Synopsis: Jean Douchet est un passeur. Depuis une cinquantaine d’années, il est un critique de cinéma influent. Il sillonne les cinémathèques du monde entier pour rencontrer le public et parler des films qui le passionnent. Par son intelligence, sa culture, son humour, il a influencé des générations de cinéastes et d’amoureux du cinéma.
La fiche du film
Le documentaire
Avec Henri Langlois, c’est peut-être le personnage qui marque l’Histoire du cinéma français, par la pertinence de son regard, et cette critique toujours portée sur la réflexion philosophique.
« La vie est mouvement et toute idée d’arrêt veut dire pourrir et pourrir c’est mourir » résume-t-il. Sa réflexion n’a cessé d’évoluer tout au long de son parcours que ce documentaire retrace avec une énergie quasi cosmique. « Que tout soit mouvement, c’est la plus belle des choses qui soit » rêve tout haut ce penseur du septième art qui dans la salle de cinéma se met au premier rang « pour entendre les frémissements du public et savoir si l’œuvre a touché ».
Mille films plus loin, Jean Douchet retrouve le chemin des salles obscures avec cette même envie de communiquer avec le public, parmi lequel parfois de futurs réalisateurs se penchent à son oreille.
Ancien pensionnaire de l’IDHEC, Arnaud Desplechin se souvient de ce jeune professeur « très à l’écoute des nouvelles générations. On était alors très en colère contre le cinéma français, nos profs trouvaient Coppola surfait et le seul avec qui on pouvait parler c’était Douchet ».
« Il nous parlait des films comme s’ils étaient vivants » reprend Noémie Lvovsky « il ne transmettait pas une cinéphilie mortifère (…) quand je travaille aujourd’hui je cherche cet organisme vivant ».
Un repère dans le septième art qu’il aborde sur les conseils de Rohmer, dont « La gazette du cinéma » accueille déjà des critiques du nom de Godard et Rivette. La revue ne dépassera pas les cinq parutions, mais le discours critique qui s’engage entre les deux hommes ira bien au-delà.En rejoignant par exemple celui de Barbet Schroeder pour « Les cahiers du cinéma », une revue qu’ils tiendront à bout de bras pendant cinq ans.
Jean Douchet avec l’équipe du film
Entre temps Douchet signe trois courts métrages dont quelques images fugaces nous donnent l’envie d’en savoir plus. Mais l’homme admire trop ses confrères cinéastes pour aller au-delà. « Je ne pouvais atteindre leur niveau ».
Xavier Beauvois est touchant dans sa relation à celui qu’il considère comme un maître. Il le rencontre à l’occasion d’une projection de « M le maudit » de Fritz Lang à Calais « j’ai vu le père que j’aurais aimé avoir et j’étais le fils qu’il n’avait pas eu, j’ai eu la chance d’habiter chez lui, de suivre ses cours, de l’écouter à la cinémathèque ». Pour « Nord », Jean Douchet est « le regard extérieur dont j’avais besoin, il m’a accompagné jusqu’au bout c’est la plus belle histoire de ma vie, une amitié de plus de trente ans, aucun regret, aucune trahison ».
Même avec la mort (certains en parlent au passé) Jean Douchet ne transige pas « les choses sont les choses, la mort c’est un moment de la vie, ça ne me dérange pas ».
Le documentaire
Trois amis cinéphiles sont à l’origine de cet excellent documentaire portraiturant l’un des éminents critiques de ces 50 dernières années. Ils ont suivi Jean Douchet de cinéma en cinéma, via des archives émouvantes (Henri Langlois dans sa salle) ou des reportages in situ, comme ce festival italien où Thierry Frémeaux parle de son ami avec éloquence. L’intéressé est à quelques encablures de là, toujours prêt à deviser sur un septième art qui n’a pu le consacrer derrière la caméra. Comme « je ne pouvais atteindre le niveau de ceux que j’admirais », le réalisateur s’efface, le critique apparait. Plus de 1.000 séances à la Cinémathèque, et un héritage conforté par les témoignages d’Arnaud Desplechin, Barbet Schroeder, ou Xavier Beauvois très émouvant dans la relation qu’il entretient avec celui qu’il considère comme un maître. Le portrait dynamique d’un éternel jeune premier de la critique.
Un commentaire
Pingback: « Vers sa destinée » de John Ford. Critique dvd