Synopsis: Fille-mère à l'adolescence, Suzanne vit avec son père routier et sa sœur dont elle est inséparable. Sa vie bascule lorsqu'elle tombe amoureuse de Julien, petit malfrat qui l'entraine dans sa dérive. S'ensuit la cavale, la prison, l'amour fou qu'elle poursuit jusqu'à tout abandonner derrière elle...
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Les bonus
Les meilleurs dvd Mai 2014 ( 3 ème )
J’ai cru comprendre que François Damiens lisait rarement les scénarios. Il aurait pu ainsi s’éviter « Une pure affaire » et « Je fais le mort ». Le comédien y était excellent mais son numéro d’équilibriste, périlleux. Toujours au top de son interprétation, le voici ( sur une trentaine d’années) totalement en phase avec une histoire qui lui colle à la peau.
Celle d’un chauffeur routier, veuf, flanqué de ses deux filles, deux sœurs inséparables pour lesquelles il fait son possible pour les mener à bon port.
Si Maria possède une raison que son allure contredit (rôle plus effacé, mais tout aussi bien porté par Adèle Haenel), Suzanne est taillée d’une seule pièce, dans le roc. Déterminée, prête à tout, et surtout en amour quand le coup de foudre pour un gars de mauvaise vie, devient irrémédiable.
Autrefois dans les chansons réalistes, on appelait ça des refrains de caniveau. Dans le rôle titre, Sara Forestier élève le propos au rang d’une ballade tragique, où la rage et l’émotion se mêlent indistinctement pour façonner un personnage.
La jeune comédienne prend elle aussi le rôle à plein cœur, allant chercher jusqu’au plus profond d’elle-même, amertume et ressentiment, bonheur et liberté. Elle le fait sans appuyer le trait, comme si le rôle n’exigeait qu’un peu de reconnaissance, alors qu’il est certainement accroché à une école dramatique de haut vol.
La réalisatrice Katell Quillévéré porte son attention sur ce portrait en demi-teinte, qui ne se dévoile jamais tout à fait, et ne se heurte pas aux contradictions d’une âme déchirée. Le fait de porter l’ellipse à son paroxysme (les changements de temps sont parfois radicaux) avec distinction et finesse, aurait pu lui valoir quelques anicroches ou incohérences.
Que nenni tout est bien ordonné dans la vie de Suzanne ; le chaos intérieur qui la chavire n’apparaît jamais dans le retentissement d’un fait divers ou d’une escroquerie.
Tout ici participe de l’intime et de l’affectif, d’une nature à fleur de peau qui petit à petit vient vous titiller l’épiderme, et ne vous lâche plus jusqu’à l’ultime confession. Il y a quand même quelques temps que je n’étais pas sorti aussi chamboulé d’une salle de cinéma.
LES ENTRETIENS
- Avec Katell Quillévéré. « Je vais au cinéma pour me sentir vivante, lâcher des émotions » dit-elle en évoquant la genèse de son film imaginé à partir de « la lecture de biographies de femmes de truands, qui se consacrent entièrement à leur compagnon, malgré le risque, les dangers, je suis fascinée par ça ».
Sur le casting. Je ne vous citerais que François Damiens « l’un des plus grands acteurs comiques d’aujourd’hui, un beau cadeau de l’emmener dans des endroits où il n’avait jamais été ».
- Avec Sara Forestier (6.30 mn). « J’avais l’impression que j’étais la seule à pouvoir comprendre ce personnage de Suzanne, un truc d’instinct très fort, rien d’égoïste, j’ai vu l’aspect auto-destructeur du personnage, mais aussi une poussée vers la vie, une grande amoureuse ».
- Avec Adèle Haenel (4 mn). « J’ai aimé jouer la légèreté, des blagues improvisées qui sont restées dans le film, je suis fière, mon personnage joue sur la sympathie ».La relation avec Sara? « Je savais que les choses rebondiraient bien, en bonne intelligence sur l’équilibre des personnage, conscient qu’on fonctionnait à deux ».
- Avec François Damiens (5 mn). La pudeur, pas trop mâcher le boulot du spectateur, il faut avoir la retenue, pas pleurer, dit-il .« J’ai souvent l’impression d’un rapport de force avec un réalisateur mais jamais avec une femme, ce rapport qui fait perdre du temps et parasite le jeu. Là c’était tout naturel ».
Review Overview
Le film
Les bonus
Il y a déjà un principe de réalisation qui veut que l’ellipse soit poussée à son extrême. On vit ainsi en un clin d’œil, et le plus naturellement du monde, une trentaine d’années de la famille Mervesky que les atermoiements des uns et des autres ne vont pas faire sombrer dans le commun d’une écriture tout à fait paisible.
Le heurt est ailleurs, dans l’intime et la sensibilité d’une jeune femme qui par amour va perdre le fil qu’elle avait tissé avec sa sœur bien aimée. Adèle Haenel n’a pas le rôle facile face à Sarah Forestier qui puise au plus profond d’elle-même des ressources dramatiques extrêmes. Et François Damien en père aimant, est d’une extraordinaire complexité, qu’il rend si attachante.
Après quoi Katell Quillévéré s’est semble-t-il plus laissé porter par le jeu des comédiens que par la technique d’une mise en scène, ici proche de l’épure. Du très beau cinéma.
Avis bonus
Quatre petits entretiens, qui font du bien ...
Il y autant de violence que de tendresse et de délicatesse dans ce film si émouvant. C’est de la dentelle.