Synopsis: Durant une nuit de février 1945 à Paris, Jean Diego se rend chez la femme de son copain, Raymond Lécuyer, pour lui annoncer la mort de son mari devant le peloton d'exécution des occupants nazis. Or, Raymond est bel et bien vivant. Un clochard, qui se présente comme étant le Destin, annonce à Jean qu'il va rencontrer, dans les heures à venir, "la plus belle fille au monde".
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Un chef-d’œuvre sorti au mauvais moment…La promo est bien indulgente avec une équipe qui en impose plus sur le papier qu’à l’écran. Une fois n’est pas coutume le duo Carné-Prévert ne récidive pas ses succès précédents (« Drôle de drame », « Le quai des brumes », « Le jour se lève » …) et l’omniprésence d’Yves Montand n’est pas une réussite.
Ce jeune comédien quasi inconnu remplace au pied levé Jean Gabin. De retour de son exil américain, l’acteur refuse le rôle puisque sa compagne annoncée Marlène Dietrich ne veut pas jouer la fille d’un collabo. Nathalie Nattier prend la place. Nous sommes en 1946, la guerre est à peine finie et ses rancœurs nourrissent alors vengeance et règlements de comptes.
Ce qui s’appelle donc « le mauvais moment » pour sortir un film qui à mon avis huit ou dix ans plus tard aurait peut-être affiché une autre dynamique. Avec cette si jolie palette de comédiens aguerris dont Pierre Brasseur en époux précieux et crapuleux…
La lumière et le cadre de Marcel Carné jouent encore en sa faveur, avec les décors de Trauner toujours aussi extraordinaires. Mais le ton n’y est pas, et le scénario assez osé et particulier de Prévert pâtit de l’ambiance hexagonale. Comment vivre sur le même pallier qu’un collabo dont le fils (Serge Reggiani bien à l’aise) a ouvertement participé à des séances de tortures ?
La famille Quinquina (Julien Carette, le père) s’y emploie avec bonhomie et courage quand le destin frappe à la porte du quartier. C’est Jean Vilar qui incarne ce personnage fantomatique et prévenant tout son petit monde d’un avenir plus ou moins glorieux. Il est encore temps de faire demi-tour leur dit-il, mais la passion, les rancunes et l’amour n’écoutent pas toujours la voix du destin.
Miraculeusement libéré de Drancy, Monsieur Sénéchal (nous voilà…) incarne à la perfection la pourriture notoire du moment, profiteur de guerre et d’après-guerre, avare et méchant (Saturnin Fabre) qui reconnait à peine sa propre fille. Elle rencontrera le beau Diego (Yves Montand, maladroit ou déjà gauche …) dans d’interminables échanges surlignés par une musique qui n’en finit pas de ronronner.
Voire aussi le suicide ferroviaire, carrément pompier. Tourments et remords se conjuguent ainsi dans la symbolique expressive d’une des dernières représentations du réalisme poétique engagé au début des années trente.
C’est le style d’une époque, des scories déposées par le temps où la tragédie est plus noire que l’image joliment photographiée par Philippe Agostini. Plus mélancolique aussi que la musique de Joseph Kosma dont « Les feuilles mortes » chanson écrite pour le film demeurera à jamais éternelle. Elle au moins, le sera !
LES SUPPLEMENTS
- Le destin des Portes de la Nuit (31 min). Entretiens avec Philippe Morisson (créateur du site Marcel Carné) et N.T Binh (enseignant et critique)
Les deux spécialistes racontent de façon très vivante l’histoire de ce film qui avait bien commencé avec Jean Gabin dans le rôle que tiendra Serge Reggiani, celui du fils du collabo. Un court extrait de cet essai est ici proposé entre Gabin et Jean Vilar qui avant d’être le Destin avait donc été pressenti pour jouer le personnage du collaborateur. Saturnin Fabre lui sera préféré et c’est très bien comme ça. Il est aussi question des raisons pour lesquelles Marlène Dietrich aurait refusé le rôle…
Parmi les extraits également proposés, un essai de Montand, et un aperçu de la création des décors (magnifique document). Ce film qui aura nécessité neuf mois de tournage entre Janvier et septembre scellera donc la rupture Carné-Prévert. Mais Morisson comme Binh sont d’accord pour dire que « c’est l’écœurement de Prévert de voir tout un travail de plusieurs mois démoli par un ou deux critiques en quelques heures qui a dicté sa décision, alors qu’il connait un beau succès par ailleurs avec ses poèmes ».
- Interview de Jean-Pierre Jeunet (5 min). Le réalisateur de » Delicatessen » explique tout ce qu’il doit à Marcel Carné, à ses films, et aux références qui jalonnent ses propres films.
Le film
Les bonus
Ce que certains tiennent pour un chef d’œuvre ne résiste pourtant pas aux assauts du temps qui ne fut jamais vraiment tendre avec la dernière collaboration entre Marcel Carné et Jacques Prévert. Un divorce dû peut-être à l’insuccès d’un film sorti trop vite à la fin de la guerre et qui souffre d’une faiblesse d’interprétation. Yves Montand trop jeune et inexpérimenté doit porter sur ses épaules cette histoire d’un quartier parisien où les collabos dorment sur le même pallier que les résistants.
La fiche technique est pourtant belle avec Trauner dans les décors et Kosma sur la partition, quand les comédiens en vogue à l’époque Pierre Brasseur, Carette, Saturnin Fabre alignent leur pedigree sur le haut de l’affiche.
Dans une histoire parfois surlignée, et plombée par le drame d’une tragédie plus noire que le noir de l’image si joliment contrastée.
Avis bonus
Deux spécialistes racontent l’histoire autour du film avec des extraits merveilleux de vidéo de l’époque
4 Commentaires
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