L’histoire : Hôpital Beaujon, Clichy. Au mépris des impératifs de rendement et du manque de moyens qui rongent l’hôpital public, Jamal Abdel Kader, seul psychiatre de l’établissement, s’efforce de rendre à ses patients l’humanité qu’on leur refuse. Mais comment bien soigner dans une institution malade ?
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« On juge du degré de civilisation d’une société à la façon dont elle traite ses fous ». Lucien Bonnafé.
Eminent psychiatre, Lucien n’a pas eu le temps de voir l’application de son commentaire à l’état de la psychiatrie française. Avec notamment cette illustration récente à l’Hôpital Beaujon à Clichy.
Spécialisé dans plusieurs domaines de la médecine, l’établissement en exclut ipso-facto la psychiatrie où désormais seul un professionnel exerce sur plusieurs étages.
Jamal Abdel Kader, n’en finit pas d’aller et venir, descendre et monter, parfois accompagné d’un aide-soignant ( mais on les voit très peu ) toujours à l’écoute attentive de ses patients. Il lui en faut de la patience pour mener à bien ses journées sans fin qui lui font mal au dos.
« Vous permettez que je m’assois ? » demande-t-il à un malade auprès duquel il va une fois encore prendre le temps nécessaire pour comprendre son mal-être et envisager les soins appropriés. Jamais dans l’urgence, ni la précipitation , toujours avec les précautions d’usage.
Au service des urgences psychiatriques, l’homme côtoie toute la détresse du monde, les tentatives de suicide aux conséquences incalculables sur le physique et le psychisme , les accidents quotidiens, et divers traumatismes qu’il lui faut cerner et comprendre.
Le réalisateur Nicolas Peduzzi l’observe autant qu’il l’accompagne dans ses bâtiments souvent déserts, où la mise en scène s’impose d’elle-même au regard et à la compréhension du visiteur d’occasion.
Elle devient presque cinématographique dans l’élan volontaire du final où Jamal Abdel Kader sort de son état pour devenir un personnage commun, confronté à son impuissance.
« Pour prendre soin des gens, il faut que l’on prenne soin de nous ».
Manque de personnels, de lits, de moyens … « on devient complice. (… ) Si je voulais faire mon métier correctement, je partirais de l’Hôpital qui ne remplit pas son rôle de service public ».
A l’origine il se dirigeait vers la chirurgie comme son père. Un stage en psychiatrie le détourne de son objectif. « J’ai vu que j’étais à l’aise pour entrer en contact avec ceux que l’on appelle les fous ».
Depuis Jamal Abdel Kader mène quasiment un combat désespéré, solitaire, c’est certain . Pour l’heure il résiste. Une vocation de service public.
LES SUPPLEMENTS
- Deux séquences inédites ( 7.45 mn )
- L’une en relation avec le personnel , et une assistante qui détaille l’état pathologique d’une patiente.
- La seconde en relation avec un fait collectif sur un soin à donner et sur lequel il n’est pas d’accord. Mais « j’ai cédé, je les ai laissés poursuivre leur idée et j’ai bafoué mes valeurs.». S’ensuit toute une réflexion sur sa déontologie, sa raison d’exercer …
- Podcast « Raconter le réel » : Interview du réalisateur Nicolas Peduzzi ( 25.45 mn ) -« Je faisais des repérages à l’hôpital, sans trop savoir ce que j’allais en faire. Une idée sur les internes, peut-être, quand je vois ce jeune médecin, un peu isolé, en baskets, j’ai flashé. (… ) Sa façon particulière de parler avec les gens, de procéder … ».
La critique du système hospitalier « c’est en parlant avec les soignants qu’elle est arrivée. Le manque de personnel, de moyens … ».
Peduzzi reprend l’idée du parcours de combattant de ce médecin, aux heures supplémentaires nombreuses, sans vie de famille. « On se demande combien de temps il va encore pouvoir tenir, d’où le titre ! ».
Le documentaire
Les bonus
Quand le service public , n’est plus un service, et encore moins public, un homme qui se dit « complice » de cette dégradation des soins, tente de résister.
Entouré de quelques soignants ( que l’on voit très peu ) , souvent seul, Jamal Abdel Kader arpente les trois étages de son service où sont disséminés ses patients.
Il est toujours attentif, précautionneux et souvent désespéré de ne pouvoir agir dans l’instantané. « Je fais de la relation, et ce n’est pas prévisible ».
Spécialisé dans plusieurs domaines de la médecine, l’Hôpital Beaujon à Clichy en exclut ainsi ipso-facto la psychiatrie
Manque de personnel, de lits, de moyens … « Si je voulais faire mon métier correctement, je partirais de l’Hôpital qui ne remplit pas son rôle de service public ».
Pour l’heure il résiste. Une vocation de service public.
AVIS BONUS
Deux scènes inédites et un interview du réalisateur.