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« Insiang » de Lino Brocka. Critique cinéma-bluray

Synopsis: Insiang habite un bidonville de Manille avec sa mère, la tyrannique Tonya. Elle se démène corps et âme pour survivre dans ce quartier où chômage et alcoolisme font partie intégrante du quotidien. Un jour, Tonya ramène chez elles son nouvel amant, Dado, le caïd du quartier, en âge d’être son fils. Ce dernier tombe rapidement sous le charme de sa nouvelle « belle-fille »…

La fiche du DVD / Blu-Ray

Le film : "Lino Brocka - Manille + Insiang "
De : Lino Brocka
Avec : Hilda Koronel, Mona Lisa, Ruel Vernal, Rez Cortez, Marlon Ramirez
Sortie le : 07 juin 2017
Distribution : Carlotta Films
Durée : 220 minutes
Film classé : Tous publics
Nombre de DVD / Blu-Ray : 3
Le film
Les bonus
Le DVD

Ce film a 50 ans. Je ne pense pas que son propos soit dépassé. Le sort des jeunes femmes dans les bidonvilles de Manille a, je l’espère, évolué de manière plus favorable, mais le contexte social demeure toujours aussi désastreux. A travers le portrait d’Insiang, et des rapports plus que tendus qu’elle entretient avec une mère tyrannique, Lino Brocka imagine un mélodrame familial en réquisitoire contre la situation des bidonvilles philippins et la misère qu’elle engendre.

Insiang est sous la coupe de sa mère qui vient de renvoyer la famille de son mari à la rue. Elle peut alors accueillir Dafo, son amant, un « gamin » qui paraît être le caïd du quartier, mais que ses copains chambrent facilement. Par contre Dado fait peur aux plus faibles dont Bebot, le petit copain d’Insiang Dado ne l’apprécie pas vraiment …

C’est dans ce labyrinthe malfaisant que le cinéaste s’aventure en quête d’un peu de répit pour cette foule emportée par une décrépitude totale, confinée dans la petite habitation des deux femmes.

Une seule et même pièce sous la tôle, faite de bric et de broc,  compartimentée au petit bonheur la chance entre la chambre, la cuisine et les toilettes…. Comme un ménage à trois, contraint pour la jeune fille qui se méfie comme de la peste de l’amant de sa mère. Les relations ne peuvent qu’empirer laisse entendre la caméra de Lino Brocka emportée par sa fougue et ses personnages qu’elle capture avec empressement. Mona Lisa, la mère, ne se fait pas prier pour accentuer des traits peu sympathiques, en opposition à la douceur du visage d’Hilda Koronel, une héroïne totale dans ce qu’elle révélera de sa personnalité hors du commun.

Ici c’est marche ou crève, et la vengeance est arbitrale. Comme les règlements de compte en famille qui voit casseroles et vêtements comptabilisés le jour du renvoi des cousins de la pauvre demeure. Rien n’échappe alors à l’œil du jeune cinéaste de l’époque qui signait là son deuxième film. A peine quinquagénaire, Lino Brocka est parti rejoindre d’autres rives, sans jamais nous quitter des yeux. « Insiang » en témoigne encore.

LES SUPPLÉMENTS (EN HD)

  •  Insiang : Lino Brocka par Pierre Rissient (7 mn). Le spécialiste du cinéma asiatique évoque sa découverte du cinéma de Lino Brocka lors d’un voyage aux Philippines et revient sur la présentation du film à la Quinzaine des Réalisateurs en 1978. « Il a beaucoup surpris les festivaliers » dit-il en rappelant la carrière du cinéaste, qui du théâtre à la télévision travaille toujours très vite. Il aura ainsi fallu onze jours de tournage pour « Insiang » qui était en salle trois semaines après.

  • « Signé : Lino Brocka » (1987 – Couleurs – 84 mn). Dans ce documentaire produit et réalisé par Christian Blackwood, Lino Brocka se confie et parle de sa vie et de son œuvre. « Avec le cinéma j’ai voulu recréé le lien pur et spontané que j’avais quand j’étais enfant ». Il était un acteur frustré dit-il, alors chassé des auditions où son accent le rendait ridicule. « Un vrai traumatisme d’être humilié devant tous ces gens. »

Activiste de la première heure contre Marcos il est emprisonné en janvier 1985 et ne doit sa libération qu’à la caution de quelques producteurs à qui il a promis de faire un soap-opera. De longs extraits de ce film semble-t-il assez indigeste sont proposés avec les commentaires plus ou moins amusés de l’intéressé.

