Meilleur acteur : Benoît Magimel, César 2023. Meilleur photo : Arthur Thor
Meilleur dvd Mars 2023 ( 3ème )
L’histoire : Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller est un homme de calcul . Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : la reprise des essais nucléaires français.
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
Il y a bien sûr Benoît Magimel, éclatant dans ce personnage, représentant le gouvernement français, en terre coloniale. La Polynésie et sa perle de Tahiti où ce Haut-Commissaire de la République doit se méfier sur sa droite et se prévenir des coups sur sa gauche.
Il entend la sourde révolte d’une partie de la population quand les directives parisiennes paraissent contredire les mouvements sur le terrain. On le tient à l’écart pense-t-il d’un projet de reprises des essais nucléaires sur l’île de Tahiti.
Des émissaires arrivés sur place le surveillent, le sondent. Un diplomate portugais ( Alexandre Melo ) débarque tel un touriste. Et le soir sur la plage des filles prennent la mer, dit-on, pour rejoindre les marins d’un sous-marin au large …
De Roller compose avec tous ces mystères que le réalisateur Albert Serra entretient avec superbe dans le ressenti d’une histoire, effectivement pas très claire. Il la compose à loisirs sur un mode très énigmatique.
Atmosphère, atmosphère, l’ambiance délétère plombe chaque séquence d’une nouvelle attente, rarement comblée, mais toujours porteuse d’un signal marquant.
D’un point de vue politique, De Roller s’en tient à sa propre fonction mais il ne peut s’empêcher de guetter une proie possible, un éventuel ennemi. La vision policière de ce film atypique, où les personnages bizarres se succèdent à la barre des suspects.
Dont cet amiral magnifique ( Mars Susini ) qui mène ses hommes au bordel avant de leur rappeler ce pour quoi ils sont là. Et ce que cherche à comprendre le fonctionnaire français abandonné à sa propre existence.
Benoit Magimel, donc, redite sur son interprétation hors du commun, totalement en phase avec l’opacité du dossier que l’on ne lui a jamais demandé de traiter.
Il sent, ressent, plus souvent qu’il ne voit , à l’image du spectateur. C’est toute la beauté et le force de la mise en scène qui joue sur des décors idylliques et les rend incertains, inquiétants, dangereux. Des paradis perdus, un pouvoir écorné, un monde qui s’écroule. Un grand film, visionnaire…
LE SUPPLEMENT
- Rencontre avec le réalisateur. Il dit avoir travaillé « autour d’une recherche formelle sur le sujet ( colonialisme moderne, nucléaire … ) avec des images intrinsèquement cinématographiques aujourd’hui »
Il montre « un capitalisme sans visage, connecté avec les Etats, on parle bien de politique, c’est un capitalisme totalement infiltré, même les gens au cœur du pouvoir peuvent ignorer le degré de complicité entre l’argent et la politique ».
Et dans la bizarrerie de son film il reconnait « qu’aucun dialogue du film n’existe dans la réalité, pas comme ça ». Par contre l’utilisation des jumelles à l’envers par Magimel, l’explication vaut son pesant de cacahouètes …
Le Film
Le bonus
C’est un film unique, atypique, singulier, porté par une mise en scène qui s’évanouit comme les ombres qu’affronte un haut dignitaire français dans une île de la Polynésie française. Elle n’a plus rien du paradis d’autrefois.
A Tahiti où De Roller doit garder l’emprise coloniale sous bonne garde, malgré la révolte qui sourd dans la population locale, et les messages sibyllins que Paris lui envoie, et qu’il n’arrive pas à décrypter.
L’un d’entre eux fait état d’une possible reprise des essais nucléaires sur l’île. Tient-t-il encore les clés du pouvoir quand peu à peu son entourage devient suspect. Emissaire étranger, diplomate en goguette, et cet amiral qui conduit ses hommes au bordel avant de leur rappeler ce pourquoi ils sont là .
Une énigme supplémentaire qui renforce la beauté de cette mise en scène qui joue sur des décors idylliques et les rend incertains, inquiétants, dangereux. Des paradis perdus, un pouvoir écorné, un monde qui s’écroule. Un grand film, visionnaire…
AVIS BONUS Un bel entretien avec le réalisateur