Synopsis: Timothy et Beryl Evans emménagent avec leur petite fille au 10 Rillington Place, à Londres. Ils sympathisent avec leurs voisins du rez-de-chaussée, les Christie. Mais derrière ses airs courtois et respectables, John Christie est en réalité un meurtrier qui assassine froidement des femmes en se faisant passer pour un ancien médecin...
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Ce dvd fait partie du coffret » Richard Fleischer, les années 70″
Dans le filon noir, Richard Fleischer a aussi du talent. Un point de vue très original, des plans séquences sublimes. Des cadrages d’une très grande force visuelle où les protagonistes décuplent leurs intentions en une somme d’informations valorisées.
Cet esthétisme au service de l’histoire enrichit les arguments habituellement relégués au second plan. Dans la commune mesure d’un récit entendu depuis des lustres, le réalisateur donne à voir toujours plus et mieux. Christie est très vite identifié comme un serial killer, mais sa personnalité liée à son mode opératoire révèle habilement ses différentes facettes, au fur et à mesure de ses interventions plus morbides les unes que les autres.
Les intéressés ignorent bien évidemment tout de la bassesse de leur interlocuteur. Mais le spectateur, conseillé par le cinéaste, découvre bien un salopard, un type louche. Un pervers maintenant et un satyre toujours prêt à rendre service aux dames. Ses pulsions sont irrésistibles quand devant ses futures victimes, il prépare sa mixture mortelle.
Fleischer nous détaille presque la recette de tous ses composés chimiques, et la manière dont il pratique l’anesthésie « comme chez le dentiste ». Sa fébrilité n’a d’égale que la folie meurtrière qui l’anime.
Un portrait en osmose avec le décor qui le porte. Un milieu plutôt misérabiliste qu’il tente d’anoblir par une prestance et des connaissances usurpées. Le cinéaste illumine sa mise en scène de manière si naturaliste qu’on peut y projeter ce que Ken Loach reprendra dans sa peinture de la société anglaise.
Fleischer y ajoute le morbide, et l’insistance machiavélique du héros à détruire son prochain. Une gentille petite famille où le mari plutôt frustre ne comprend pas forcément toujours une épouse encore enfant. Et l’enfant au milieu. Des gens plutôt démunis qui pensaient trouver chez leur voisin si accueillant, si sympathique et prêt à rendre service, l’homme idéal pour se lancer dans la vie.
Fleischer attend quasiment les ultimes rebondissements, avec un sens de la dialectique peu commun, pour nous donner comme à regret les clés du problème. C’est peut-être ce que l’on appelle le suspense. Bien aidé par une distribution qui à l’époque ne faisait pas encore figure de révélation.
Richard Attenborough dans le rôle du méchant, John Hurt, le mari, un brin candide, rien que ce duo devrait nous alerter sur l’importance du film. Il revient aujourd’hui dans un coffret consacré à la filmographie noire de Richard Fleischer. Pas de concentré, rien que du vrai, du grand !
Les Suppléments
- . Préface de Nicolas Saada. Le réalisateur insiste sur une « mise en scène extrêmement stylisée, et aussi documentaire. (…) Le travail dans un deux pièces cuisine, extrêmement réduit, un film qui fait école, la gestion de l’espace dramatique, autant que psychique. (…) Un an plus tard Hitchcock tourne « Frenzy » et je suis sûr qu’il a vu le film, ça joue sur la même pulsion sexuelle… Deux films très cousins aussi sur les décors, les cadrages… ».
La peine de mort est bien évidemment abordée par Nicolas Saada, qui rappelle que « Richard Attenborough insistait lui aussi sur ce sujet, c’est pour ça qu’il avait voulu faire ce film ». Il y a enfin une « réflexion sur l’égalité de classes qui passerait par l’éducation ».
- . Richard Fleischer, un auteur discret (24 mn). Un entretien avec le cinéaste Christophe Gans.
Il reprend des idées avancées dans le premier chapitre, dont la revendication contre la peine de mort.« A l’origine, Fleischer se destinait à être psychiatre » insiste Gans, c’est peut-être pourquoi il est « attiré par le sordide, les recoins les plus malodorants, des endroits où on n’a pas envie d’aller ».
Mais pour ça le réalisateur adopte une façon particulière de filmer « le misérabilisme ambiant, saisir la promiscuité, il ne recule pas les murs… ».
L’amour des anglais pour Richard Attenborough n’est pas un vain mot. Malgré l’altération d’un trait de son visage « et il en fait alors un assassin, de la même façon que le nez de Tony Curtis dans « L’étrangleur de Boston » le transforme à tout jamais ». « Le personnage est montré dans tout son mystère, il attrape les victimes comme des mouches, il ne cherche pas à lui donner des circonstances atténuantes, il est répugnant. »
- . Dans la peau de Beryl : Judy Geeson à propos de « L’étrangleur de Rillington place » (22 mn).L’authenticité de ce film, c’est la première remarque de la comédienne, « rien n’a été enjolivé, on était très bien filmés, mais à l’état brut, sans de beaux vêtements ». La peine de mort ? « Ce film est un exemple de ses failles ».
« Je représentais la jeune hippie des années 60-70, et là j’avais mon premier rôle de composition » alors qu’un autre film sur le même sujet est en préparation et qu’on lui propose aussi le rôle de Beryl. L’actrice anglaise dit du bien de toute l’équipe, du romancier Ludovic Kennedy qu’elle a pu rencontrer au moment du film, du script, puis du cinéaste qui a « réalisé de main de maître. Avec lui aucune question ne restait sans réponse ».
Le film
Les bonus
On ressort Fleischer comme si l’homme vivait toujours aussi bien du cinéma qu’il a su alimenter dans des genres bien différents. Pour le film noir on peut faire confiance à cette pièce d’anthologie dans laquelle le réalisateur confectionne une histoire assez convenue, tirée du livre de Ludovic Kennedy, pour instituer une mise en scène virtuose. Des plans séquences d’une beauté formelle et d’une signification tout aussi riche.
Drame social et psychologique « L’Étrangleur de Rillington Place » figure le contexte réaliste de l’Angleterre de la seconde guerre mondiale, dans laquelle se fondent des personnages peu reluisants, moralement, physiquement ou intellectuellement.
Ce que décrit très bien le réalisateur qui a pu inspirer des cinéastes comme Ken Loach, pour la peinture d’une société qui n’en finit pas de se déchirer. Notamment à travers la peine de mort, qui sans marquer le scénario, permet aux comédiens, excellents (Richard Attenborough, John Hurt …) de positionner leur personnage dans une perspective militante. L’avortement est aussi au cœur de cette intrigue meurtrière qui voit une famille à peine constituée tomber dans les mailles du filet d’un prédateur, cynique et arrogant.
Mais comme l’apparence est trompeuse, tout le monde se laissera séduire par ce personnage ignoble ou ce réalisateur maître de nos émotions.
Avis bonus
Beaucoup de commentaires, de spécialistes et de Judy Geeson qui jouait la jeune femme, Beryl.
3 Commentaires
Pingback: Richard Fleischer, dans les années soixante-dix...
Pingback: Les meilleurs DVD / Blu-Ray 2016
Pingback: "God Bless America" de Bobcat Goldthwait. Critique dvd