Synopsis: Interdit aux moins de 12 ans. Marrakech, aujourd'hui. Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent d'amours tarifées. Ce sont des prostituées, des objets de désir. Vivantes et complices, dignes et émancipées, elles surmontent au quotidien la violence d’une société qui les utilise tout en les condamnant.
La fiche du DVD
Le film
Les bonus
Meilleur dvd Février 2016 ( 5 ème )
La censure sert souvent la cause qu’elle entend combattre. Sans le déferlement médiatique provoqué par l’interdiction au Maroc, « Much loved » figurerait j’imagine parmi les sorties normales.C’est un film plutôt secondaire même s’il revêt une toute autre signification à Casablanca, Rabat ou Marrakech.
Là où vivent dans le même appartement, quatre copines, toutes prostituées, et qui une fois le travail terminé ne rêve que d’évasion et de liberté. Leur activité est d’une telle présence, d’une telle violence, que ce besoin de voir ailleurs ressemble à une sourde révolte.
Contre elles-mêmes et la jet set marocaine hypocrite qui après les avoir utilisées, les rejette sans ménagement. Marche ou crève nous dit le réalisateur Nabil Ayouch qui répètent des scènes plus avilissantes les unes que les autres, et pointent du doigt la société des nantis, des hommes parvenus, qu’aucune barrière n’arrête.
Les rois du pétrole en quelque sorte contre lesquels il fulmine sans pour autant les convaincre d’aller voir ailleurs. Nabil Ayouch prend toujours ses distances avec son sujet, et pire cette fois il s’attarde gratuitement dans ses séquences de chair martyrisée.
Il en édulcore le thème, et relègue au second plan le très beau portrait de femme indépendante qu’incarne Noah (Loubna Abidar). Elle revendique son droit à la vie privée, malgré un entourage qui lui reproche des agissements répréhensibles. Même sa propre famille qu’elle fait vivre, emboîte le pas à la critique sociale.
Il y a aussi ce personnage étonnant de Saïd, joué par Abdellah Didane avec un déterminisme à toute épreuve. Il est à la fois le protecteur de la bande de filles,leur cuisinier et le chauffeur qui les conduit à travers la ville. C’est au volant de sa voiture que l’on parcourt la cité, sa misère qui ne fait que passer.
Pas un seul commentaire, il n’est pas nécessaire ; les images du réalisateur portent cette fois la juste mesure d’une réalité à peine brouillée par la nuit et les interdits alentours.
Un regard suffisant pour voir le fossé qui se creuse avec leur quotidien. L’arrivée d’une nouvelle fille, venue de la campagne, ne changera rien à leurs préoccupations du moment. Et quitter la ville pour vivre une autre vie n’est qu’une illusion joyeuse dans un monde dans lequel rien ne semble vouloir contrarier leur destin.
Leur désappointement est total, le mien également. Nabil Ayouch a produit le film de Hicham Lasri « C’est eux, les chiens » qui sur la société marocaine fixait bien les perspectives d’un pays en quête de re(con)naissance. Dans un flou bien entretenu, Ayouch se contente de marmonner deux ou trois vérités sans conséquence…
LES SUPPLEMENTS
Ils sont excellents, avec notamment un making of de haute volée. Je suppose qu’ils ont été réalisés avant les faits très graves portés sur la personne de l’héroïne du film Loubna Abidard. Après des menaces de mort, elle subira une agression très violente à Casablanca, en novembre 2015. Elle s’est réfugiée en France.
Une polémique avait par ailleurs éclaté au moment du festival de Cannes. Si la Croisette accueillait très bien le film, au Maroc, quelques extraits provoquaient la fureur de certains. Nabil Ayouch revient sur ces faits.
- Making of (27 mn). Une véritable invitation à suivre le travail de toute une équipe et découvrir les coulisses. Avec des scènes de tournage, à fond, dans le détail.« Première prise du premier plan du film, attention, on donne tout ».Bureaux de la production, répétitions sous l’œil attentif du metteur en scène… « Ce sont les attitudes qui doivent faire comprendre ce que vous ressentez, je veux le moins d’explication possible ».
