- Reprise 29 mai 2024
L’Histoire : Hiver 1942. L’armée allemande poursuit son avancée sur le front russe. Un bataillon soviétique est contraint de se replier en désordre. Pour assurer son ravitaillement, deux soldats entament un long périple dans la forêt…
Ours d’or au festival de Berlin en 1977 .
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
D’après l’œuvre de Vasiliy Bykov . –
Des films de guerre qui rapportent la guerre dans toute son horreur, sa bêtise, sa violence, le cinéma n’en manque pas. L’actualité non plus et celle de l’Ukraine pourrait ne pas conduire à visionner aujourd’hui ce genre d’images.
J’ai fait l’impasse sur « La voix d’Aïda » dont le dvd sortait quasiment le jour même de l’invasion russe (*) . Aujourd’hui « L’ascension » de Larisa Shepitko s’ouvre sur un contexte historique bien différent.
La seconde guerre mondiale, l’avancée germanique au cœur de l’hiver soviétique en 1942. Un bataillon russe pris en tenaille dans la forêt dépêche deux de ses hommes pour trouver de la nourriture.
La réalisatrice Larisa Shepitko se focalise bien évidemment sur ce duo qui va connaître, la faim, le froid, la peur. Et le mal dont l’origine demeure toujours la même quand l’humanité se déteste pour ce qu’elle est
Au-delà du drame vécu par les deux hommes prisonniers autant des allemands que de la milice, ce qui retient ce récit dans un cinéma du réel, ce sont les visages que filme la cinéaste, au plus près de leurs sentiments.
Larisa Shepitko saisit toujours l’instant vrai du regard incrédule, de l’œil éteint, ou impassible, ou qui le feint pour détourner l’attention d’une scène dès lors plus expressive que toute démonstration scénique.
A ce titre, l’enfermement de villageois et des deux soldats dans la cave est une leçon de mise en scène et d’humanité intense. Un huis clos théâtral, pénible, poignant , où tout individu tente de ramener à soi ce qui lui reste de dignité, de raison d’être.
Larisa Shepitko ne juge pas, mais donne à chaque personnage la valeur de son exemplarité auprès de ceux qui voudront bien se souvenir de leur sacrifice. Il est christique dans cette fin de réalisation tragique où le Judas se condamne à une vie sans honneur, quand les sacrifiés se passent eux-mêmes la corde au cou.
Et toujours ces visages, celui de la fille du cordonnier dont le seul crime était de se cacher dans les fourrés. Ce soldat qui n’a rien renié. Cette enquêteur de la milice, en proie semble-t-il maintenant à des remords bien inutiles. Ou bien encore cet enfant contraint d’assister à la pendaison. La cinéaste n’en finit pas de le retenir dans son cadre, et c’est poignant, tragique, d’une infinie tristesse .
Il est difficile de ne pas les fixer à notre tour, pour ne pas oublier. Quand l’Ukraine nous rattrape chaque jour, que Gaza sombre un peu plus tous les jours …
(*). L’arrivée de l’armée serbe à Srebrenica en juillet 1995, et toutes les exactions qui ont suivi . Des milliers de civils sacrifiés …
- La version DVD existe . Rien que pour le documentaire sur la vie de la réalisatrice, c’est tout bonus !
Le Film
Il est peut-être difficile actuellement de regarder ce genre de film de guerre, et pourtant ce que nous en rapporte la réalisatrice soviétique, quarante ans après est d’une vérité autant douloureuse que significative sur la raison d’être des hommes. Ici deux soldats en quête de nourriture dans la campagne russe, enneigée et truffée de soldats allemands. Au-delà de la torture, de la faim, du froid, de la violence ce que retient ce récit d’un cinéma du réel, ce sont les visages que filme la cinéaste, au plus près de leurs sentiments. Larisa Shepitko saisit toujours l’instant vrai du regard incrédule, de l’œil éteint, ou impassible, ou qui le feint pour détourner l’attention d’une scène dès lors plus expressive que toute démonstration scénique. Le final est à ce titre exemplaire et grandiose, un monde christique, un chemin de croix où tout individu trouvera sa propre rédemption.