Synopsis: «M» comme Menahem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulait. Quinze ans après il revient à la recherche des coupables, dans son quartier natal de Bnei Brak, capitale mondiale des Juifs ultra-orthodoxes. Mais c’est aussi le retour dans un monde qu’il a tant aimé, dans un chemin où la parole se libère… une réconciliation.
La fiche du film
Le documentaire
- Sortie dvd 20 Juillet
- Prix spécial du Jury, Locarno
- César 2020 Meilleur Documentaire
- Meilleur DVD Juillet 2019 ( 7 ème )
Comme un monde qui n’existe pas. Qui vit à côté. Tout proche de Tel-Aviv, un quartier ultra-orthodoxe, où Yolande Zauberman, la réalisatrice accompagne son héros du jour. Un acteur devenu célèbre en Israël et dont la notoriété suffit maintenant peut-être à briser le tabou.
Celui de son enfance violée par des juifs intégristes, comme beaucoup d’autres enfants de Bnei Brak . Vingt ans après, Menahem y revient pour régler ses comptes, se venger. Ces violeurs dorment encore tranquillement chaque soir auprès de leur famille. On le voit ainsi au pied d’une maison hélant son propriétaire. La justice ne semble guère s’en préoccuper.
« Ici pas de policier, pas de criminel, c’est le rabbin qui règle tout » dit un intervenant, le regard perdu dans l’ombre, et souvent filmé de dos.
Au fil de son enquête Menahem rencontre beaucoup de témoins, la nuit souvent, et même parfois dans des cimetières. Victimes ou responsables, pour certains, ces agissements ne méritent pas un tel débat.
« J’entre dans le monde de mes ancêtres à travers une blessure » confie la réalisatrice en voix-off. Menahem lui répond « je reviens sur les lieux du crime ».
C’est pourquoi il veut retrouver les coupables. Certains ont déjà été acquittés par leurs victimes ( « il m’a demandé pardon, et j’ai pardonné » ) ou bien oubliés dans l’histoire secrète des familles . « Mes frères et mon beau-frère, je n’allais quand même pas les dénoncer » …
Yolande Zauberman remarque qu’au fil de son reportage, elle devient le joueur de flûte de Hamelin . « Tous ces enfants blessés apparaissent comme par magie autour de ma caméra et me suivent, et se confient ». L’évocation du cercle vicieux ( les victimes d’hier ne sont-elles pas de futurs violeurs ? ) concentre tout ce petit monde autour de la culpabilité et de la responsabilité.
Des notions de plus en plus abstraites semble-t-il aux oreilles de Menahem très à l’écoute de ce passé qui resurgit sans trop d’affect.
Sa quête aussi personnelle soit-elle est aussi et avant tout celle d’un environnement familial disloqué depuis une vingtaine d’années. En révélant à son père les actes contraints subits, il se voit rejeter de l’intimité de sa propre fratrie au prétexte de son « impureté ». Inique, la sentence est lâche, traître et dévastatrice pour le gamin de l’époque. Il n’a jamais oublié et demande aujourd’hui des comptes.
Le retour dans la famille s’annonce épineux, compliqué, mais Menahem l’assume, riche d’un nouveau savoir retenu auprès de toutes ces rencontres de la nuit que la réalisatrice a méticuleusement enregistrées. En toute clandestinité…
Sans jamais se mêler au drame qui se nouait et qu’elle pose maintenant dans un final tout aussi salutaire. Un constat sans rature d’une situation ancrée dans la négation et … la tradition ! Un documentaire exemplaire, mais terrifiant !
Le documentaire
Ce documentaire, excellent, exemplaire pourrait contrebalancer le film de François Ozon « Grâce à Dieu » sur le sujet de la pédophilie qui ici s’exerce dans les milieux ultra-orthodoxes de la communauté juive de Tel Aviv. Mais la douleur et le crime sont les mêmes et c’est pourquoi vingt ans après avoir quitté le quartier où il s’est fait violer à plusieurs reprises, un jeune homme y revient dans le but de se venger. L’homme est désormais célèbre, acteur à Tel Aviv. Une renommée qui amplifie certainement sa démarche, parfaitement cadrée par la caméra de Yolande Zauberman. Qui ne prend jamais fait et cause, mais enregistre posément une histoire qui semble remonter à la nuit des temps. Au fil des témoignages, des victimes comme des violeurs, la notion du « cercle vicieux » revient à plusieurs reprises étayer une histoire que tout un chacun semble vouloir maintenant oublier à travers un pardon que quête le héros malheureux.
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