La filmographie qui suit est intéressante à découvrir à travers les réflexions de Brocka et notamment les confidences sur une mère qui vivra après la mort de son père avec un homme marié. Le cinéaste lui en vaudra longtemps. « Insiang » s’en fait l’écho.Bien évidemment le thème de l’homosexualité dans le cinéma philippin n’échappe pas au regard de celui qui découvrira ce qu’il appelle sa particularité à bientôt vingt ans.

On le voit aussi beaucoup dans le bidonville de Tondo où il tournera cinq films, ce qui lui reprochera personnellement Imelda Marcos qui affirme que les gens du bidonville sont heureux, car ils sourient!.« A l’époque c’était aussi un charnier, les policiers abandonnaient les corps sur les détritus ».

Maintenant c’est la méga star Sharon Cuneta qui découvre les lieux pour un film avec Lino Brocka qui a bien du mal à lui faire comprendre semble-t-il où elle a mis les pieds…

Un reportage sur la chute du dictateur lui évoque « 20 années de pillage et de viol du pays. On aurait dû les tuer, et j’aurais alors fait partie du peloton d’exécution. On a été trop indulgent avec eux ».

LE DVD

  • « Retour à Manille : le cinéma philippin » de Hubert Niogret (57 mn). C’est un documentaire intéressant, un peu fourre-tout, sur l’histoire du cinéma philippin, quasiment depuis ses origines. On s’attache à un fil rouge, un historien, ponctuant chaque témoignage (réalisateurs, producteurs, comédiens…) d’un point de vue, d’une analyse ou d’un commentaire particulier.

L’après Marcos. « Nous étions libres de produire de meilleurs programmes » même si Lino Brocka remarque que des tenants de l’ancien régime retrouvent une place dans les rouages cinématographiques. Un réalisateur dont il est évidemment beaucoup question dans ce documentaire, « il a exprimé l’esprit qui marquait l’époque ».

Quand la TV devient accessible à 92% de la population, les salles se vident, et « le cinéma n’a pas su s’adapter à ce changement, via une démographie galopante. L’industrie cinématographique est alors tombée dans les mains des grandes marques comme Pop-Corn ou Coca Cola qui ne pensaient qu’à vendre leur produit».

« Avec le numérique, l’artistique est revenu au centre des préoccupation, et ça tend moins à satisfaire les sociétés de production » qui ont souvent bénéficié de « la loi de la jungle, les plus gros s’en sortaient toujours avant ».

Eddie Romero, le réalisateur avoue qu’à une certaine époque « nous n’étions pas conscients qu’il existait autre chose que le cinéma américain ».Brillante Mendoza :« vivre de notre métier est aujourd’hui très difficile, car je n’ai jamais vraiment étudié le cinéma, mon expérience se limite à ce que j’ai observé auprès des autres réalisateurs chevronnés ».

La mère de l’héroïne parait inspirée par la propre mère du réalisateur qui ne supportera pas sa liaison avec un homme marié…

Sur la thématique des films philippins, les angles abordés sont très significatifs comme « le syndrome de la madone et de la pute à travers l’image idéalisée d’une femme au cinéma ». Plus généralement les artistes contemporains s’accordent sur la notion de péché, de rédemption un thème récurrent, de paire avec l’idée de châtiment, « les gens paient pour leurs péchés, tout ça vient du catholicisme lui-même très présent » (« Santa Santita » de Laurice Guillen en 2005).

Ce Blu-ray est également disponible dans un coffret avec « Manille » Ce film a 50 ans. Je ne pense pas que son propos soit dépassé. Le sort des jeunes femmes dans les bidonvilles de Manille a, je l’espère, évolué de manière plus favorable, mais le contexte social demeure toujours aussi désastreux. A travers le portrait d’Insiang, et des rapports plus que tendus qu’elle entretient avec une mère tyrannique, Lino Brocka imagine un mélodrame familial en réquisitoire contre la situation des bidonvilles philippins et la misère qu’elle engendre. Insiang est sous la coupe de sa mère qui vient de renvoyer la…
Le film
Les bonus
Le DVD

Lino Brocka imagine avec ce second film (1970)  un mélodrame familial en réquisitoire contre la situation des bidonvilles philippins et la misère qu’elle engendre. Un film tourné en dix jours dans les cloaques de Manille, c’est l’urgence qui prime sur les intentions. Mais l’un et l’autre sont au cœur de ce labyrinthe social totalement habité par cette mère véritablement insupportable, qui ne vit que pour son gigolo qui guigne en réalité sa fille. La belle Insiang, objet de tous les désirs où se cristallisent la misère et la frustration d’une jeunesse sans aucun repère.

Avis bonus Beaucoup de bonnes choses à voir et à entendre, et des archives conséquentes.

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