- Les comédiennes prennent tour à tour la parole pour donner leur sentiment sur le film, et préviennent qu’il s’agit de défendre l’honneur des femmes, et celui des prostituées en particulier. La soirée saoudienne fait l’objet de beaucoup de préparations, et le journaliste s’en étonne. « C’est ainsi que se passe réellement ce genre de soirée ? » demande-t-il à Nabil Ayouch. « Elle est extrêmement réaliste malheureusement, c’est de l’abattage » assure le réalisateur qui sur le plateau (et ça se voit, et ça s’entend) fait l’unanimité.« Ce que l’on apprend en deux trois ans, on l’apprend ici avec Nabil en deux trois mois » assure Loubna Abidard. « On travaille avec un frère, il est trop mignon ».
- Entretien avec Nabil Ayouch (26 mn). « Il s’agit d’un portrait de femmes, qui sont des prostituées, mais pas que ça, ce sont des amazones, des guerrières, des femmes qui ont du courage. (…) La prostituée au sein de la société marocaine me fascine, la manière dont on les juge et le rapport à la famille, ça m’obsède depuis une quinzaine d’années… ». Il explique pourquoi et comment « elles font vivre des familles entières et ce rôle on ne veut pas le voir, l’admettre et elles tentent alors de garder la tête hors de l’eau ».
Nabil Ayouch parle de ses rencontres avec des prostituées. « Après plusieurs jours passés avec elles, j’avais un point de vue, une envie de mise en scène… ». Pourtant l’entreprise va lui paraître trop difficile à mener. « Ce que j’entendais était trop dur, je n’y arriverais pas, je pensais, mais un jour une fille m’a donné du courage. Elle disait, je leur donne tout, en parlant de sa famille, et en échange je leur demande un peu d’amour et ce peut d’amour ils me le donnent pas. C’était le cœur du sujet, une invitation à voir l’amour et la beauté qu’il y avait en elle et une invitation de pouvoir changer notre regard. C’est son courage que cette fille m’a donné ».
La polémique ? « Une fois l’hystérie collective passé, le film ressort et c’est le principal. Mais pour les actrices ce sont des moments très durs à traverser, pour mes proches aussi. Il ne faut pas s’écrouler se montrer fragile, autrement tous ceux qui se battaient autour de moi eux aussi allaient s’écrouler. (…) J’avais peur pour les comédiennes, pour leur sécurité physique. Elles ont été mises à l’écart dans un appartement, avec des gardes du corps. (…) J’oublierais jamais les mots prononcés à mon égard, je ne pensais pas qu’on pouvait en arriver là pour un film et la façon dont on a été traité . (…) Et des voix se sont élevées au Maroc pour nous défendre, cela m’a réconforté « .
Le film
Les bonus
Pour raconter le Maroc d’aujourd’hui, Nabil Ayouch suit le quotidien nocturne de quatre copines prostituées, aux mains de nababs qui une fois la chair martyrisée rejettent les femmes sans ménagement. Entre l’avilissement et l’esclavage sexuel, le réalisateur donne le change à une situation déplorable en reprenant plusieurs fois les mêmes scènes dans un autre décor et autour d’autres fêtes.
Une répétition qui édulcore et rend gratuit un sujet tout aussi ténu quand il promène ses héroïne dans les rues de Marrakech où la misère sur les trottoirs s'étale sans autre forme de commentaire. Je retiens alors le beau portrait de la sœur ainée jouée admirablement par Loubna Abidar. Alors qu'elle fait vivre sa famille celle-ci la rejette sans ménagement. Un état sociétal que le réalisateur dévoile là encore sans y apporter de commentaire superflu.
Avis bonus
Ils sont excellents, avec notamment un making of de haute volée.
Très décevant et encore plus décevant que « Sur la planche » de Leila Kilani, autrement meilleur, n’ait pas bénéficié d’un tel intérêt médiatique. Trop de voyeurisme pour un sujet qui méritait tellement mieux. Toutefois, ce M. Ayouch semble très calé en marketing.