Synopsis: Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité universitaire avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux " papichas ", jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma veut organiser un défilé de mode, bravant tous les interdits.
La fiche du film
Le film
Les bonus
- DVD : 3 mars 2020
- Cinéma : 31 octobre 2019
- Meilleur dvd Mars 2020 ( 2 ème )
- Prix Alice Guy 2020 ! Il récompense le meilleur film français d’une réalisatrice, sorti l’année précédente en France.
- César 2020 : meilleur premier film, et révélation féminine Lyna Khoudri
Les années 90, d’après des faits réels. Trente ans plus tard, rien n’a changé. L’Algérie où l’histoire prend racine a peut-être socialement évolué, elle rejette son fardeau sur d’autres pays, voisins ou pas.
L’intolérance, le mépris de la femme « par des ignorants qui font n’importe quoi au nom d’une religion ». Nedjma ne mâche pas ses mots, ni sa démarche . Joyeuse, déterminée l’étudiante envisage de devenir styliste dans ce pays qui interdit toute féminité, proscrit le port de la mini-jupe et impose le voile.
De la provocation à visage humain lui fait-on comprendre quand les actualités ramènent des attentats à la pelle .Devant ses tenues jugées indécentes, on lui crache aux pieds.
Nedjma continue pourtant d’afficher ostensiblement sa différence. Avec sa grande amie, Wassila elle se rend clandestinement dans les toilettes des boîtes de nuit qu’elles transforment en salon d’essayage.
Ses futures créations pour les riches femmes d’Alger y voient le jour.
Un avenir souriant en perspective, mais des événements contraires. Si son audace, sa force et sa détermination bravent tous les interdits, la bêtise crétine des hommes ( et des femmes voilées ) contamine peu à peu son environnement .
Son entourage, ses proches …
La joie et l’humour qui présidaient aux premiers ébats s’effacent devant la cruauté, l’aveuglement et l’ignominie. La caméra si légère, joliment portée par des élans d’amour et de liberté ploie sous le poids des intégristes revanchards.
La réalisatrice Mounia Meddour a su elle aussi se contenir pour nous conduire dans cette voie sans issue où ses héroïnes tentent une fois encore de sauver leur innocence. Même dans l’amour que Nedjma et Wassila ( Lyna Khoudri, Shirine Boutella excellentes )portent à leurs petits copains, à la vie si facile, si imprévisible…
Peut-être l’anéantissement des espoirs posés dans ce pays où le rêve est d’être « avachi dans un fauteuil , le cerveau en arrêt , avec plein d’argent ».
C’est dit sans détour par une cinéaste et des actrices portées par cette même solidarité qui tend tous les ressorts de ce film au combat permanent. Une imbrication rare entre l’idée et sa réalisation, le fond et sa forme. Assez exceptionnel aujourd’hui…
LES SUPPLEMENTS
- Entretien avec la réalisatrice Mounia Meddour (17 mn) . Elle aborde d’abord le côté autobiographique de cette histoire et « le besoin de vouloir en témoigner. Montrer le regard de cette société algérienne au sein de ce cocon de jeunes filles, montrer la résistance des femmes algériennes à cette époque ».
Mounia Meddour dit aussi « l’importance de sa formation au documentaire, la nécessité de tourner en décors naturels à Alger, avec sa langue et ses habitants, ce qui nous a permis d’aller tourner parfois pour un plan qui n’était pas prévu, mais qui devenait de l’ordre du réel ».
Il a fallu trois ans pour toutes les autorisations de tournage, notamment pour trouver à chaque fois les bons relais locaux , « et on a eu cinq semaines pour le tourner, c’est très très court les filles se levaient à quatre heures le matin pour la journée entière ».
« J’ai été aidée beaucoup sur place par les habitants, et parfois avec les figurants je sentais que j’allais pouvoir capter plus que ce que j’avais écrit ». La réalisatrice est aussi éloquente sur sa technique .Comment et pourquoi certains plans sont coupés abruptement par exemple …
- Entretien avec les comédiennes ( 10 mn ). « On ne connaissait pas trop cette période. (… ) Je m’en suis aperçu très tard, mais cette histoire me concernait totalement , mes parents, mes grands-parents l’ont vécue ».
Elles s’expriment sur leur personnage respectif , sur leur complicité au moment du tournage et aujourd’hui encore « une à Strasbourg, l’autre à Alger mais on continue à se voir ».
La scène la plus difficile à tourner ? « La mort de ma sœur, en réalité je n’ai jamais perdu quelqu’un d’aussi proche » se souvient Lyna Khoudri Mais l’attaque des terroristes dans l’école demeure également pour toutes les jeunes filles un moment très pénible. « On ne l’a appris que sur le plateau, le jour où on allait la tourner… ».
Le film
Les bonus
On retient les années 90 de l’Algérie intégriste, mais le propos bien construit de la réalisatrice Mounia Meddour évoque tout un pan de notre civilisation en proie à la folie et à l’intolérance crasse de l’humanité.
De jeunes femmes s’opposent à leurs expéditions punitives et à leurs discours moralistes avec une force, un courage, une détermination plus que remarquables. La rage exprimée dans leur regard et leurs actes en parfaite désobéissance avec l’ordre établi vaut tous les discours.
La force de ce film est de le rappeler sans marteler des intentions évidentes sur la liberté et l’indépendance que requiert chaque être. Mieux il y a beaucoup de légèreté au début, avec des moments dans les échanges entre copines assez drôles.
Le ton change quand à ce jeu, les règles de part et d’autres ne sont pas les mêmes.
Parmi tous les prétendants à l’Oscar du film étranger ( que je connaisse ) , « Papicha » était mon favori..
AVIS BONUS
Un entretien très éclairant avec la réalisatrice et le point de vue des comédiennes
Un commentaire
Pingback: César 2020 : émois, émois, émois …