Élevé dès sa plus tendre enfance dans le monde de l’art, le gamin deviendra un artiste. C’est ce que tout le monde espère, et jusqu’à sa mort il va y croire. Kitano boucle ainsi sa trilogie sur la création. Ce n’est pas forcément un aboutissement…
La fiche du Disque
Le film
Une devinette : qui du coureur ou de la tortue arrivera le premier? Takeshi Kitano nous prévient : ce qui suit est une fable, ou une légende à la façon dont les différents épisodes sont annoncés.
Une manière peut-être de se dédouaner d’un parti pris artistique qui s’en prend avec une force… pleine de douceur et de mélancolie, à l’art contemporain, à son monde, et à ses marionnettes.
Je ne sais pas dans quelle mesure le cinéaste, qui joue le personnage principal dans sa période vieillissante, règle ses comptes avec son propre univers, mais « l’art n’est qu’illusion » dit-il face à un bol de riz à la portée d’un homme affamé.
A cet instant de la réflexion, le héros Machisu n’a toujours pas réussi à assumer son rêve d’enfance : devenir un peintre connu et reconnu, malgré des premiers pas prometteurs, et les vifs encouragements de son entourage, à l’aisance réconfortante. Dans cette première partie, la facture classique du récit et de la mise en scène décontenance notre attente, tempérée par quelques situations que l’on qualifiera de burlesques.
Mais l’heure n’est pourtant pas plaisante quand s’abat sur la famille du jeune homme tous les malheurs du monde.
Placide depuis le berceau, il le demeure dans cette nouvelle vie qu’il lui faut affronter seul et pauvre. Second volet des pérégrinations d’un enfant plus gâté du tout, en butte aux marchands du temple (dont un galeriste aussi puant qu’insignifiant que joue très bien Masatô Ibu ), et aux vicissitudes d’un art qu’il tient mordicus pour une respiration.
Machisu tel qu’en lui même, portrait au cordeau d’un artiste maudit que le cinéaste scrute au plus près ,pour y déceler chaque jour une faille nouvelle. Mais l’homme persévère dans son art de vivre, jusqu’à l’obsession, jusqu’à la folie.
L’artiste et son épouse (Kanako Higuchi ) contemplent une oeuvre incomprise. Leur fille (Eri Tokunaga ) n’arrive plus à suivre les frasques de ses parents.
Loin du « Basquiat » de Julian Schnabel , Kitano joue la sobriété des cadres, la sagesse des déplacements et se laisse lui-même enfermer dans cette spirale vaine et infernale. Le film n’aurait pas souffert à mon avis de quelques coupures sur les redites de l’impossible création, sur l’enfilade de concepts de plus en plus tortueux, à la recherche de sens, de messages, jusqu’à l’absurde.
Il en devient à l’image du personnage, pathétique et désespérant.
- Ktano dans ce blog : » Kids return » – « Hana-bi« -« L’été de Kikujiro«
Je cite:
Il en devient à l’image du personnage, pathétique et désespérant.
C’est rigolo, la critique (jusqu’à cette phrase) donne envie de voir le film. On se dit 3 étoiles, un univers un peu barré et romantique à la fois. Un truc qui peut me plaire quoi.
Et là, bim, le film devient en deux mots, pathétique et désespérant.
Alors, on oublie ce film?
Ce film sur sa longueur devient effectivement pathétique et désespérant , non pas dans sa forme , mais dans le fond , au regard de la destinée de son héros, qui déteint sur la mise en scène .
Il est malgré tout à voir pour l’ensemble qu’il compose à l’image d’une abstraction dont on ne saisit pas au premier coup d’œil tout ce qu’elle signifie . De belles œuvres peuvent être pathétiques et désespérantes…