Synopsis: Neïla Salah, à Créteil, rêve de devenir avocate. Inscrite à l’université d'Assas, elle se confronte dès le premier jour à Pierre Mazard, professeur connu pour ses provocations et ses dérapages. Pour se racheter une conduite, ce dernier accepte de préparer Neïla au prestigieux concours d'éloquence. A la fois cynique et exigeant, Pierre pourrait devenir le mentor dont elle a besoin... Encore faut-il qu'ils parviennent tous les deux à dépasser leurs préjugés.
La fiche du DVD / Blu-Ray
le film
Meilleur dvd Mars 2018 ( 5 ème )
Camélia Jordana pour les plus jeunes, Daniel Auteuil autour des cheveux blancs. La salle bizarrement constituée affiche un peu de cet hexagone qui se retrouve placardé sur le grand écran. Un décor de banlieue mitoyenne (rien du no man’s land habituel au cinéma) et celui d’une faculté bien française pointée à mort par les clichés : Assas et ses fachos.
Neila la beurrette y débarque au milieu d’une faune anonyme, où règne en maître contesté (applaudissements et sifflets) Pierre Mazard, professeur raciste aux provocations incessantes. Le retard de la jeune étudiante met le feu aux poudres, Mazard est au taquet. Ses bons mots, sa belle éloquence atteignent l’innocence de Neila confortée dans ses désillusions.
Elle va donc encore devoir se battre, quand son meilleur ennemi vient à lui tendre la main. Elle ne comprend pas son revirement et cette assiduité à la conduire à tout prix vers le concours d’éloquence. Mazard n’a pas baissé la garde et demeure toujours aussi mordant, voire agressif, mais les faits sont incontestables : il mène en privé l’éducation de la jeune femme.
L’acteur devenu réalisateur conseille la chanteuse devenue comédienne
Malgré les raisons qui l’incitent à un tel comportement, le tableau est assez clair, prévisible aussi sur l’évolution des caractères. Mais l’attention est ailleurs, comme ce regard où nous mène Yvan Attal, dans les détails, les silences, les soupirs croisés joliment par une caméra aussi amusée que perplexe. En quelques plans bien posés, le réalisateur nous avait déjà tout dit d’un environnement explosif et de ses acteurs en surplomb.
Il les filme maintenant à la juste mesure d’une histoire contemporaine taillée à vif, parfois trop, au risque de systématiser des rapports déjà si complexes, si manichéens. Il nous faut ses petites échappées d’amour dans le cocon familial où Neila retrouve ses repères et sa mère (Nozha Khouadra). Et ce prince cavalant au volant d’un Uber, dont elle parle comme un dieu ( Yasin Houicha)
Il nous faut ses dialogues légers et drôles qui font sourire et qui font du bien. Et les égarements de ce prof tout paumé la nuit qui insulte la mémère et son chienchien. Claude Perron ne fait que passer, mais sa silhouette ravive la conscience d’un autre cinéma.
Yvan Attal en est plus très loin désormais, parfait meneur d’acteurs, et réalisateur attentif à l’émotion et à ses débordements. Un peu plus de retenue dans la passion, dans cette soif de dire et de dénoncer, et le voici près à devenir le porte images et porte-parole de ce début de siècle encore balbutiant. Avec Auteuil tout renaissant, et Jordana éclatante de vie et de talent, ça ne manque effectivement pas de brio.
le film
Un film dans l’air du temps que le réalisateur hume avec une passion dévorante pour tout en dire dans l’excès et la vérité. Attal réussit cependant à réfréner ses ardeurs militantes pour ne pas trop bercer dans le manichéisme établi depuis des années entre la banlieue et le reste du monde. Il met sa caméra au service d’une belle histoire de transmission, de savoir et d’intelligence, une histoire royalement portée par la jeune Camélia Jordana . La chanteuse fait des premiers pas convaincants dans le monde du cinéma, tandis que Daniel Auteuil semble renaître d’un passé où l’on se demande encore ce qu’il pouvait bien fabriquer. Les thèmes abordés ne manqueront pas de hérisser les plus vulnérables (intégration, racisme, banlieue, études supérieures...) mais ils figurent parfaitement notre monde actuel. Qui malgré les apparences lui aussi ne manque pas de brio.
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