Ni poison, ni lettre anonyme. Chabrol s’empare cette fois de l’artillerie lourde
La fiche du film
Le film
Les bonus
Coffret « Claude Chabrol, suspense au féminin » : «L’Enfer» (1994)- « La Cérémonie » (1995) – « Merci pour le chocolat» (2000) – « La Fleur du mal» (2003) – « Rien ne va plus» (1997).
- César de la meilleure actrice Isabelle Huppert 1996
- Mostra de Venise 1995, meilleures interprétations féminines Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire
- Prix de la Société nationale des critiques de cinéma pour le meilleur film en langue étrangère 1996
D’après « L’analphabète » de Ruth Rendell
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
Ni poison, ni lettre anonyme. Chabrol s’empare cette fois de l’artillerie de Ruth Rendell pour mettre à mal la société qu’il rejette. Décor propice à ses envies, une immense propriété et sa belle demeure dans laquelle se perd Sophie, une « bonne à tout faire » comme le relève un brin méprisant Mr Lelièvre, son patron ( Jean-Pierre Cassel ).
Mais Sophie apparait très vite dévouée et indispensable. Malgré un mutisme congénital et un lourd secret : elle ne sait ni lire, ni écrire. Un handicap qu’elle surmonte de plus en plus difficilement au fur et à mesure des tâches confiées par ses maîtres.
Jeanne, la postière (Isabelle Huppert) lui vient en aide, pour déchiffrer un message ou une liste de commissions. Jeanne et Sophie ont tissé des liens aussi forts qu’équivoques. Une relation réprouvée par George Lelièvre. Il déteste au plus haut point la factrice qu’il soupçonne d’un crime impuni.
Une intrigue se ficelle sur un nœud déjà bien fourni.
Jeanne apprend par les journaux le passé douloureux de sa nouvelle amie qui découvre elle-même des choses sur sa jeune maîtresse, Melinda (Virginie Ledoyen) peut-être la plus attentionnée à son égard.
Mais la demoiselle reste confinée dans son monde où les Lelièvre vivent reclus de certitudes et de préjugés. Un peu moins du côté de madame, semble-t-il, (Jacqueline Bisset )très attachée cependant à ses prérogatives. Et la postière s’interroge : comment et pourquoi une telle actrice a-t-elle tout quitté pour se retirer dans ce coin de Bretagne ?
Morgue et stupidité, insolence et provocation, dans la petite tête de Sophie se réveille un sentiment d’injustice que la vie lui aurait léguée. Comme une prise de conscience morale et sociale sur ce monde mal fait et peu reconnaissant où Jeanne tire plus ou moins les ficelles.
Les deux amies ne sont pas exemptes de critiques, et la famille Lelièvre ne mérite pas forcément tous les reproches.
Dans son théâtre de marionnettes le réalisateur dicte avec une précision diabolique les errances et les manigances, des uns et des autres confrontés à l’inéluctable ambiguïté des êtres humains.
De l’hystérie à la folie meurtrière, Chabrol n’a peut-être jamais aussi bien analysé son petit monde , examiné leurs mœurs. Chez lui, il y autant d’individus que d’hommes qui peuplent la terre. Son cinéma est universel.
LES SUPPLEMENTS
- Scènes commentées par Claude Chabrol .« Repas du soir », « Absences de preuves », « Est-ce que tu es une salope ? », « La Cérémonie ».
- Tournage du film ( 16 mn ) « C’est le dernier film marxiste » s’amuse le réalisateur qui prévient aussitôt qu’il n’a jamais épousé la doctrine du philosophe.
Tout en circulant dans les décors , il évoque le roman dont il n’a pas modifié la structure, mais le profil des personnages. « J’ai essayé d’adapter le film en ce qu’aurait été le livre s’il avait été écrit aujourd’hui. Elle va dire que je suis complètement cinglé ».
Isabelle Huppert apprend à passer les vitesses sur la fameuse 2 CV . « Avec Chabrol j’ai l’impression d’être prise dans un filet, sa caméra. La façon dont il enchâsse ses personnages, dont il les regarde implacablement, un peu au-dessus avec un œil d’entomologiste, il nous regarde nous débattre, mais à l’intérieur on est très libres ».
On choisit une histoire ou un Chabrol ? Un Chabrol répond-elle sans hésiter.
- Entretien avec Caroline Eliacheff ( 9.20 mn ). La scénariste explique très bien la nature d’un fait-divers et le fait qu’il passe ou non à la postérité. « Il doit être révélateur d’une époque, avoir les préoccupations sociales du moment… ».
Elle cite le cas des sœurs Papins ( deux servantes massacrent leur patronne et sa fille en 1933 ) : « on en a fait un exemple de la lutte des classes, alors qu’elles étaient foncièrement paranoïaques ». Caroline Eliacheff s’est inspirée de cette affaire pour écrire son scénario, explication de texte à l’appui.
- Rencontre de nos jours avec Sandrine Bonnaire. La comédienne évoque ses rôles marquants dont celui de « La Cérémonie ». Elle parle bien évidemment de Claude Chabrol. « Sur le tournage il était anxieux que je puisse avoir peur du lien très fort qu’il avait avec Isabelle ».
« Il nous laisse beaucoup faire sur les costumes, la coiffure, il disait ça c’est ton bouleau, et quand j’ai dit que je me voyais comme un poireau, il était ravi ».
Parmi toutes les évocations, celle de la scène où Virginie Ledoyen la démasque, mérite le détour .
Le film
Les bonus
Le problème de l’analphabétisme est ici le nœud de l’affaire qui va devenir un drame horrible. Mais fidèle à cette façon d’avoir l’air sans en avoir l’air, Chabrol pose le handicap de son héroïne comme un pivot central sur lequel se greffent les intrigues et les petits travers de tous ses protagonistes.
Et le pivot tourne, de plus en plus vite si bien que Sophie qui ne sait ni lire, ni écrire arrive malgré tout à prendre le rythme d’une société qui ne l’a jamais vraiment regardée.
Et secondée par une « bonne » amie elle en prend le pouls, sa vision irréversible du monde va la conduire à l’extrême.
De l’hystérie à la folie meurtrière Chabrol n’a peut-être jamais aussi bien analysé son petit monde , examiné leurs mœurs.
Dans son cinéma, il y autant d’individus que d’hommes qui peuplent la terre. Son cinéma est universel.
Le casting l’est tout autant
AVIS BONUS
Des commentaires du patron sur des scènes précises, l'avis des comédiennes et le tournage du film, toujours excellents ces bonus
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