Synopsis: Sur une île de la lagune vénitienne, un pêcheur fait la connaissance d’une jeune chinoise récemment immigrée. Une douce amitié naît peu à peu entre ces deux êtres que tout semble séparer. Mais leurs sentiments dérangent deux communautés qui se rejettent : Italiens et Chinois voient d’un mauvais œil leur complicité naissante…
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Meilleur dvd Décembre 2012 (4 ème )
Venise, comme on la filme peu. Ses graffitis le long des canaux, ses usines en bord de mer. Juste à côté, des maisons de pêcheurs et puis des cabanons, épars, et même au milieu de l’Adriatique . Cette fois Andrea Segre se fait plus lyrique pour photographier la lagune et ses perspectives, miroitant au soleil couchant.
Comme un rappel de douceur dans ce monde de brutes. Là où vit Shun Li, une émigrée chinoise qui, pour revoir son fils, doit sacrifier à des méthodes barbares : elle travaille où des chefs de clan lui demandent de se rendre. Quand elle aura acquitté sa dette, son fils pourra faire le voyage.
Ca ressemble à une filière mafieuse, secrètement animée au sein d’une communauté qui ne cherche pas le moins du monde à se fondre dans la foule. Qui le lui rend bien. Quand Li débarque dans ce petit bistrot de pêcheurs, l’accueil est plutôt sympa. Les Italiens, on ne les refait pas. Sauf si l’un d’entre eux éprouve pour la jeune chinoise plus que de la sympathie.
Il s’appelle Bepi, et ses origines yougoslaves le rapprochent peut-être un peu plus de l’étrangère. Deux parias au sein d’un paradis lacustre qui vont malgré tout vivre le tout pour le tout sous l’œil bienveillant de Segre. Formé au documentaire, le réalisateur prend un soin tout particulier pour laisser venir ses personnages au cœur du récit. Il les installe confortablement dans notre environnement, et nous les rend très vite attachants.
Même les copains de tablée qui ne sont pas de mauvais bougres, apparaissent sous leur rugosité, d’une extrême attention.
C’est le climat qui détériore tout, cette méfiance réciproque entre les hommes, ce choc des cultures. Un fossé que comblent Zhao Tao et Rade Serbedzija, en parfaite harmonie avec cette révolte intérieure qui déchire le paysage.
L’image est particulièrement soignée dans un cadre à l’esthétisme parfait. Ce qui peut paraître bizarre, voire paradoxal au regard d’une histoire empreinte d’une très grande mélancolie : est-ce le pays qui veut ça, ou le talent du directeur de la photo ? Luca Bigazzi a déjà signé quelques bijoux du genre « Il divo », « Copie conforme » avec Juliette Binoche ou bien encore « This Must be the place » avec Sean Penn.
Pour son premier film, Andrea Segre a su s’entourer, et donne la juste respiration à une aventure, déjà contée, mais qui ici retrouve toute son humanité. Le scénario de Marco Pettenello n’y est pas étranger.
- Voir aussi
« Fuocoammare, par-delà Lampedusa » de Gianfranco Rosi.
LES SUPPLEMENTS
- Documentaire » La mer fermée » d’Andrea Segre (2012/60 min). C’est un reportage assez édifiant sur le sort des migrants, des Érythréens, des Somaliens, que l’on suit d’abord grâce à une vidéo amateur, depuis leur bateau. On les voit chanter et prier, agglutinés les uns sur les autres : « le capitaine n’est pas fiable, le GPS n’est pas fiable, mais tu n’as pas d’autres choix ».
En parallèle le cinéaste, écoute, sans commenter, leurs témoignages, principalement à travers deux personnages rescapés de l’aventure, qui pensaient-ils allait se terminer une fois les côtes italiennes en vue.
Un bateau vient les chercher « on était saufs, nos problèmes étaient désormais finis ». L’accueil qui leur paraît d’abord bien agréable vire à la désolation, quand d’un seul coup les Italiens qui leur parlaient en anglais font mine de ne plus les comprendre.
On suit leur périple (refoulés d’Italie à l’encontre des règles internationales maritimes) à travers les témoignages que la caméra rend très vivants. Elle a pris possession de cette réalité et la retranscrit de façon très instinctive.
- Entretien avec le réalisateur. En voyant arriver des étrangers en Italie, le jeune réalisateur est allé dans ces pays, pour comprendre leur cheminement. « J’avais une caméra, mais je ne pensais pas à être réalisateur, c’est arrivé un peu plus tard ». Il aura quasiment fait le tour de l’Europe avant de gagner l’Afrique. Il est l’auteur de plusieurs documentaires. « J’utilise le cinéma pour raconter des histoires humaines, et dénoncer leurs injustices ».
Il nous explique aussi le titre à double sens dans la version originale « Io sono Li » : je m’appelle Li, mais c’est aussi je suis là, ce qui est effectivement juste.
« Le monde d’aujourd’hui a peur de la poésie, ce moyen de communiquer qui a un peu vieilli, alors reprendre ce vieux moyen de parler dans cette histoire moderne, m’a paru opportun, un peu dans l’esprit de “ Ghost dog ” de Jim Jarmusch avec Forrest Withaker une situation très réelle qui devient symbolique, surréaliste… ».
Andrea Segre est docteur en sociologie et en communication. Les cours dispensés en université ne suffisant pas, il décida de mettre en lumière les questions des migrations en Europe à travers plusieurs documentaires. « La Petite Venise » est son quatrième film, mais son premier long-métrage de fiction.
- Mais encore . Andrea Segre s’est installé à Chioggia ,un port de pêche situé au sud de la lagune de Venise, qui a la particularité de « regrouper les questions sociales et d’identité des territoires », selon le réalisateur.
-Rade Serbedzija, l’interprète de Bépi est un véritable poète. Chanteur et compositeur, c’est aussi l’une des figures les plus connues de Yougoslavie.
-Le film a participé au Festival du Film de Reykjavik (où Andrea Segre remporta une mention spéciale), au Festival BFI du Film de Londres et à la Mostra de Venise. Il y décroche le FEDIC (prix de la Féderation Italienne des Cinéclubs), le Prix Laterna Magica, et le Prix Lina Mangiacapre (qui récompense les œuvres témoignant de la condition féminine).
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