Synopsis: Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui. Son petit village des Vosges. Sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l'intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l'exposait tout ce qui faisait de lui un autre garçon. Il s'est quand même trouvé des alliés. Madeleine Clément, la principale du collège lui fait découvrir le théâtre. Abel Pinto, le modèle bienveillant l'encouragera à raconter sur scène toute son histoire. Il va prendre tous les risques pour créer ce spectacle…
La fiche du DVD / Blu-Ray
le film
- D’après le roman autobiographique « En finir avec Eddy Bellegueule » d’Edouard Louis.-
- Meilleur dvd Mars 2018 ( 8 ème )
Vincent Macaigne et Grégory Gadebois sur une même affiche ! Je me porte immédiatement à leur rencontre, soulevé par ces nouveaux personnages qu’ils convoquent dans une galerie déjà bien fournie en inédit et contre-emploi.
Gadebois est cette fois hors d’atteinte, dans un autre monde où la ruralité n’est même pas un mot, encore moins une attention. Un homme des cavernes au milieu de nulle part. Une famille « tuyau de poêle ». Une femme et des enfants après qui il ronchonne, grommelle et se rebelle sans jamais lever la main.
Dany Bijoux est un rustre, tyrannique,mais pas méchant. Marvin l’observe et se tait. Le gamin n’est pas chez lui quand le pastis coule à flots et que les mots dégoulinent de bêtise et de grossièreté. Sa mère est résignée. ( Catherine Salée). Son silence, c’est sa défense auquel il devra en ajouter bien d’autres quand l’école lui tombe dessus et n’entend pas les coups qu’il reçoit. Les injures, les crachats, les abominations. Tête de turc et punching-ball.
Le harcèlement scolaire comme on dit pudiquement. L’homophobie criminelle. Marvin enfant, c’est Jules Porier, excellent.
Marvin est différent, il le sait maintenant, trop seul pour le comprendre. Solitaire dans ce coin de campagne désolée où la musique et le théâtre viennent inopinément à sa rencontre. Le théâtre surtout et cette capacité à devenir quelqu’un d’autre, lui-même. C’est la révélation tranquille d’une principale de collège ( Catherine Mouchet), l’assurance qui prend le cours d’une réalisation ad-hoc.
Depuis les premières traces engluées dans la boue du village vosgien, Anne Fontaine conduit son récit avec une attention saisissante. Elle assigne aux personnages des rôles significatifs, sans charge ni redondance, mais toujours au bord de la fêlure, de la caricature. L’exercice trouve son apothéose dans le trio que forment Marvin (Finnegan Oldfield, tout en retenu) avec deux artistes rencontrés à Paris.
Dont le fameux Vincent Macaigne dans la peau d’Abel Pinto un gamin de province monté à la capitale, aujourd’hui consacré sur les planches parisiennes. Marvin y voit son double, d’ailleurs désormais il se prénomme Martin, comme un nom de scène pour une autre histoire.
Celle des rencontres inespérées (Isabelle Huppert en villégiature dans son propre rôle), des belles lettres déclamées et des amitiés particulières (Charles Berling, élégant et ravageur). Anne Fontaine restitue chaque moment d’existence avec une belle intelligence, et un peu trop d’insistance aussi. Elle se disperse un temps, et le temps s’effiloche. Mais ce qu’il nous en reste demeure un précieux moment de cinéma.
le film
C’est une histoire vraie inspirée par le roman d'Édouard Louis « En finir avec Eddy Bellegueule » dans laquelle on peut reconnaître à différents niveaux des instants de la vie. Mais quel qu’en soit le degré, il faut admettre la perception très subjective et signifiante de la réalisatrice. Elle a su me semble-t-il canaliser les intentions du romancier pour figurer une représentation très juste de la société française, qui toujours frôle la caricature sans jamais sonner la charge ou le trémolo. La peinture rurale qu’elle en fait va en choquer certainement plus d’un, comme d’autres seront offusqués par le monde de la culture stigmatisé à travers des comportements légers, voire inhabituels. Il me semble qu’elle touche au chaos généralisé par le destin de ce gamin malmené dans sa maison, violenté dans son école et qui de sa sexualité n’arrive pas à assumer un comportement logique et stable. C’est par le geste culturel que le gamin deviendra un homme, que Marvin pourra devenir Martin, un cheminement élaboré avec parfois trop d’insistance par une réalisatrice qui aurait pu s’abstenir de quelques disgressions. Mais le fond du propos dépasse le simple écho du septième art. Marvin pourrait en devenir un personnage à part entière.
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