à l’aveuglement idiot de son vis-à-vis, lui aussi parfaitement réglé sur le mode de l’illusion. Ronald Zehrfeld est dans le rôle tout à fait conforme aux attentes d’une histoire pernicieuse, mais si bien troussée que l’on s’attache à ses moindres détails , dans l’attente d’un dénouement qui peut venir de nulle part, ou ne pas venir du tout.
Le réalisateur Christian Petzod, qui décidément me surprend, par la fulgurance de ses ellipses et la pertinence de ses plans, nous tient dans son viseur ; la découverte des ruines à Berlin par Nelly est prodigieuse. La lumière, la nuit, le cadre, tout participe à cette mise en abyme d’une vie de trahisons, de manipulations et de leurres que l’héroïne s’emploie à balayer, en retournant les cartes en sa faveur.
Faut-il préciser que la manière dont elle va procéder tient du sublime ? Alors oui, c’est sublime !
LES SUPPLEMENTS
- Rencontre avec le réalisateur (11 mn). Christian Petzold parle du cinéma en général, pourquoi ses films commencent toujours par la vue d’une voiture, d’un bus, à l’intérieur duquel se trouve le personnage « sans indiquer leur provenance, pas d’écriteau pour situer la période ». Il dit aussi son admiration pour Faulkner et sa détestation des films des années 70 dont l’intrigue est révélée au bout de cinq minutes. « Au contraire, à l’instar de la réalité, les personnages sont complexes. On devrait pouvoir s’identifier à eux.»
Il adore « Alien » et explique très bien pourquoi et comment. Mais aussi « Partie de campagne » de Jean Renoir. Ce n’est pas une master class, mais une leçon de cinéma modeste à l’intention du plus grand nombre. Alors quand il parle de son film, sur le sujet de la culpabilité (pourquoi ai-je survécu ?) il est tout aussi passionnant, intentionné.
Le fait par exemple que l’on ne voit pas le visage de la femme, au tout début. « Elle ne voulait pas de contre champ, c’est dommage les maquilleurs auraient fait des merveilles pour un masque à base de viande hachée et de couenne de porc. C’est très tendance, ils auraient eu un prix ».
- Rencontre avec Nina Hoss (12 mn). « Il est rare dès la lecture du scénario de ressentir à quel point un rôle pourra vous influencer, c’est arrivé avec Nelly mais ce n’est pas systématique (…) en tant qu’actrice je ne suis pas une machine à exécuter les ordres, contrairement à Nelly, mon personnage qui se laisser diriger par Johnny. En tant que comédienne, je ne pourrais pas. » Elle parle ainsi de son métier d’actrice, la manière d’aborder chaque fois de nouveaux personnages« je me suis penchée sur les traumatismes, comment s’extériorisent les limites de la démence il faut pouvoir emmagasiner toutes ces informations et puis se libérer. »
Elle dit avoir beaucoup puisé dans la lecture de Primo Levi, et Hertä Muller « La bascule du souffle » sur les camps soviétiques. « Elle décrit la sensation de faim avec un réalisme incroyable ».
Puis sans jamais faire référence au film « Le labyrinthe du silence » Nina Hoss évoque « l’après-guerre, une partie de l’Histoire qu’on essaie d’occulter, mais un jour tout ressurgit. Durant les années 50 le sujet était complètement tabou, on vivait dans le déni le plus total. Ce film parle de l’Allemagne d’aujourd’hui. De même quand je joue au théâtre je recherche dans le personnage sa modernité, ce qui fait vibrer le spectateur de façon intemporelle, rendre les choses compréhensibles et familières. »
Review Overview
Le film
Les bonus
Depuis douze ans et cinq films, Nina Hoss est devenue l’égérie du réalisateur berlinois. Ils trouvent l’aboutissement de leur collaboration dans ce nouvel et sublime opus, inspiré de l’œuvre d’Hubert Monteilhet, « Le Retour des cendres ».
Après la débâcle allemande, une femme de retour des camps recherche son mari qui la croit morte. Leurs retrouvailles ne sont pas celles que l’on imagine, et tout le film nous laisse en suspension au-dessus de cet amour perdu. Mais Johnny l'a-t-il réellement aimée ou trahie ? ...
C’est la quête éperdue de cette femme que le réalisateur guide avec une grande maestria dans le dédale des sentiments pervertis par l’après-guerre. Une configuration très singulière à laquelle Nina Hoss prête tout son talent. Un film magnifique qui pourra renvoyer à certaines références cinématographiques (« Allemagne, mère blafarde », « Vertigo » …). Mais l’œuvre est si particulière, si personnelle qu’elle n’a pas besoin cette fois d’alibi pour donner le meilleur d’elle-même. Elle est unique et magnifique…
Avis bonus
Deux entretiens avec Christian Petzold et Nina Hoss, vraiment lumineux
Un commentaire
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