Synopsis: Londres en 1900, pendant les fêtes du couronnement. Mackie, le roi des bandits, enlève et épouse Polly, la fille du roi des mendiants, Peachum. Celui-ci furieux, dénonce Mackie qui, arrêté et condamné à mort, parvient à s'évader. Réconcilié avec Peachum, tous deux se lancent dans une colossale entreprise financière.
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Iconoclaste, j’ai retrouvé dans les mimiques, les gestes et les mimes des personnages de ce film des années trente, figure de l’expressionisme allemand, des intentions à la Tati. Les mêmes suggestions, des empressements incontrôlés, inexpliqués mais drôles ou tragiques. Je ne sais si le papa de Mr Hulot en avait pris de la graine.
Le cinéma de G.W. Pabst résonne encore de ses fameux plans aux contre-plongées vertigineuses qui nous plongent effectivement dans l’antre vertigineux des méchants.
Et quand le réalisateur installe une noce, c’est le théâtre de la vie qui se met en place, à la manière de certains metteurs en scène contemporains dont la scénographie se révèle sous nos yeux. Quand ils n’installent pas le décor pendant la représentation.
Vieux d’un siècle ce cinéma est toujours très présent, moderne et avenant, malgré la noirceur de son propos et de ses protagonistes plus roublards les uns que les autres.
Brecht dit-on n’aurait pas apprécié la version de sa pièce, mais le rendu qu’en fait G.W.Pabst convient à qui peut faire abstraction des opinions de l’auteur.
On retrouve cette volonté populaire de stigmatiser une société qui entrevoit l’avènement d’une politique radicale, extrémiste.
La manière dont Peachum, le roi des mendiants, s’adresse à son peuple pour l’encourager à aller manifester contre le couronnement de la reine (histoire d’embêter le chef de la police qui ne veut pas arrêter son gendre et truand notoire) c’est un discours nazi que reproduit le réalisate
De la même manière dont il organise son petit commerce (en fournissant l’équipement du parfait mendiant, il délivre une licence pour mendier) Peachum est à mes yeux d’aussi grande importance que Mackie auquel on se réfère souvent pour saluer le travail du réalisateur allemand.
Un personnage haut en couleur, affable et pédant qui nous entraîne dans les bas-fonds londoniens, où la pègre règne en maître et despote. Cette fois c’est à des réalisateurs des années cinquante comme Carole Reed ou Fritz Lang que Pabst semble avoir donné des ailes.
La thématique noire commune n’est pas étrangère à cet élan de solidarité technique et artistique au sein d’une communauté d’artistes dont le propos était aussi de réveiller les consciences.
Comme on le voit chez Pabst, la fille d’un respectable industriel tel que Peachum marié à un criminel comme Mackie, ça fait désordre quand même.
LES SUPPLEMENTS
Avec Christine Roger maître de conférences à l’Université de Picardie et Christophe Champclaux, historien du cinéma
- « Un cinéaste nommé Pabst » (14 mn). A l’époque il arrivait que l’on tourne le même film en plusieurs versions comme ici une allemande et une française avec Albert Préjean dans le rôle principal pour la France. On nous raconte que Brecht n’était pas satisfait du film « son message est perverti par Pabst, dit-il, il lui fait un procès mais le perd ».
Simplification du propos, réduction de l’intrigue, dénouement plus simple, plus prévisible, voilà ce que l’auteur peut reprocher au cinéaste « mais d’un point de vue technique ce film est très intéressant avec ses mouvements de caméra, et des plans qui ont fait date. (…) Au départ Brecht devait d’ailleurs collaborer au film ».
10.000 représentations théâtrales seront données en Europe, le film a eu moins de retentissement.
A l’arrivée d’Hitler, Pabst contrairement à beaucoup de ses confrères ne quitte pas le pays, ce qui lui portera préjudice. On voit malgré tout qu’il aura eu une filmographie notamment française, impressionnante.
A souligner l’hommage appuyé que lui rend Tarentino dans « Inglorious Bastard ».
- « Un opéra du peuple » (20 mn). Les deux spécialistes parlent cette fois de Brecht et Weill, de leur collaboration, de la musique qui bouleverse les codes, et Brecht qui cherche à produire un théâtre qui interpelle le spectateur, qui le fait réfléchir.
Le film
Les bonus
Il est toujours bon de se replonger dans ce qu’il faut considérer aujourd’hui comme de vieux films, mais qui demeurent les précurseurs de nos cinémas actuels. Sans Pabst, Brech et Weill, on ne retrouvera pas la veine de l’expressionisme allemand, relayée par des chefs d’œuvre signés Reed, Lang… ou même l’apport que j’ai imaginé des pantomimes pabstiennes à l’œuvre de … Jacques Tati.
Plus généralement on peut reconnaître la création du cinéaste à travers le choix audacieux de contre plongée pour mieux s’engouffrer dans l’antre des misérables , tandis que celui des miséreux est filmé plus terre à terre.
Avis bonus
Deux spécialistes dissèquent un film, une époque
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