Synopsis: 1983 - Alicia, professeur d'histoire dans un lycée de Buenos Aires, mène une vie tranquille et bourgeoise avec son mari et la petite Gaby qu'ils ont adoptée. Dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, elle a toujours accepté "la version officielle" jusqu’au jour où le régime s’effondre. L'énorme mensonge se fissure, et Alicia se met à suspecter que Gaby pourrait être la fille d'un "disparu". Débute alors un inexorable voyage à la recherche de la vérité, une quête dans laquelle Alicia pourrait bien tout perdre.
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
- Norma Aleandro, prix d’interprétation à Cannes en 1985.
- Oscar et Golden Globe du meilleur film étranger
Pour le cinéaste argentin, la guerre des Malouines contre l’empire britannique aura été le déclencheur. Une désorganisation totale, une défaite rapide, meurtrière. Les familles de nombreux soldats morts sont tenues à l’écart. Luis Puenzo écrit alors l’histoire de son pays à travers un récit encore peu connu au début des années 70 : la disparition de bébés au profit d’adoptions par des éléments proches du régime.
Bien que professeur d’histoire, Alicia ignore tout de ce trafic. Quand elle adopte à cinq ans la petite Gaby, elle ne pose aucune question à son mari Roberto, grand avocat argentin, qui s’est chargé du dossier. Alicia consacre tout à cet enfant qu’elle place au centre de son quotidien sans éclat.
Il y a bien des petites fêtes, des retrouvailles avec les copines d’enfance qui finissent toujours par s’envoyer des vacheries. Pas vraiment méchantes, sauf pour cette langue de vipère que l’on devine encore venimeuse et qui dut autrefois user de ses réseaux pour flatter et servir le pouvoir encore en place.
Insidieusement, habilement, Luis Puenzo glisse le ver dans le fruit. Alicia le croque avec insouciance, elle qui ne voit pas le mal et prône l’innocence. Ligne de conduite de son enseignement contesté un peu plus chaque jour par ses élèves. « Ce sont les assassins qui écrivent l’histoire » dit l’un d’entre eux.
Un autre jour, c’est le tableau noir qui accuse ! Des articles de journaux, des photos. Beaucoup d’enfants y figurent. Alicia se heurte à une réalité que vient de lui rapporter sa meilleure amie, revenue d’exil. Ana se confie pour la première fois. Son arrestation, 36 jours d’enfermement, la gégène, la tête dans l’eau (« je me réveille encore avec l’impression de me noyer »).
La conversation banale du début vire à la confession. Des femmes enceintes n’ont jamais revu leur bébé dit-elle. Alicia n’a pas encore dit un mot. Bouleversée, mais plus encore. Ce qu’elle pressent à chaque nouvelle manifestation des « folles » de Mai, ces grand-mères manifestant quotidiennement sur la place publique, la tenaille maintenant au plus profond d’elle-même.
Luis Puenzo n’est pas un démonstratif. Il ne révèle rien ou si peu, mais donne encore plus dans cet accompagnement du regard, cette complicité sans tapage avec une mise en scène instinctive. L’Histoire est bien là, présente, dans ces réunions de famille, où parler de la pluie et du beau temps précède l’orage dévastateur.
A chaque coup de tonnerre, Roberto, le mari d’Alicia (Héctor Alterio) n’est pas loin de déclencher la foudre, mystérieusement retranché dans ses non-dits, ses silences. Acteur et témoin d’un passé qu’il semble avoir conjuré avec les militaires d’autrefois, Roberto assoit son pouvoir sur une autorité de plus en plus vacillante. A l’image du pays en marche vers sa liberté et donc de sa vérité, « ce pays du je-ne-me-souviens-pas » chante la petite fille qui croise maintenant une vieille dame, la larme à l’œil. Peut-être sa grand-mère…
LES SUPPLEMENTS
Rencontre avec le réalisateur
- Un scénario sous haute tension (11 mn). « La guerre des Malouines a été la goutte d’eau, de trop. J’ai écrit pendant cette période avec Aida Bortnik, la journaliste qui revenait d’exil. Elle avait entamé l’écriture d’une série sur un journaliste « Ruggero » qui lui valait de recevoir des coups de fils anonymes, menaces très en vogue à l’époque. Mais ce n’était rien par rapport à ce que l’on était en train d’écrire. (…) Parler d’histoire officielle sous-entend bien évidemment qu’il en existe une autre ».
