Synopsis: En 1988, Krzysztof Kieslowski imagine une série de dix épisodes sur les habitants d'un même quartier dans la banlieue de Varsovie. Il dit de ses héros que ce sont des « gens qui se battent au quotidien contre la solitude, le désespoir, l'injustice... « Le Décalogue » peut être une photographie de mon pays à un moment précis de son histoire. »
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le Coffret
Le nom de cette série ( dix épisodes) évoque les commandements de la Bible. En 1988, le réalisateur s’en inspire plus ou moins sans jamais appliquer à la lettre la sommation biblique. C’est la destinée (et donc le hasard) qui intéresse Kieslowski dans ce quartier défavorisé de Varsovie où vivent ses personnages.
Le climat social et politique suinte à travers les fissures des immeubles fatigués. La Pologne est alors ébranlée par les soubresauts de l’Empire soviétique et l’avènement du syndicat Solidarnosc.
Le pays doit trouver une ouverture, un salut, ou la rédemption , comme Dorota l’héroïne de « Tu ne commettras point de parjure ». Enceinte de son amant, elle envisage l’avortement si son mari hospitalisé se remet de sa grave maladie. La conduite du médecin, peu avenante, la tiraille et la tient en respect. Elle va le harceler jusqu’à ce qu’il tombe le masque.
Au-delà de l’interprétation remarquable de Krystyna Janda, c’est un tableau sans rémission que peint le cinéaste dubitatif. La science peut-elle forger l’âme humaine, lui dicter une ligne de conduite, même contre nature ?
« Un seul Dieu tu adoreras » évoque dans cet esprit les rapports très filiaux de Pavel (Wojciech Klata) onze ans, avec un papa professeur de science, toujours prêt à lui expliquer le monde. Sa tante, catholique fervente, pallie l’absence de la mère, face à cet homme au raisonnement cartésien.
Il a appris la robotique et c’est depuis un ordinateur connecté qu’il donne un sens à sa collaboration filiale. Le gamin est extraordinaire, intelligent, mutin sans révolte. Kieslowski le filme avec beaucoup d’attention, et une grande considération.
La même que lui porte son père (Henryk Baranowski) dont les certitudes basées sur ses connaissances vont pourtant lui échapper… L’ordinateur ne répond plus à ses sollicitations. Pire, il le mène à l’erreur.
Tous les questionnements du petit garçon, ses réflexions sur la vie, la mort, ses angoisses aussi sont très pragmatiques. La morale, épilogue de chaque épisode, n’est qu’un vernis écorné par l’intensité dramatique qui toujours se dégage de la mise en scène.
On verra dans « Tu ne tueras point » comment Kieslowski atteint un point de non-retour en laissant la tragédie prendre le pas sur le rationnel. L’appel divin du commandement, le cinquième, n’est plus qu’un vœu pieux… L’allégorie est magnifique, cruelle, le film aussi.
Le Coffret
On ressort la série du Décalogue du cinéaste polonais. Trente ans plus tard, son enseignement technique demeure d’une incroyable lucidité au cœur d’un dispositif scénaristique à la fois inédit et complexe. Si chaque épisode repose sur un commandement de la Bible, il n’applique pas à la lettre la sommation biblique. Elle n’est que la résultante d’un état, d’une situation à travers un pays alors en proie aux pressions « du grand frère soviétique » et à la révolte populaire que mène Solidarnosc. Kieslowski raconte des histoires, il les filme avec un bonheur constant (le transfert des plans larges au gros plan, la fluidité, le cadrage toujours signifiant…) et donne à ses acteurs un sens du dialogue peu commun. Cela va au-delà de la direction pour conduire vers la communion. On devrait encore aujourd’hui enseigner ce cinéma-là. Il est universel. Il demeure d’actualité.
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