Synopsis: Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique, bouleverse sa mère, ses camarades et son lycée tout entier, par ses questions. Les filles peuvent-elles aller en bikini au cours de natation ?Les cours d’éducation sexuelle ont-ils leur place dans un établissement scolaire ?Les adultes sont vite dépassés par les certitudes d’un jeune homme qui ne jure que par les Écritures. Seule Elena, son professeur de biologie, tentera de le provoquer sur son propre terrain.
La fiche du film
Le film
« Les disciples de la lumière n’ont jamais inventé que des ténèbres ». Robert Desnos
Veniami, tout de noir vêtu, la mine sombre, le regard abattu, est un bel adolescent. Les filles lui font du gringue, les garçons aussi. Pourtant, il ne se baigne pas avec eux et réprouve le bikini. A peine s’il adresse la parole à ses professeurs, ou alors sur le ton du reproche. Pour un cours trop orienté, dit-il, ou qui n’a pas sa place.
La théorie de l’évolution doit-elle être enseignée dans les cours de sciences naturelles ? Ce genre de question le taraude et empoisonne maintenant tout le corps enseignant.
Radicalisation, endoctrinement… Les mêmes comportements déviants s’appuient sur les mêmes bases erronées d’une éducation, les préceptes avortés d’un enseignement. Cette bible que Veniamin amalgame à sa façon pour soigner le mal de vivre de son adolescence. Sa foi est méchante, délirante, elle crie vengeance.
Abandonné aux errements d’un foyer sans père et presque sans mère, Veniamin impose sa loi, sa discipline Sans violence ni procédé contraignant, il inculque les principes d’une religion qu’il vénère au pied de la lettre. A sa mère, pour avoir divorcé. Aux filles, aux homos, à la terre entière.
Premier degré d’une sublimation peu orthodoxe .La professeur de biologie dont la ligne progressiste est tolérée du bout des lèvres, est particulièrement visée par toutes les atteintes du jeune homme pour qui la bible est bien paroles d’évangile.
Il ne s’exprime d’ailleurs qu’en versets bibliques, monologues hallucinants appliqués aux scènes quotidiennes. Et déstabilise son entourage qui peu à peu plie devant les coups de boutoir de son discours fondamentaliste.
La communauté professorale en ressort profondément chamboulée, et va à son tour se fissurer, révélant des comportements individuels d’une lâcheté insoupçonnée. La société russe serait-elle en train d’abdiquer devant son nouveau maître ?
Même le pope, dernier rempart possible à cet acharnement aussi bête que méchant ( Veniamin n’a pas inventé la poudre ) est lui aussi placé devant ce que « le disciple » estime être des insuffisances. « Ton église n’a ni kamikaze, ni martyre… ». Posture dogmatique ultime dont ne se dépare quasiment jamais Petr Skvortsov, impressionnant dans un premier rôle d’une cérémonie démoniaque à laquelle le spectateur assiste médusé. On attend la faille, la faiblesse, la logique, ou le déchirement ultime qui lui donnerait raison.
Le réalisateur Kirill Serebrennikov (mise en scène parfaite, hypnotique, audacieuse), demeure jusqu’au bout dans cette expectative. Le disciple il est vrai attend lui aussi son maître.
Le film
Je n’ai pas souvenir avoir entendu autant de dialogues s’inspirant des versets de la Bible. 60 à 70 % peut-être, et ça fonctionne, imparable, dans la bouche de ce jeune garçon de plus en plus habité (par le diable ?) et les préceptes d’une religion qu’il entend appliquer à la lettre. Son obstination réussira à gagner les murs de son établissement scolaire où le bikini à la piscine est désormais interdit, tandis que la professeur de biologie se voit de plus en plus contestée, dans ses cours relevant de l’éducation sexuelle ou de la théorie de l’évolution. Une autorité à peine défendue par sa hiérarchie, faille dans laquelle s’engouffre le disciple œuvrant sur tous les fronts pour donner dit-il de la respectabilité aux actes quotidiens et à ses représentants dûment sermonnés sur leur mode de vie trop tranquille à ses yeux. Dans le confort de leur chapelle, le disciple ne voit ni martyre, ni kamikaze... Petr Skvortsov est impressionnant dans le premier rôle de cette cérémonie démoniaque à laquelle le spectateur assiste médusé. On attend la faille, la faiblesse, la logique, ou le déchirement ultime qui lui donnerait raison. On en ressort médusé, interrogatif, mais loin de l'indifférence. C'est à voir, absolument.
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