« On écrivait en 1983 un film qui se passait en 1983, sans savoir de quel côté pencherait l’Histoire. Ou ce qui arriverait la semaine suivante, l’époque était imprévisible, alors il fallait réfléchir aux faits comme s’ils étaient révolus sans toute l’agitation du temps présent. (… ) Il nous semblait plus important de montrer ce qui entretenait le génocide, que les atrocités liées à ce génocide ».
- Filmer l’histoire (9 mn). « Le chapitre des enfants disparus était peu connu, on savait qu’il y avait des centres de détention clandestins où des détenues accouchaient. Certains des bébés étaient adoptés par des couples liés au régime. Je connaissais les grands-mères de la place de Mai, et elles m’ont autorisé à utiliser les vraies photos des enfants, les vraies fiches de recherche, les vrais dossiers »
C’est en prise de vue réelle qu’il filmera leurs manifestations, intercalant un an après quelques images de fiction « des images qui possèdent une valeur historique énorme, j’y tiens beaucoup ».
- Les comédiens (8 mn), de retour d’exil.Hector Alteiro était en tourné en Espagne quand sa famille lui a conseillé de ne pas revenir, on allait l’arrêter pour avoir tourné dans un film.
Norma Aleandro. Il y eut un attentat dans le théâtre où elle se produisait. Elle a fui aussitôt après.
C’est depuis l’étranger qu’ils acceptent de tourner dans le film de Luis Puenzo. Il se souvient de son travail avec Analia Castro, la petite fille de 4 ans, dont la mère fut menacée à deux reprises pendant le tournage. On lui demandait de retirer sa fille. « Alors on a fait savoir que le film était terminé, on a fait la fête du dernier jour et attendu quelques semaines pour tourner quelques scènes en secret ».
- Négation et révélation (11 mn). Il y fait quasiment son autocritique, et même se contredit…
« La majorité des gens qui savaient fermaient les yeux, et moi je ne niais pas ce qui arrivait mais je n’en ressentais pas les effets. Je filmais des publicités pour la TV ce qui était une façon de nier ce qui se passait dans le pays, puis je me suis dit que j’allais assumer cette position ».
Le film
Les bonus
Alicia est une professeure d’histoire en Argentine, qui ne connait pas ou ne veut pas connaître l’histoire très proche de son propre pays. Quand une amie lui confie la manière dont elle a été arrêtée, puis torturée, Alicia voit s’entrouvrir un monde qui met en péril sa propre conception de la vie.
Une histoire officielle que ses élèves eux-mêmes remettent en question et qui bouleverse le bel ordonnancement d’un quotidien centré sur sa petite fille, Gaby, adoptée alors qu’elle avait 5 ans. Alicia voit maintenant les « folles » de Mai défiler chaque jour pour demander des nouvelles de leurs disparus. Parmi eux, beaucoup d’enfants et des bébés aussi.
Un choc sourd dans la tête d’Alicia. Et des questions qu’elle n’avait encore jamais posées. Pour son rôle, Norma Aleandro a reçu le prix d’interprétation à Cannes en 1985. Une juste récompense prolongée par l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger. Le couronnement d’un cinéaste qui n’est pas un démonstratif. Luis Puenzo ne révèle rien ou si peu, mais donne encore plus dans cet accompagnement du regard, cette complicité sans tapage avec une réalisation instinctive. L’Histoire est bien là, et se suffit à elle-même. Un très grand film qui 30 ans plus tard n’a toujours pas été démenti.
Avis bonus
Plusieurs chapitres commentés par le réalisateur, instructif !
4 Commentaires
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