Synopsis: Pour Jocelyne et Serge Klur, rien ne va plus : leur usine fabriquait des costumes Kenzo (Groupe LVMH), à Poix-du-Nord, près de Valenciennes, mais elle a été délocalisée en Pologne. Le couple au chômage, criblé de dettes, risque de perdre sa maison. François Ruffin, fondateur du journal Fakir, frappe à leur porte. Entouré d'un inspecteur des impôts belge, d'une bonne sœur rouge, de la déléguée CGT, et d'ex-vendeurs à la Samaritaine, il porte le cas Klur à l'assemblée générale de LVMH. Du suspense, de l'émotion, et de la franche rigolade. Nos pieds nickelés picards réussiront-ils à duper le premier groupe de luxe au monde, et l'homme le plus riche de France ?
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Meilleur dvd Octobre 2016 ( 3 ème )
Les Charlots en ont fait une chanson, en bonne place dans ce documentaire qui s’inspire de sa bonne humeur, ironique et légère. Pour conter paradoxalement le désarroi des gens qui par centaines ont été priés de quitter les lieux sous l’injonction de Bernard Arnault, maître de leur destinée et de leur malheur.
François Ruffin, le patron du journal « Fakir » en retient particulièrement deux, un couple, mari et femme, à la veille de perdre leur maison. 400 € par mois « et des mois parfois sans rien pour vivre et manger. Alors on mange pas » dit fataliste Serge Klur, mais la révolte sourde.
Acculé par les banquiers, le propriétaire fait sauter sa maison. François Ruffin veut éviter ce désastre, cette extrémité qu’il conjure en échafaudant un plan aussi diabolique et manipulateur que l’attitude de certains magnats de l’industrie. Les Klur rentrent dans le jeu, où les règles de l’arnaque, du chantage et de la mauvaise foi sont fortement conseillées.
La morale républicaine, chrétienne ou laïque en prend un coup, mais pour gagner la bataille, Ruffin utilise les armes de l’adversaire. Avec encore plus d’efficacité. Je ne vous raconterai pas le stratagème employé qui vaut bien quelques films policiers de seconde zone. Mais en l’imaginant, le journaliste devenu scénariste et metteur en scène pose véritablement le problème de la précarité en France.
Loin de la sévérité des chiffres et la rigueur implacable des interviewer – toujours certains de tenir leur sujet – François Ruffin laisse parler les gens en les poussant joliment dans leurs retranchements. Pour mieux souligner la voracité de quelques patrons qui pour un coût de fabrication d’un costume à 30 € multiplie par 30 son prix de vente. « La main d’œuvre est encore abordable » sourit satisfait le responsable de cette usine LVMH.
François Ruffin va jusqu’à contester le grand patron dans son assemblée générale, piégeant ensuite l’équipe de sécurité chargée de régler « à l’amiable » le cas Klur.
Des caméras cachées nous révèlent toutes les tractations entre les deux parties et je peux vous assurer que l’on ne s’ennuie pas un instant. L’histoire de l’arroseur arrosé, du cheval de Troie, un jeu de dupe qui pour une fois fait triompher le pot de terre contre le pot de fer. C’est quasiment salutaire.
LES SUPPLEMENTS
- Entretien avec François Ruffin par Florence Benoist (professeur de cinéma) . « Je veux faire un film qui apporte de la fantaisie dans ma vie, dans celle des gens que je vais croiser et éventuellement celle des spectateurs, sur un sujet que je maîtrise parfaitement Bernard Arnault. (…) On est parti d’un scénario que l’on n’a pas respecté, le scénario c’est Bernard Arnault qui en fin de compte l’a écrit. »
A l’assemblée générale de LVMH, François Ruffin se présente avec un magnétophone Nagra, « mais je n’ai pas eu l’audace de filmer, et je m’en veux tous les jours ». L’équipe de sécurité, au courant de la présence des manifestants, leur interdit l’entrée « un échec et on l’a mauvaise, on ne sait pas comment on va rebondir ».
Le personnage du commissaire ? La chance de tomber sur lui « et c’est lui qui fait tout l’intérêt du film. Je fais un casting de 2.000 personnes, jamais je ne trouverais un tel personnage, sauf chez Boudard, mais il n’est plus là . (… ) Au départ je me dis, je travaille sur un thème à la fois désespérant et rebattu, les délocalisations, comment faire pour que les gens aient envie de voir un film là-dessus ».
François Ruffin évoque l’inversement des rôles sociaux, Marivaux, puis Molière « Les fourberies de Scapin », le maître prend la place du valet …
Influences de Michael Moore. « J’ai passé un an aux USA, j’ai tout suivi ce qu’il faisait » mais aussi les interviews de Raphaël Mezrahi, et sur W9, les faits divers, comment on construit du suspense, les codes.
Il termine en rappelant qu’il n’était pas tout seul, depuis le début jusqu’à la sortie du film. Une équipe pour les affiches, trouver les salles, la communication etc.. Un millier de personnes place de la République avec un temps pourri, « ça ne pouvait donc que marcher, un sentiment de restitution, redonner aux gens ce qu’ils nous avaient offert ».
- Scènes coupées. Avec un représentant polonais d’une usine LVMH concernée par le problème des délocalisations, et une rencontre avec Richard Wilkinson professeur à Nottingham.
« En sensibilisant les gens au sujet de l’inégalité, ils se comportent de manière plus éthique » estime ce dernier. « Les puissants croient être supérieurs génétiquement au reste de l’humanité, c’est ça qu’il faut changer ».
- « Mon Jérémie, le commissaire, Bernard et moi », un bonus un peu théâtral sur les tractations téléphoniques entre le commissaire au service de LVMH et une prétendue taupe au sein du groupe Fakir. François Ruffin met en scène au cours d’un repas la manière dont l’histoire aurait pu se passer.A la fin il remercie une fois encore le commissaire « qui a fait le film, et y apporte une étrange humanité ». Ruffin appelle ça, la lettre de Noël, celle qui lit en la mettant en scène au cours de la fête et qui est entièrement retranscrite dans un livret.
- « De “Merci Patron !“- à “Nuit debout“ », livret. On y retrouve notamment l’article de Frédéric Lordon paru dans « Le monde diplomatique » (« Un film d’action directe ») et tout le processus engagé par Ruffin et son équipe pour en arriver à être « le porte-parole des caissières de Flixecourt, des chômeurs de Forest-en-Cambrésis. ». Ce qui revient à suivre le processus de ce que peu de personnes ont vu venir, là encore « Nuit debout ».
Le film
Les bonus
S’il n’y avait pas misère d’hommes on en rirait jusqu’au bout. Car le ton employé par le journaliste de Fakir, François Ruffin est assez léger, et surtout très ironique à l’égard de la situation de ces gens grugés par le groupe tentaculaire que dirige Bernard Arnault.
Ce documentaire mené comme un film policier, avec du suspense et des rebondissements (surtout de la part des responsables de LMVH qui ne voient pas le piège se refermer sur leurs petites combines) pose véritablement le problème de la précarité en France.
Il le fait totalement en marge des magazines habituellement consacrés au sujet. Loin de la sévérité des chiffres et la rigueur implacable des interviewer, le journaliste devenu scénariste et metteur en scène élabore tout un stratagème afin de faire plier le géant de l’industrie du luxe. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé, du cheval de Troie, un jeu de dupe qui pour une fois fera triompher le pot de terre contre le pot de fer. C’est quasiment salutaire.
Avis bonus
Des livres, des scènes coupées, des entretiens, une fois encore on ne brade pas le service public...
3 Commentaires
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