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« Histoire d’un regard » de Mariana Otero. Critique cinéma-vod-dvd

Synopsis: Gilles Caron, au sommet d’une carrière de photojournaliste fulgurante, disparaît brutalement au Cambodge en 1970. Il a 30 ans. En l’espace de 6 ans, il a couvert pour les plus grands magazines, la guerre des Six Jours, mai 68, le conflit nord-irlandais ou encore la guerre du Vietnam. Lorsque la réalisatrice Mariana Otero découvre le travail de Gilles Caron, une photographie attire son attention qui fait écho avec sa propre histoire, la disparition d’un être cher qui ne laisse derrière lui que des images à déchiffrer.

La fiche du film

Le film : "Histoire d'un regard"
De : Mariana Otero
Avec :
Sortie le : 29/01/2020
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 93 Minutes
Genre : Documentaire
Type : Long-métrage
Le documentaire
Les bonus

Il est parti si jeune que sa vie demeure un mystère. Une signature à la une des magazines a gravé quelques chapitres de l’Histoire mondiale. Mais de sa propre petite histoire,  il ne reste rien, que ses photos accrochées à nos mémoires.

Et depuis le Cambodge 1970, un grand vide.

La réalisatrice Mariana Otero a elle aussi connu ce trou noir de l’absence, une maman morte alors qu’elle n’était encore que cette enfant croquée sur son vélin d’artiste. Elle l’a regardé maintes fois en quête d’un chemin pour rejoindre la main qui l’avait dessinée.

Le parcours du photographe lui répond. Elle découvre l’homme qui a réalisé cette photo qui la hante depuis des années.

Daniel Cohn-Bendit souriant malicieux à un policier en 1968. Mariana Otero s’est souvent demandé le comment du pourquoi, la manière d’en arriver là. Quel fut le cheminement du regard interroge-telle encore aujourd’hui dans ce beau et passionnant documentaire qui nous dit un peu qui était Gilles Caron et surtout comment il travaillait.

A trop bouger peut-être d’un continent à l’autre, mais aussi autour de son sujet, le point de vue que l’on risque de perdre. Ou bien celui du hasard qui guide votre objectif. La guerre des Six Jours à peine commencée, Gilles Caron abandonne le bus Presse pour une échappée en solitaire dans un quartier où des soldats embrassent un mur. Il ne comprend rien, mais pressent qu’il faut déclencher l’appareil .

Peu après le général Dayan débarque devant le Mur des Lamentations. Gilles Caron est toujours là dans la vieille ville de Jérusalem où la réalisatrice repère tous ses points de passage, avec le concours de Vincent Lemire le directeur du CRFJ (Centre de recherche français à Jérusalem).

Une séquence très forte qui reconstitue l’itinéraire du photographe à travers les négatifs qui défilent sous ses yeux .

Tout aussi puissant, le témoignage des Irlandais photographiés au moment du conflit entre les deux régions. Des gamins à l’époque dont les souvenirs racontent le fond de leur photo en culotte courte .

L’Histoire a rattrapé l’Histoire nous dit la réalisatrice, et la vision d’un témoin de plus en plus acteur sur son terrain. Qui se souvient de la colline Đắk Tô, pendant la guerre du  Vietnam ?  Gilles Caron prend réellement possession de la place, et surpasse le témoignage au profit d’une attestation des lieux et des faits.

Une intrusion dans la vie des gens qui donne au temps sa force, sa richesse, sa vérité. Un procédé à la fois technique et très humain que le photographe n’expérimentera pas au-delà. Disparu au Cambodge en Avril 1970, il ne laisse aucune trace de son passage.

L’œuvre peut-elle tenir compte de cette béance , une œuvre ici déchiffrée dans ses attentes , et dans la manière de se l’approprier. Le regard aiguisé de Mariana Otero comble ce vide. Il le nourrit.

Comme un hommage rendu cinquante ans après la disparition du photographe. Le 04 avril 2021  saura-t-on s’en souvenir ?

LES SUPPLEMENTS

  •  Entretien avec Mariana Otero (23 min) . Plusieurs raisons à l’origine de ce film dont la possibilité de comprendre enfin la photo qui la hante depuis des années. Daniel Cohn-Bendit souriant malicieux à un policier en 1968. Mariana Otero  s’est souvent demandé le comment du pourquoi, la manière d’en arriver là.

