Synopsis: Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse dans laquelle ils s’investissent pleinement. La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies . Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire. Camille se bat pour affirmer sa liberté et sauver frères et sœurs.
La fiche du film
Le film
Les bonus
- Sarlat 2019 : Salamandre d’or. Céleste Brunnquell prix d’interprétation féminine. —
- DVD-BR : 02 juin 2020
Ce film n’est pas sous le feu des projecteurs, dommage. Pas de fait saillant dans les journaux, pas d’actualité !
Et pourtant ! « Les misérables », bien sûr, « La reine des neiges 2 », hélas, et ce magistral constat d’une société sectaire qui sous couvert de bonnes actions, prône l’intolérance et la soumission.
L’affaire n’est pas nouvelle, mais la manière dont Sarah Suco l’exhume de notre mémoire nous rappelle à l’ordre d’une civilisation déliquescente.
La famille Lourmel est une famille exemplaire.
La fratrie composite, heureuse, se joue des instants de bonheur que les parents protègent soigneusement, avec infiniment d’amour . Trop peut-être pour Christine, la maman, de plus en plus convoquée par les voix du seigneur qui la plonge dans une béatitude complice.
Le père s’en protège, avant lui aussi d’adopter les us et coutumes de cette étrange communauté catholique à laquelle les enfants doivent obéir. Camille a dû quitter son école de cirque ( trop dépravante ) et se plier aux injonctions d’un prêtre dit « le berger » par ses fidèles, véritable gourou à mes yeux impies.
Jean Pierre Darroussin endosse la bure et ça fait drôle. Plus drôle que convaincant, le comédien impose très vite son autorité sacerdotale pour mener son troupeau ( les bêlements sont édifiants) au renoncement total d’eux-mêmes.
Son interprétation est sans reproche à l’égale de celle de Camille Cottin, éblouissante dans son aveuglement, rayonnante dans sa démesure. Eric Caravaca lui emboîte le pas avec la même insistance généreuse qui noie peu à peu les enfants dans l’inconfort d’une éducation totalement déréglée.
Camille, l’aînée, remarque très vite ces dysfonctionnements et Céleste Brunnquell qui l’interprète avec une grandeur d’âme et de cœur unique, est bouleversante. Pour un premier rôle, elle accompagne tout le film sur ses frêles épaules. Solide dans sa tête, son jeu est sans reproche.
D’ailleurs elle joue très peu, mais tient parfaitement ce mal vivre d’une adolescente confrontée au monde extérieur qu’elle vient de quitter pour une idéologie sectaire, pour un enfermement.
Céleste Brunnquell porte en elle cette force que la réalisatrice traduit de manière très personnelle, certainement, sans jamais surligner une vérité complice de faits délictueux.
Là où on lui parle de la rédemption, du seigneur et de ses bienfaits, paradoxalement Camille et sa petite fratrie entreprennent une descente aux enfers. Le monde est à l’envers !
LES SUPPLEMENTS
- Court métrage : « Nos enfants » de Sarah Suco (11′) , d’après la scène « Enfants » extraite de la pièce « La réunification des deux Corée » de Joël Pommerat. Avec Yannick Choirat, Alix Poisson, Alice de Lencquesaing
Quand les parents reviennent de leur soirée, leurs enfants ne sont plus là. La baby sitter ne comprend pas.
Un récit énigmatique joliment mené par Sarah Suco et des comédiens ad-hoc.
- Rencontre avec Daniel Sisco, président de l’Association pour la Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes, et Dominique Besnehard, producteur (25′) .Deux personnalités au discours bien différent, mais tout aussi intéressant. Et à plusieurs reprises l’un renvoie la balle à l’autre…
Ainsi quand Besnehard évoque l’étonnement à Cannes de la scène où les fidèles bêlent, Daniel Sisco, la confirme tout à fait. Il rapporte ainsi plus généralement la façon dont les sectes interviennent au cœur même des familles pour les déstabiliser et les conduire à se dépersonnaliser. « Le contenu même du film est profondément vrai , ce film est très pudique en réalité, il montre ce qui peut être montré sans être choquant ».
Daniel Sisco donne des conseils utiles, la marche à suivre pour éviter les comportements et addictions sectaires…
Dominique Besnehard explique la manière dont le sujet est arrivé sur le tapis et sa mise en œuvre à travers un casting de gens de connaissance. « Sarah a rapporté très consciencieusement tout ce qu’elle a connu dans son enfance au sujet de ses sectes. Et quand je pensais qu’elle en faisait trop elle me disait que non, que c’était son vécu… »
- Entretien avec Sarah Suco ( 16 mn ) . C’est son histoire, elle la raconte avec le théâtre comme ouverture sur le monde. « C’est un film que j’ai toujours porté en moi, mais pour débuter, il me fallait faire mes gammes » . Un court métrage -Nos enfants- qui aujourd’hui dit-elle sonne bizarrement dans sa filmographie, rejoignant directement l’esprit de son long métrage.
Elle dit tout ce que court métrage lui a appris pour réaliser « Les éblouis » avec l’exemple de l’importance parfois néfaste du plan serré…
La difficulté de travailler avec des enfants …
« Je remettais en scènes des scènes que j’avais vécues, c’était terrible, j’en sortais terrifiée, mais en même temps on ne dramatisait pas les choses, c’était tellement préparé, on avait travaillé beaucoup en amont ». Elle cite alors la scène de l’exorcisme que l’on revoit à l’occasion
- Entretien avec Yves Angelo (directeur de la photographie) ( 6.30 mn ). Un premier film ? Ca ne change pas grand-chose aux yeux de ce grand professionnel « c’est une question de rapports avec toute l’équipe. Par contre ce qui me parait le plus important c’est qu’il s’agit d’une histoire vécue. Une plus grande sensibilité entre en jeu, une relation autre s’installe ».
« Elle n’a jamais voulu accentuer le côté dramatique de son projet, elle a dédramatiser tout ça et le jeu des acteurs s’en est trouvé modifié, ils n’avaient pas de chappe au-dessus d’eux, ce qui permet de ne pas surexposer la mise en scène , elle est restée très humble dans sa direction, une humilité qu’elle a transmise elle-même dans son rapport avec sa propre histoire ».
Céleste Brunnquell ? : « Une forme de distance vis à vis de ce qu’elle est elle et du personnage qu’elle interprétait , c’est en ce sens qu’elle est très mature ».
Le film
Les bonus
Une vérité qui fut un temps d’actualité. Les sectes, leur embrigadement, le mal conséquent sur les familles, et particulièrement les enfants, ici au cœur du sujet filmé avec justesse, beaucoup de connaissances aussi semble-t-il par une réalisatrice qui a su s’entourer de comédiens au mieux de leur talent.
A chaque film Camille Cottin montre l’étendue de sa palette, sa diversité ( magnifique ), Eric Caravaca toujours aussi vrai dans ses personnages, presque naturel, et l’étonnant Jean-Pierre Darroussin en curé recruteur et ça fait drôle. Il impose cependant très vite son autorité sacerdotale pour mener ses moutons ( les bêlements sont édifiants) au renoncement total d’eux-mêmes.
Mais la palme revient à Céleste Brunnquell, incroyable dans son rôle de jeune fille presque adulte, grande sœur à l’écoute de sa petite fratrie complètement chamboulée par la nouvelle éducation apportée par ses parents au sein d’une communauté religieuse, sectaire par bien des principes et des agissements.
C’est son premier rôle au cinéma. Elle commence très très fort !
AVIS BONUS
Des entretiens, des commentaires, un témoignage et un court métrage assez surprenant, rien que du bon
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