- 18 octobre 2023 en salle
- 3h 26min / Thriller, Drame, Historique
- Avec Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Robert De Niro
Synopsis : Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible avant de recourir au meurtre…
Golden Globes 2024 : Meilleure actrice : Lily Gladstone
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
- Le Film :
3 h 26 minutes et 80 ans plus tard, Martin Scorsese remet une fois encore les pendules à l’heure du cinéma . Pour reparler … une fois encore brillamment de l’histoire de l’Amérique, de sa naissance, de ses fondements et des travers qui la cisaillent.
Si à l’origine tout parait idyllique, « les sauvages » et les blancs font ami-ami autour des champs pétrolifères, le comportement apparemment vertueux du bon manitou blanc marque très vite la zone à ne pas franchir.
Le peuple Osage a gagné beaucoup d’argent avec la découverte de l’or noir, et le voici somnolant dans son opulence. La terre est restée indienne et tout se déroule selon les pratiques de la communauté , rites coutumiers entretenus pour mieux les endormir.
Quand leur chef Paul Red Eagle (Everett Waller) ouvre les yeux, le constat est amer. Leurs femmes épousent principalement des blancs, ils n’ont plus de terre. De belles maisons, certes, un mode de vie confortable, mais l’esprit du clan à disparu.
Miné insidieusement par une organisation secrète ( le Ku Klux Klan est aussi en train de naître ) , dirigé par un monsieur sympathique au vu de tous, prêt à rendre service et surtout très ami des Osage dont il parle la langue.
Dans le portrait de ce William Hale roublard et malicieux , Scorsese se régale d’une projection sur l’Amérique que De Niro amplifie avec morgue et faux-semblant. Un parrain avant la lettre, un manipulateur avisé, accueillant son neveu de retour de la guerre, les bras grands ouverts … Ils vont très vite se refermer…
Scorsese nous propose là une autre image en demi-teinte de son pays au profil rebondi par la stature d’un Leonardo DiCaprio extraordinaire. Ambigu et volontaire, protecteur d’une famille dont l’épouse Mollie est à ses yeux le phare indispensable à son destin.
Lily Gladstone écrit une partition de très haute volée sur la tragédie qui entoure son peuple et le mal qui la ronge de l’intérieur. Est-elle dupe ou innocente, est-il conscient de ses actes malfaisants auprès d’une femme qu’il vénère plus que tout ?
Comme pour toute mafia, sa famille demeure le pivot de sa résistance, de son aveuglement complice d’un massacre ethnique. Tous responsables nous dit encore Scorsese qui en une pirouette intelligente et inattendue rend au final un bel hommage à son comédien de légende. De Niro-Scorsese sur un même profil, on sourit enfin !
Tout en demeurant sur une ligne esthétique proche parfois de l’art pictural , Scorsese nous raconte une histoire profonde et argumentée sur le sort du peuple Osage au début du XX ème. Il met à profit sa mise en scène pour dénoncer par le geste et le regard ( celui de De Niro est éloquent ) la manière dont l’Amérique a pu se construire en bétonnant des champs pétrolifères sur lesquels ses premiers occupants construiront un destin auquel ils n’étaient pas préparés. Colonialisme et capitalisme, c'est toute sa tragédie qui s’incarne dans cette cohabitation trompeuse avec les hommes blancs, cupides et criminels. Sous l’apparence d’une entente parfaite avec les us et coutumes de ces amérindiens, un respect de leur tradition, on va peu à peu les endormir, les étouffer, les tuer … Une stratégie mafieuse avant l’heure dans laquelle la famille demeure le pivot central de toute décision. Revenu de la guerre et sans toit, le jeune Ernest trouve chez son oncle Bill le refuge qu’il n’espérait plus. Il court à sa perte, le sait-il vraiment, en est-il conscient ? Leonardo DiCaprio excellent dans ce personnage de l’entresol , De Niro tout aussi parfait, et peut-être surtout et avant tout Lily Gladstone pour une partition de très haute volée sur la tragédie qui entoure son peuple et le mal qui la ronge de l’intérieur. 3 h 26 minutes et 80 ans plus tard, Martin Scorsese a remis à l'heure les pendules du cinéma
