Synopsis: Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
La fiche du film
Le film
Palme d’or 2015 Festival de Cannes
Les résumés en disent parfois un peu trop. Celui de « Dheepan », peut-être pas assez, et c’est tant mieux. Au mot fin, on reprend l’histoire de cette famille Sri-Lankaise qui tente de s’intégrer dans un coin désolé d’une banlieue française. Mais le propos de Jacques Audiard, déjà très ciblé sur les quartiers difficiles, hyper-sensibles, s’ouvre sur de plus vastes horizons, tout aussi désespérants.
Pour la cause humanitaire, l’intégration ou le bonheur des peuples, la perspective est plutôt sombre, nous dit-il, sans y apporter le plus petit espoir. La moindre solution.
Dheepan, chef d’un groupe rebelle au Sri Lanka, tente de refaire sa vie, anonyme et consciencieux au cœur d’une société dont il ignore tout. Pour quitter son pays, sa famille entièrement décimée, il lui a fallu une compagne de substitution. Compagne d’infortune qui voit depuis sa fenêtre un nouveau monde qui lui passe sous les yeux, inaccessible, illicite.
Un peu à la manière de l’école où leur « enfant », Illayaal, ne trouve pas sa place. Déracinée, ballottée, l’adolescente n’assume pas l’héritage meurtrier de ces adultes tout aussi paumés dans leur mal-vivre. Jacques Audiard le traduit formellement, parfaitement, par une succession de faits et de méfaits qui renvoient tous les protagonistes au seuil de leur existence. Quasiment à la case départ.
Dheepan a fui des gangs qui se reforment maintenant aux pieds des barres HLM tenues par les dealers. Il doit faire avec, composer sagement, lui l’ancien chef rebelle d’une révolte avortée. Un passé qui le rattrape dans ses rêves et dans la vie.
De cauchemars en petits boulots, vendeur à la sauvette, gardien d’immeuble, il pèse le poids d’une histoire qui ne lui appartient plus. Il va falloir composer avec, se battre à nouveau, devenir caïd face aux autres composantes d’une violence qu’il n’imaginait pas.
Et de ce couple malgré-lui, qui n’arrive pas à atteindre le minimum de sentiments que l’amour peut lier. C’est alors, dans des éclairs de feu et d’une violence totale, que Dheepan va redevenir le Tigre Tamoul prêt à tout pour sauver son honneur et celui de celle qu’il aime. Audiard qui filmait jusqu’alors avec précaution, malgré des écarts d’images inévitables, donne maintenant la pleine mesure de son récit.
Dans la dureté et la sècheresse, c’est la fin de ce nouveau monde entrevu un temps pour ce couple qui maintenant s’apprête à gagner un autre pays. Audiard nous dit que c’est peut-être mieux là-bas. Le cinéaste cherche lui aussi, et tâtonne, avec une maîtrise totale de l’art du verbe et de l’image conjugués.
Ses comédiens qu’il faut citer même si leur nom demeure encore mystérieux pour nous, Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, illustrent pleinement cette verve artistique et humaine.
Vincent Rottiers est lui aussi tout à fait extraordinaire dans la peau du caïd de banlieue où Marc Zinga en Youssouf conciliateur tente d’apaiser tout son petit monde. Mais déjà trop grand pour lui.
Le film
Pour quitter la guerre de son pays, un homme va construire une famille factice, tenté d’aimer et puis refaire sa vie dans un coin d’une banlieue française où il va peu à peu retrouver les mêmes travers qu’autrefois. Sur un scénario original, soigneux, précis, qu’il co-signe avec Thomas Bidegain et Noé Debré, Jacques Audiard use de tout son talent de technicien et de maître de la scène pour suivre la marche forcée de cet homme autrefois si fort et respecté, confronté à l’envers du miroir quand les caïds sont maintenant les rois de la drogue. Les comédiens principaux, des amateurs, passent royalement la barre de l’interprétation pour donner à leurs personnages le sentiment de vivre à nouveau les faits rapportés. Vincent Rottiers est lui aussi tout à fait extraordinaire dans la peau du caïd de banlieue où Marc Zinga est un excellent Youssouf.
Thème on ne peut plus contemporain tant l’actualité rappelle l’un des sujets du film qui est tout en tension et à tous les niveaux. Méritait-il la palme d’or ? on ne peut encore le savoir tant il nous reste de films à découvrir mais pour moi ce n’est pas immérité car il est rare d’avoir une telle maîtrise pour aborder tous ces problèmes.
Deux critiques : pourquoi Audiard a-t-il toujours besoin de violence pour justifier son propos ? Et en ce qui me concerne la deuxième partie est moins bonne et surtout la toute fin en happy end est totalement ratée (il semblerait qu’il fallait vite boucler pour assurer les délais !) comme s’il fallait faire retomber la tension.