Et puis il y a l’histoire de son regard sur celui de Gilles Caron . « J’ai voulu le raconter, quelqu’un aurait pu me filmer pendant huit mois , impossible, pas très intéressant … »

La rencontre avec Marjolaine, la fille de Gilles Caron

La présence de la réalisatrice dans le film ? «  Je l’ai voulue afin qu’elle porte la trace de ma subjectivité, de mon travail ».

Avec l’historien Vincent Lemire ? «  Quand il arrive, il n’a vu aucune photo ,  il redécouvre un événement pourtant qu’il connait bien, il est subjugué, et il apporte des éléments historiques fondamentaux . Il vit quelque chose là qu’est fondamental pour lui, pour son travail, et il va d’ailleurs s’en servir pour écrire un chapitre d’un livre ».

Mariana Otero pose les questions :

  • Conversation avec l’historien Michel Poivert (15 min) . Gilles Caron dans l’histoire du photojournalisme ? «  il incarne la fin, son point extrême ». Michel Poivert explique très bien ce qu’est le photojournalisme, une autre façon de faire de l’information, l’auteur intégré dans son reportage , le récit en images de l’information .

Les successions des différentes générations, le renouvellement des agences …

Sa méthode de travail ? «  Une forme de génie, il est instinctif, inspiré, utilise ses machines avec beaucoup de sobriété, comme un photographe classique de reportage, ça peut paraitre étrange de dire ça, il arrive à faire des choses simples à partir de situations compliquées ».

 

  • Conversation avec le photographe Edouard Elias ( 22 mn ). Lui aussi parle très bien de son métier, de la manière dont Gilles Caron a pu l’influencer dans ses premières démarches  «  il est avec les gens qu’il photographie, il les connait , ce qui donne cette impression de proximité, j’essaie de suivre ce chemin. (… ) Le fait de rester avec eux permet d’accroitre l’intimité ».

Les journalistes qui font de la photo ou des photographes qui font de l’information ? Il revient intelligemment sur un débat qui ne cesse d’alimenter les cercles d’initiés.

Meilleur dvd Septembre 2020 ( 7 ème ) Il est parti si jeune que sa vie demeure un mystère. Une signature à la une des magazines a gravé quelques chapitres de l’Histoire mondiale. Mais de sa propre petite histoire,  il ne reste rien, que ses photos accrochées à nos mémoires. Et depuis le Cambodge 1970, un grand vide. La réalisatrice Mariana Otero a elle aussi connu ce trou noir de l’absence, une maman morte alors qu’elle n’était encore que cette enfant croquée sur son vélin d'artiste. Elle l’a regardé maintes fois en quête d’un chemin pour rejoindre la main qui…
Le documentaire
Les bonus

En lisant le livre consacré à Gilles Caron, célèbre reporter photographe mort à 30 ans au Cambodge, Mariana Otero remarque que le mystère autour de sa disparition fait écho à ses propres interrogations. Elle était enfant quand sa mère, trentenaire également, est décédée. Il ne lui reste que les dessins qu’elle faisait d’elle et de sa sœur. C’est le même vide qu’elle entrevoit alors de combler en défrichant quelques centaines de clichés sur les 100.000 répertoriés numériquement par la famille Caron. Le cheminement d’un regard, ses raisons d’être, de s’y attarder, c’est une analyse à distance qu’opère la réalisatrice, aidée un temps par Vincent Lemire le directeur du CRFJ (Centre de recherche français à Jérusalem). Tous les deux tracent le parcours supposé du photographe dans la vieille ville de Jérusalem. Un moment très fort de ce documentaire tout aussi puissant pour ce qu’il raconte du monde et de la manière dont un témoin, de plus en plus acteur au fil des reportages, a su le raconter.

AVIS BONUS Deux points de vue professionnels passionnants. Le « regard » porté par l’historien Michel Poivert sur Gilles Caron, son époque et la valeur du photojournalisme à laquelle il a pu contribuer. Le point de vue du jeune photographe Edouard Elias sur son confrère, sa technique et le monde du photojournalisme est tout aussi passionnant

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